mercredi 15 février 2017

Nucléaire ou (et) énergies renouvelables ? (4ème partie)

Avant de quitter le nucléaire et les attaques dont il fait l’objet, dont la dépendance à la fourniture d’uranium, il faut savoir que la France maîtrise l’ensemble du cycle du combustible, de la mine au réacteur, et du recyclage du combustible au réacteur, tout en assurant le stockage des déchets radioactifs. L’uranium transite en effet dans plusieurs types de molécules chimiques. Il faut amener l’uranium naturel à 0,7% d’235U fissile extrait de la mine, à 4% pour son utilisation sous forme d’oxyde dans les réacteurs. Le passage de 0,7% à 4% s’appelle l’enrichissement et nécessite le traitement d’un gaz, l’uranium doit se présenter sous la forme d’hexafluorure (UF6). La France maîtrise toutes ces opérations. Elle tient d’ailleurs le troisième rang dans le monde pour cette fabrication. En ce qui concerne le retraitement (séparation uranium, plutonium et déchets), seuls trois pays possèdent cette technique : France – Royaume-Uni – Japon qui a acquis la technologie française.

Enfin, avant de brader cette industrie du nucléaire, Il faut savoir qu’elle emploie un grand nombre de salariés. C’est environ 48.000 salariés qui travaillent sur les installations d’AREVA et c’est 22.000 personnes qui travaillent sur les réacteurs d’EDF pendant les arrêts de tranche. Mais l’industrie nucléaire fait marcher tout un pan du secteur privé et c’est beaucoup plus qu’une centaine de milliers de travailleurs qui vivent du nucléaire. Ces deux précisions montrent l’importance de ce secteur industriel qui est de plus exportateur de réacteurs mais aussi de services d’enrichissement et de retraitement du combustible. 

Le nucléaire, comme les énergies renouvelables intermittentes, ne produit pas de CO2. Le seul argument, en dehors de la dangerosité, qui puisse motiver son remplacement est le coût du kWh. Dans le cadre de la transition énergétique, le gouvernement vient d'arrêter la Programmation pluriannuelle des investissements (PPI) dans l'électricité dite « renouvelable ". On y trouve pour le photovoltaïque, l'éolien terrestre et l'éolien maritime la puissance installée planifiée pour 2018 et pour 2023. Malheureusement on n’y trouve pas de chiffrage du coût des investissements correspondants. Il faut donc se livrer soi-même à un calcul à partir des données (peu sûres) dont nous disposons pour le coût de 1 gigaWatt installé : 2 Mdspour le photovoltaïque, 1,8 pour l'éolien terrestre, 4,8 pour l'éolien maritime. On obtient ainsi le coût du programme arrêté pour les cinq années 2018-2023 : entre 71 et 102 milliards d'euros. Il faut y ajouter les dépenses d'investissement à engager pour le développement du réseau de transport de l'électricité. Comme la consommation n'augmente pas et que le réseau actuel est suffisant, les lignes nouvelles prévues (en plus des investissements de renouvellement) se justifient uniquement par la géographie nouvelle des installations de renouvelables. RTE, le responsable du réseau, estime cet investissement à 1 milliard par an, soit 5 milliards pour la période considérée. Au total, le PPI énergétique implique donc entre 76 et 107 milliards d'investissement, soit entre 15 et 21 milliards par an, soit dans l’hypothèse haute l’ensemble des budgets de l’Enseignement supérieur et de la Justice !

Pour cet investissement, et en supposant que ces installations ne demandent aucun entretien alors que ce n’est pas le cas, on a une énergie électrique « gratuite » pour 20 années de durée de vie. On voit que cette gratuité demande un coût. On va admettre que la production électrique est suffisante puisque nous sommes exportateurs d’électricité à hauteur de 6 à 8% et que notre consommation n’évolue plus depuis plusieurs années. Dans le PPI on voit apparaître un distinguo entre l’éolien et le solaire photovoltaïque selon que l’on y adjoint un stockage ou non. Il n’existe aucun moyen de stockage de l’énergie électrique autre que les retenues d’eau en hauteur, la fabrication d’hydrogène et les batteries. La capacité des retenues d’eau est très inférieure aux nouveaux besoins et la fabrication d’hydrogène est très consommatrice d’électricité par rapport à l’énergie récupérée. Les batteries pour des stockages aussi importants sont aussi très coûteuses et le coût n’est pas fourni. On trouve dans le privé le chiffre de 600pour un panneau solaire de 500W à 1000. Donc pour une prévision de 20GW de solaire photovoltaïque avec stockage, soit 40 millions de panneaux, il faudrait compter 24 milliards d’euros de coût supplémentaire hors coût de remplacement des batteries. 

Pour simplifier l’évaluation du coût du kWh supplémentaire, on va se borner à considérer la puissance éolienne et solaire comme mise en œuvre sans stockage. Que peut-on attendre de ces puissances installées en EnRi ? Il faut tenir compte de l’intermittence de ces énergies. On trouve, sur les statistiques énergétiques de RTE en 2015, une puissance utile de 13,64% pour le solaire et de 23,36% pour l’éolien par rapport à la puissance installée. On considère que l’on peut atteindre 35% pour l’éolien en mer. Ceci nous donne, suivant les deux hypothèses basse et haute, 7,6 GW et 8,8 GW soit un investissement de 10 Mds€ et 12 Mds€ pour 1 GW de puissance disponible. A ceci il faut ajouter, comme je l’ai montré à partir des statistiques de RTE sur 2014-2015 (tableau ci-dessus) que 1 kWh d’EnR (bioénergie+ éolien + solaire) nécessite la production de 1 kWh de centrale thermique, les autres sources d’énergies n’ayant pas significativement évolué. En admettant que la disponibilité d’une centrale thermique est de 100%, cela veut dire qu’il faudra mettre en œuvre une puissance thermique supplémentaire de 7,6 GW à 8,8 GW. Si l’on s’en tient aux chiffres de 2015, ceci est possible car il resterait 18 GW utilisables dans la puissance installée de 22 GW.

Ceci veut dire que le supplément d’EnRi conduit à un mixte obligatoire avec le thermique avec une puissance disponible totale de 15,2 à 17,6 GW. Le taux de disponibilité du nucléaire ayant été de 75,37% en 2015, la puissance nucléaire installée qui peut être remplacée est de 20 à 25 GW soit 20 à 25 réacteurs de 1 GW. L’objectif de remplacement de 40% du nucléaire serait atteint mais grâce à un mixte moitié énergies renouvelables et moitié thermique ! La puissance thermique utilisée en 2015 étant de 3,9 GW, cela entraîne une augmentation des rejets de polluants et de CO2 de 90 à 125% même si cela réduit les déchets nucléaires de 34 à 43%. Les EnRi sont indirectement polluantes et participent au réchauffement climatique s’il est toujours prouvé qu’il existe et que sa cause est anthropique.  Nos réacteurs ont besoin d’un grand « carénage » qui coûte 1 milliard par réacteur, donc la fermeture de 20 à 25 réacteurs économise 20 à 25 milliards à comparer aux 76 à 107 milliards d’investissement sur les EnRi. C’est 56 à 82 milliards d’investissements en plus. Peut-on néanmoins en espérer un abaissement du coût du kWh ? C’est ce dont on parlera dans le prochain article.


Le plan d’investissement dans les EnRi prévu de 2018 à 2023 

Entraîne une dépense de 56 à 82 milliards supplémentaires.

Non seulement ceci est très lourd budgétairement 

Mais ce plan aggrave l’émission de CO2 

Et la pollution en général.


Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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