mardi 6 novembre 2018

La France et l’UE désormais dans le mauvais camp (Suite)



On aurait tort de quitter l’aspect militaire des principaux pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) sans parler de la puissance militaire chinoise et indienne. Forte de 318 milliers d’hommes aptes au combat, la Chine, puissance nucléaire, ne compte pas que sur le nombre de ses soldats. D’après le Pentagone l’Armée populaire de libération (APL) a renforcé non seulement son armée terrestre mais aussi ses capacités navales aériennes et spatiales dans la mesure où elles pourraient « déprécier le fondement de l’avance opérationnelle et technologique américaine ».
Sans aucun doute la Chine a modifié l’équilibre du pouvoir dans le Pacifique. La présence américaine doit faire face à une force redoutable dont l’objectif de contrôle de la mer de Chine et de ses îles est visible. Les autorités chinoises admettent maintenant que Pékin a militarisé les îles Spratly et d’autres hauts-fonds importants de la mer de Chine méridionale, y déployant des missiles, exacerbant les tensions et mettant les eaux entre les Philippines et le Vietnam à sa portée. Elle déploie une stratégie de « contre-intervention » pour repousser ses adversaires, nombre de ses armes sont presque impossibles à détecter et à intercepter, menaçant les meilleurs navires des États-Unis. A ce propos notre présence confirmée en Nouvelle-Calédonie est d’une grande importance stratégique, car ces îles intéressent ce grand pays au même titre que l’Australie.
La montée de la puissance chinoise a été très rapide et date de cinq ans depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. Pékin a maintenant son tout premier porte-avions fabriqué en Chine, qui a pris la mer en avril, tandis qu’un autre est en construction à Shanghai. Les groupements tactiques chinois de navires de guerre, d’avions de combat et de bombardiers font régulièrement le tour de Taïwan. La marine chinoise a construit plus de 100 navires de guerre et sous-marins au cours de la dernière décennie. L’année dernière, elle a lancé une nouvelle catégorie de « super destroyers », tout en contrôlant les dépenses militaires grâce à son économie en plein essor. La Chine investit dans le spatial et les technologies de pointe en particulier dans le domaine aérien et dans les missiles nucléaires. Sa réussite économique lui permet de se projeter sur le continent africain en y investissant massivement dans les infrastructures et d’étendre son influence politique et militaire comme la Russie. Elle est, derrière la Russie, le plus grand fournisseur d’armes. Elle veut d’ailleurs faire de Djibouti une base militaire et économique en l’incluant dans son projet de la route maritime de la soie. Mais le plus impressionnant reste l’accord stratégique de plus en plus fort avec la Russie qui se concrétise par des manœuvres conjointes après des années de guerre froide entre les deux pays. 
A ces deux colosses militaires, il faut adjoindre l’Inde qui consacre un gros budget militaire à la modernisation de son armée, en particulier pour la remise à niveau de son armée de l’air. Après la commande de seulement 36 Rafale à la France, l’Inde relance un appel d’offres pour 110 avions supplémentaires. Son armée fait face potentiellement à deux menaces, la Chine et le Pakistan. Toutefois l’Inde prend de plus en plus de place dans les BRICS et est en liaison économique avec la Russie. On peut donc penser que des liens stratégiques plus étroits entre les trois puissances, Russie, Chine, et Inde vont voir le jour dans une opposition au bloc occidental aux mains américaines. Inutile de rappeler que l’Inde dispose de la force nucléaire et que ces trois puissances ne sont domptables que dans la mesure où elles ne coopèrent pas. Or les conflits historiques s’estompent devant des intérêts économiques que la géographie et le partage des ressources sont entrain de pousser ces trois grandes puissances à s’entendre aussi stratégiquement.
La rébellion contre l’hégémonie américaine et le changement stratégique qu’impose Donald Trump modifient profondément la géopolitique du monde. Si l’on regarde le point de vue américain, on constate que les Etats-Unis réalisent qu’il n’y a plus adéquation parfaite entre les dépenses militaires et leur besoin de domination. Leur réussite économique était liée à des actions militaires de déstabilisation des pays rebelles et d’implantation de base militaires tout autour du bloc russo-chinois avec l’appui du Japon, de la Corée du Sud et des Philippines. Trump a compris que l’urgence était la relance de l’économie américaine et qu’elle devait être à terme l’instrument essentiel d’une domination défensive d’abord. Sur le plan stratégique il faut être partout mais à moindre frais. Il en est ainsi du glacis de l’Europe face à la Russie et de sa zone commerciale de premier ordre. En cas de conflit avec ce pays, celui-ci se jouera d’abord sur ce glacis laissant les Etats-Unis hors de portée d’une attaque massive. 
Au Moyen-Orient, domaine d’enrichissement des grandes sociétés pétrolières américains et des ressources à mettre hors de portée des grands consommateurs comme la Chine, la relation avec Israël doit être confortée aux yeux du monde, d’où le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. Par ailleurs cela conforte la position de Trump vis-vis des banquiers judéo-américains inquiets qui financent les guerres. La présence américaine doit être renforcée en Afrique pour couper la route au couple russo-chinois qui prend de plus en plus d’options sur les richesses de ce continent géographiquement lié à l’Eurasie. Si Trump peut faire des démonstrations de force en Europe pour conforter ces pays dans leur choix du parapluie américain, cela n'impressionne guère la Russie qui ne bougera que si la Biélorussie est menacée et que l’Ukraine devienne agressive poussée par l’OTAN. Il n’en est pas de même du côté de l’Iran et de la mer de Chine. Si les Etats-Unis ont un certain contrôle sur le pétrole du Moyen-Orient avec le rapprochement entre l’Arabie Saoudite et Israël, il n’en est pas de même sur les grandes ressources pétrolières de l’Iran.
Dans une stratégie de privation de ressources naturelles l’ennemi principal, c’est-à-dire, finalement la Chine, il faut empêcher celle-ci de se procurer du pétrole, donc mettre l’Iran au pas, l’affaiblir économiquement selon la stratégie des sanctions appliquée sans réussite tangible sur la Russie, mais efficace sur le Venezuela. Plus loin le pion Corée du Sud doit être utilisé pour un rapprochement entre les deux Corée, où la Corée du Nord est affaiblie économiquement et a un urgent besoin de rentrer dans l’économie de marché. L’équilibre militaire des forces entre les deux Corée permet d’envisager la réunion économique de ces deux pays, ce qui aura pour effet d’éloigner la Corée du Nord de son voisin et sponsor chinois. Tout au moins c’est ce qu’espère Trump après cet épisode de comédie à risque qu’il a joué avec succès. Tout cela montre que les Etats-Unis peuvent bander leurs muscles avec une Russie qui ne bougera pas tant que ses intérêts vitaux ne seront pas menacés et Poutine a clairement énoncé le tracé de la ligne rouge. En effet l’OTAN garantit des alliances européennes et un glacis économique et militaire qui est d’une part à exploiter comme débouché des produits américains, dont le gaz de schiste, et d’autre part non seulement un blocage de toute tentative d’annexion russe mais aussi une possibilité d’extension UE-OTAN vers l’Est. Même si les sanctions contre la Russie ne produisent pas l’effet escompté, cela maintient l’Europe dans le giron américain face à un ennemi désigné comme le plus dangereux pour elle. 
Mais la vraie partie géopolitique, où l’hégémonie américaine est menacée, se joue ailleurs géographiquement, du côté de l’océan Indien et de la mer de Chine. Dans la guerre économique, telle que la conçoit Donald Trump, la cible finale c’est la Chine. Toutefois les liens économiques des Etats-Unis avec la Chine forcent ceux-ci à une stratégie d’attente, d’escarmouches en mer de Chine et de droits de douane. Car c’est avec ce pays et le trio Chine-Russie-Inde que se joue le choc de deux conceptions du Nouveau Monde. C’est ce dont parlera le prochain article pour terminer un éclairage sur les profondes modifications des équilibres du monde où l’Europe et la France sont aux abonnés absents. 
Alain Pierrefitte écrivait « Le jour où la Chine s’éveillera » 
De Gaulle fut le premier à rencontrer Mao Tsé-Toung
Depuis la France a perdu le sens de l’histoire. 
Les Etats-Unis s’accrochent à l’économie
Pour sauver la puissance du dollar. 
Mais dans les Routes de la soie
Naît l’avenir du monde !
Claude Trouvé 
06/11/18

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