lundi 17 octobre 2016

L’industrie chimique plus dangereuse que le nucléaire

Un certain nombre de personnes sont blessées et d’autres disparues dans une explosion qui vient de se produire aujourd’hui 17 octobre dans une usine de la ville allemande de Lampertheim sur le Rhin au sud de Francfort, appartenant au groupe de produits chimiques BASF. Selon les autorités de la ville : « L'explosion suivie d'incendies est intervenue lors de travaux sur un système de pipelines ». D'après le journal allemand Die Welt, 13 incidents sont survenus dans des usines de BASF depuis le début de l'année. En juin, le ministère allemand de l'Environnement avait annoncé l'ouverture d'une enquête à l'issue d'un accident impliquant du phosgène dans une usine chimique à Mayence. Ses conclusions sont attendues en novembre.

Ceci n’est pas sans rappeler à notre souvenir l’explosion de l’usine AZF à Toulouse. Celle-ci fut détruite le 21 septembre 2001 par l’explosion d’un stock de nitrate d'ammonium, entraînant la mort de 31 personnes, faisant 2 500 blessés dont une trentaine dans un état grave et de lourds dégâts matériels. Entendue à 80 km à la ronde, cette explosion a déclenché un séisme de magnitude 3,4. À proximité, les zones commerciales de Darty et Brossette furent totalement détruites. De très nombreux logements, plusieurs entreprises et quelques équipements (piscines, gymnases, salles de concert, lycée Déodat de Séverac) ont été touchés. Les dégâts (murs lézardés, portes et fenêtres enfoncées, toitures et panneaux soufflés ou envolés, vitres brisées, etc.) ont été visibles jusqu’au centre-ville. Parmi les équipements publics touchés, on peut citer le grand palais des sports (entièrement démoli et reconstruit à la suite de ces dommages), le Bikini (salle de spectacle), l’École nationale supérieure des ingénieurs en arts chimiques et technologiques, le lycée Gallieni et le centre hospitalier Gérard Marchant. On estime les dégâts matériels globalement à 2 milliards d’euros, dont 33 millions d’euros pour des bâtiments publics. 

Onze après, le 24 septembre 2012, la cour d’appel de Toulouse prononce la condamnation de la société Grande Paroisse, propriétaire d’AZF, et de son ancien directeur Serge Biechlin. La France avait déjà commencé à oublier et l’industrie chimique continuait de plus belle. Les écologistes ont vite jeté l’éponge, on ne peut pas s’attaquer à l’industrie chimique. Pourtant c’est l’industrie qui a fait le plus grand nombre de victimes dans le monde et probablement les dégâts matériels les plus importants. C’est le caractère exemplaire ou le retentissement de certains des accidents chimiques, dont la catastrophe de Seveso en Italie, qui ont amené à mettre en place ou à renforcer la règlementation des activités industrielles concernées.

Les premiers accidents chimiques furent ceux des explosions de poudrières, fabrication ou stockage de poudres, en 1654 à Delf aux Pays-Bas, puis le 31 août 1794 à Paris et le 25 mai 1800 à Nantes. Une série impressionnante de catastrophes minières a suivi avec les coups de grisou dans les galeries de mines de charbon à partir du 28 février 1812 près de Liège en Belgique (française à l’époque). Six explosions majeures dues au charbon durant le XIXème siècle ont fait près de 400 morts, J’ajoute une autre remarque pour un autre type de catastrophe. Le 31 mai 1889, en amont de Johnstown (Pennsylvanie, États-Unis), la rupture d'un barrage fait 2 200 morts. A-t-on cessé de construire des barrages pour autant ? Non, puisque nous avons eu la catastrophe de Malpasset avec la rupture du barrage le 2 décembre 1959 dont la  retenue devait assurer l’alimentation en eau de l'agglomération de Fréjus/Saint-Raphaël (Var), des communes environnantes et de leur plaine agricole. Elle a fait 423 victimes et des dégâts matériels considérables, routes, voies ferrées, fermes, immeubles détruits. C'est une des plus grandes catastrophes civiles françaises du XXe siècle. 

Mais durant ce siècle les catastrophes industrielles et en particulier minières se sont multipliées. Le 10 mars 1906, la Catastrophe de Courrières dans le Pas-de-Calais (France) se classe comme la plus grave catastrophe minière d'Europe avec 1 099 morts. A-t-on fermé les mines ? Non, après les lampes à feu nu furent bannies mais les catastrophes minières ont continué : 1907, 1912, 1913, 1934, 1942 à Benxi, (province de Liaoning, Chine) avec 1549 morts, 1950, 1953, 1956, 1962, 1965 avec 321 morts, 1970, 1971, 1972, 1974. Progressivement les accidents miniers ont disparu avec la fermeture des mines de charbon mais de nouvelles catastrophes chimiques se sont produites dans les industries d’armement, et à cause des produits chimiques dangereux à fabriquer ou à transporter créant d’énormes pollutions des airs et des mers et de nombreuses victimes. Deux accidents majeurs en nombre de victimes sont à déplorer. Le premier le 8 août 1975, à Banqiao (Chine), à la suite de précipitations extraordinaires dues à un typhon, la rupture en cascade et le dynamitage volontaire de 62 barrages suivant celui de Banqiao tuent 26 000 personnes directement et 145 000 à la suite des épidémies et de la famine engendrée. Le second le 3 décembre 1984, à Bhopal (Inde), la fuite de 40 tonnes de gaz toxiques de l'usine de pesticides d'Union Carbide fait plus de 8 000 morts dans les trois premiers jours et plus de 20 000 en près de vingt ans.

Les barrages n’ont pas subi l’opprobre des écologistes bien au contraire et l’industrie chimique tourne à plein égrenant en continu des accidents graves tournant souvent à la catastrophe comme le 10 juillet 1976, à Seveso (Italie), où l'explosion d'un réacteur chimique provoque une catastrophe écologique de grande ampleur au cours de laquelle des quantités importantes de dioxine sont relâchées dans l'atmosphère et 193 personnes sont affectées de chloracné et autres symptômes. 

Alors regardons les accidents ou catastrophes nucléaires. Le premier notable a eu lieu en octobre 1957, à Windscale en Angleterre. L'incendie de Windscale se classe comme la pire catastrophe nucléaire de Grande-Bretagne par ses importants rejets de matières radioactives. L'accident a été jugé de niveau 5 sur l'échelle INES. Le lait produit dans les 500 km2 environnant a été détruit par peur de contamination et 126 personnes ont été légèrement contaminées au niveau de la thyroïde. Neuf ans plus tard, le 4 janvier 1966, à Feyzin, l'explosion de la raffinerie fait 18 morts, dont 11 pompiers, et une centaine de blessés. Le deuxième accident nucléaire a eu lieu le 28 mars 1979, à Three Mile Island (Pennsylvanie, États-Unis), la fusion partielle du cœur d'un réacteur nucléaire dans la centrale nucléaire cause le rejet de produits radioactifs dans l'atmosphère. L’accident a été classé au niveau 5 sans que l’on puisse déterminer avec certitude si des personnes ont pu être contaminées. La même année, le 8 janvier 1979, dans le sud-ouest de l'Irlande, le pétrolier français Bételgeuse explose lors du déchargement de sa cargaison causant 49 morts.

Les deux accidents nucléaires majeurs sont évidemment Tchernobyl, le 26 avril 1986, et Fukushima, le 11 mars 2011. A Tchernobyl, les équipes d’intervention immédiate ont payé un lourd tribut et deux ou trois dizaines d'intervenants sont morts rapidement dont certains par suicide. Selon les organismes les plus sérieux OMS, AIEA, CIPR le nombre estimé de victimes probables de la contamination serait de 4.000. Ce chiffre est tiré d’une échelle de probabilité et s’échelonnerait sur de nombreuses années donc difficilement vérifiable. Les chiffres les plus farfelus sont propagés dans les médias. Disons que parmi les premiers intervenants ayant reçu les plus fortes doses certains sont toujours vivants et que la dose moyenne d’exposition des 473.000 personnes vivant dans les zones contaminées resterait dans ce qui est considéré comme des faibles doses à 35mSv. Tchernobyl reste l’unique accident où le contrôle des fissions nucléaires fut perdu et dû à un cumul d’erreurs humaines. 

Pour Fukushima, il y a une origine d’agression de la nature aggravée par des erreurs humaines avec un tremblement de terre de magnitude 8,9 suivi d’un tsunami qui a ravagé les côtes du Japon, causant près de 30 000 morts et disparus. On n’a pas connaissance de pertes humaines pouvant être reliées avec certitude à la contamination. Là encore on peut se livrer à des calculs probabilistes n’ayant aucune valeur de certitude mais donnant des estimations sans commune mesure avec le nombre de disparus du tsunami. La zone la plus contaminée, définie par des doses dépassant les 30 mSv par an, classées faibles doses (l’équivalent de 15 fois la radioactivité naturelle), est peu étendue et certains continuent à y vivre malgré l’interdiction.

437 réacteurs fonctionnent dans le monde et produisaient 11,7% de l’électricité en 2011. 68 réacteurs étaient en construction en 2012. Depuis 1974, 28 réacteurs sont en construction en Chine. Alors ? 

Doit-on stopper le nucléaire en France

Sur le seul critère de sa dangerosité 

Et garder l’industrie chimique ?

Concluez vous-même ! 

Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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