lundi 2 février 2015

Ukraine­-Grèce, à chacun son cheval de Troie !



Les combats font rage en Ukraine. On parle enfin d’une véritable guerre, civile de plus donc encore plus horrible. Avec plus de 5.000 morts et des dizaines de plus chaque jour, en particulier chez les civils, cette guerre va laisser des traces indélébiles pour longtemps. L’unité de pays ne peut plus se faire qu’au prix du sang et d’une quasi-dictature. Donetsk est sous les bombes, Marioupol presque encerclé. 8.000 soldats de Kiev sont dans une nasse que la Novorussia referme sur eux. John Kerry rencontre Porochenko au bord de l’asphyxie financière et avec une armée qui ne maîtrise plus la situation à l’Est. Il vient soutenir son poulain qui dirige le cheval de Troie occidental dans une partie mal engagée mais qu’il ne saurait perdre.

Dans ce bras de fer qui oppose finalement la Russie et les Etats-Unis, l’Union Européenne est prise en otage. En effet seule l’Allemagne a de toute évidence intérêt à faire rentrer l’Ukraine dans le giron de l’UE. Elle continue sa politique d’ouverture de marchés et de main-d’œuvre utilisable vers l’Est. La France, comme d’habitude, suit les USA et l’Allemagne, en faisant tout pour apparaître encore plus royaliste que le roi pour tenter de marquer son libre-arbitre… ridicule. L’UE augmente les sanctions contre la Russie, mais celles-ci ont aussi un impact sur elle et on ne fait pas ainsi plier le peuple russe qui en a connu d’autres. 

La Russie réplique en gelant la livraison de gaz à l’Ukraine, sous prétexte que ceux-ci pompent illégalement du gaz à leur profit. En interrompant la livraison de 60% de l’approvisionnement russe vers l’Europe, le message est clair. L’hiver joue pour la Russie comme toujours. Sans gaz russe, l’Ukraine va en subir toute la rigueur. Les USA sont engagés dans un bras de fer et doivent détourner la Russie de son aide à la Syrie en engageant une nouvelle menace sur l’Ukraine. La Russie a clairement exprimé qu’elle ne supporterait pas l’arrivée de l’OTAN à sa frontière ukrainienne. Les positions sont irréconciliables et l’Ukraine devra être reconquise par Kiev ou une séparation de l’Est, devenant zone tampon, est inévitable. C’est toute l’importance des combats actuels où Etats-Unis (qui envisagent d’envoyer des armes « défensives » à Kiev) et Russie soutiennent plus ou moins discrètement chacun des deux camps mais ce sont les populations civiles de l’Est qui paient le plus lourd tribut.

Si l’Ukraine est le cheval de Troie dans la zone d’influence russe, la Grèce l’est devenue dans la zone d’influence atlantique. La victoire de Syriza est un coup de théâtre dans la stratégie géopolitique américaine et, par contrecoup, européenne. Tous les commentaires se focalisent sur l’aspect financier de la dette grecque sans voir que l’essentiel est ailleurs. La Grèce n’a survécu que grâce à l’argent de l’UE et du FMI, elle a nécessairement besoin d’une aide et va d’abord officiellement la chercher vers l’UE. Pourtant elle ne va pas quémander en robe de bure, contrairement aux autres pays européens en difficulté et c’est pourquoi les discussions vont être âpres, la Grèce n’étant disposée qu’au minimum de concessions. 

D’où vient ce courage, cette arrogance diront certains, alors que nous n’avons cessé d’aider ce pays en oubliant que les banques ont accumulé d’énormes profits dans cette affaire au passage ? On ne peut aller à l’affrontement sans biscuit, courage ou pas, la finance est un rouleau compresseur qui broie tous ceux qui s’opposent à elle… sauf, sauf si elle rencontre un adversaire où son poids trouve une résistance équivalente. Cet adversaire, c’est la Russie, pays peu endetté qui s’apprête en accumulant de l’or comme la Chine à mettre en danger l’hégémonie du dollar. La Russie est atteinte en 2015 par les sanctions mais pas suffisamment pour ne pas repartir dans la croissance en 2016. Elle a les reins solides.

Si Syriza se montre si sûr de lui, c’est qu’un lien s’est tissé avec la Russie bien avant les élections grecques. La promesse russe de soutenir Syriza lui avait été donnée. La Russie fut la première à féliciter Alexis Tsipras pour son élection et c’est vers ce pays que la Grèce s’est tournée en premier avant d’aller au contact de l’UE. Dès lors la Grèce est devenue le cheval de Troie russe dans un pays occidental faisant partie de l’OTAN. On voit que l’opposition Grèce-UE va bien au-delà de la simple renégociation de la dette. Le geste de dédain vis-à-vis des 7 milliards promis par l’UE est significatif, c’est un signal qui montre que la Grèce peut avoir une autre source de financement. 

La Russie peut donc réussir un coup géopolitique de première importance avec un cheval de Troie qui vaut bien celui de l’Ukraine. En effet l’OTAN a une importante base militaire en Grèce mais la Grèce s’oppose aux sanctions contre la Russie montrant clairement qu’elle se désolidarise de la politique étrangère atlantique. On se souvient de De Gaulle et le « US go home » qui affirmait la souveraineté de la France. L’enjeu pour la suprématie militaire des USA sur l’UE est considérable. Mais la Russie porte un autre intérêt sur la Grèce, intérêt économique cette fois. C’est la perspective d’un gazoduc transitant par la Grèce vers l’Italie et évitant l’Ukraine ou la Turquie.

Il se joue une guerre plus ou moins froide mais à multiples facettes où les USA doivent s’assurer la maîtrise de tout le Moyen-Orient, quitte à soutenir un wahhabisme jusqu’à en faire la religion dominante conquérante du monde, pour se retrouver face-à-face de la Russie. Par ailleurs la Russie doit recréer autour d’elle des zones tampons minimisant les risques de contact direct avec l’OTAN, garder son accès libre à la Méditerranée avec Tartous en Syrie. Mais sur le plan économique, la Russie doit pouvoir exporter son gaz vers l’Europe dans les meilleures conditions de sécurité et créer la possibilité d’alimenter la Chine avec laquelle elle va jouer l’attaque sur l’hégémonie du dollar. Pour les USA il est urgent de faire agir tous les leviers économico-financiers pour déstabiliser la Russie dont celui d’une déstabilisation politique de Poutine, selon la méthode classique utilisée dans les « printemps » et dernièrement en Ukraine. 

Les préoccupations affichées de la France et de l’UE sont des leurres

Elles masquent le bras de fer qui est désormais engagé 

Ukraine et Grèce sont des évènements majeurs

Dont les conséquences sont incalculables 

Dans une guerre sans merci ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon 

P.S : Pendant ce temps les médias se font la Une avec l’affaire DSK. Les médias sont devenus de simples relais-amplificateurs déformants d’une actualité instantanée. Leurs analyses sont inexistantes ou moutonnières.

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