vendredi 10 juillet 2015

La Grèce essaie de gagner du temps et de la souveraineté



Le parlement grec examine les dernières propositions de son gouvernement. La partie est jouable pour Alexis Tsipras s’il réussit à rassembler son propre camp. Ces mesures étant proches de celles qu’était prêt à accepter le précédent gouvernement de Samaras, il sera difficile au Pasok de ne pas finalement les voter. Rien ne sera gagné pour autant. Il n’y a aucune certitude que dans l’autre plateau de la balance, celui des créanciers, qui contient les aides demandées, les institutions européennes acceptent des aides à la hauteur demandée par Tsipras. Il leur est facile d’accepter un plan d’austérité grecque, proche de leur demande. Il leur est beaucoup plus difficile de se mettre d’accord sur les sommes à déverser sur la Grèce. De nombreux pays sont hostiles à toute nouvelle aide à la Grèce, considérant que le nouveau plan est à valoir sur les aides déjà versées ou prévues.

Le couple franco-allemand voudrait éviter la réunion des 28 pays de l’UE dimanche et s’en tenir à un accord des ministres des finances de l’eurogroupe, accord plus facile à obtenir que celui des pays de l’UE. En effet une dizaine de pays sont en dehors de la zone euro et restent très hostiles à ce que la zone euro soit privilégiée. La partie n’est pas jouée surtout si Tsipras n’obtient pas une aide suffisante pour pouvoir être vendue à un peuple désormais très remonté contre la zone euro. Il a le sentiment d’être méprisé, essoré de plus en plus et mis à genoux. L’accord du Parlement grec ne suffira pas à Tsipras pour éviter des désordres sociaux graves. Il doit montrer qu’il a les moyens de sortir rapidement de l’impasse budgétaire et économique où il se trouve. Le discours, cher aux politiques, « aujourd’hui ce sera dur, mais demain sera radieux », risque fort d’être compris comme «  demain on rase gratis » par un peuple en souffrance. 

Tsipras sait que les sommes qu’il peut avoir, permettront de payer les fonctionnaires et les retraites ainsi que les échéances des créanciers, mais les réformes structurelles de fond ne se feront que très lentement si elles se font. La mise en place d’une véritable administration fiscale sera aussi difficile dans un pays où il s’agit d’un important bouleversement culturel. Pendant ce temps les impôts ne rentreront pas comme prévu dans les ressources présentées à l’eurogroupe dans un pays qui retourne en récession avec une consommation intérieure qui va subir un pouvoir d’achat un peu plus écorné. Les armateurs ont déjà mis leur argent ailleurs et il sera pratiquement impossible de le faire rentrer tant le poids de cette corporation est important. Par ailleurs le cadastre devra repartir de celui de l’église orthodoxe, qui traînera les pieds sachant qu’il s’agit de l’imposer à terme.

En cas d’accord la partie économique à jour sera très tributaire de la partie politique sur laquelle l’opinion publique grecque peut réagir d’autant plus violemment qu’elle va avoir l’impression d’être flouée après avoir voté massivement un desserrement de l’austérité qui finit par un resserrement. L’idée de sortie de l’euro peut rapidement s’imposer sous le prétexte du « tant qu’à souffrir, souffrons librement et dignement ». Les partis extrêmes peuvent récolter le mécontentement populaire comme Aube dorée, l’occasion sera belle. Le temps joue contre Tsipras, c’est pourquoi il va essayer d’en gagner en demandant un « aménagement de la dette », donc de la repousser aux « calendes grecques ». La nouvelle position du FMI, sur l’assouplissement de la dette, ajoute un élément de poids en sa faveur. 

Rien n’est joué, accord ou non, la perspective de sortie de la Grèce reste une issue ayant une forte probabilité demain ou dans quelques mois. L’austérité accentuée sur la classe moyenne et les retraités, le frein mis sur le tourisme par l’augmentation de 10% de la TVA, les difficultés à obtenir des résultats rapides sur les réformes structurelles, le temps nécessaire pour que les investissements puissent redresser l’économie, sont autant de facteurs qui vont miner rapidement la confiance d’un peuple où 33% des habitants sont sous le seuil de pauvreté. La jeunesse au chômage à 50%, qui a voté massivement NON au référendum, ne restera pas silencieuse.

Le problème de fond d’une économie, incapable d’entrer dans la compétition mondiale avec une monnaie trop forte, reste bien présent. La politique de Hollande qui veut un accord est une posture dont il espère un gain personnel pour 2017, mais elle empêche d’aller jusqu’au fond du problème qui demande un Grexit provisoire et une aide de démarrage fournie par l’UE. Si accord il y a, ce ne sera pas l’attitude française qui aura été déterminante mais celle de l’Allemagne ou Angela porte la culotte du couple franco-allemand. Ce sera la victoire d’Obama qui aura fait une pression forte sur l’Allemagne, car la sortie de la Grèce est géopolitiquement très dangereuse pour lui, vu l’intérêt que porte Poutine à ce pays. 

Tsipras a vraiment ébranlé les fondements de l’UE,

Mis au grand jour les limites de sa solidarité, 

L’aspect mortifère des aides des créanciers,

Et fait réfléchir les peuples européens 

Sur le choix de la monnaie unique ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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