mardi 3 juin 2014

Une réforme territoriale de cache-misère et de fédéralisme

Le chef de l’État a pris une décision courageuse hier sur un coin de table et une carte de France pleine de découpages savants et changeants au gré des coups de téléphone de ceux qui ont la ligne directe du Président. Ségolène Royal, qui disait « Vous avez vu Hollande prendre une décision ? », devra faire amende honorable puisqu’elle se voit de plus à la tête d’une énorme région regroupant trois régions allant de l’Atlantique à l’Ile de France. On notera au passage combien il y a de synergie entre l’Eure-et-Loir, toute tournée vers l’Ile de France, et les pêcheurs de La Rochelle.

Cette réforme était-elle urgente ? Au moment où nous devons persuader Bruxelles que nous tiendrons nos objectifs et où celle-ci doute avec un « Oui mais » à propos de notre
projet de budget 2015 et mise sur 3,4% de déficit/PIB au lieu de 2,8% annoncé par la France, il ne parait pas que le moment soit bien choisi pour consacrer une bonne part de l’énergie gouvernementale dans cette réforme. Le changement, se heurtant toujours à l’immobilisme des acteurs concernés, une telle réforme ne peut qu’être particulièrement difficile à faire accepter d’abord et à mettre en œuvre ensuite. L’urgence qui veut que le pays se consacre à retrouver un dynamisme économique ne peut qu’en pâtir.

Cette réforme permet-elle des économies ? A terme, donc en 2020, cela reste à prouver. Les estimations, au doigt mouillé, ne cessent d’ailleurs de diminuer pour se résumer à quelques milliards aux dernières nouvelles. On peut d’ailleurs en douter. Non seulement, on voit mal des milliers de postes doublonnant disparaître ainsi et venir gonfler les chiffres du chômage, déjà monstrueux, mais en plus, pendant que la super-région va s’organiser, d’inévitables frictions vont avoir lieu (Où installer les bureaux ? Où déplacer les équipes ?), frictions qui vont à l’évidence coûter un pognon certain.

Cette réforme clarifie-t-elle le millefeuille territorial ? Dans la période transitoire où coexisteront les anciennes et nouvelles régions, c’est plutôt la pagaille qui règnera. Après la création des métropoles, dont certaines d’un poids considérable, va générer des doublons de missions et des luttes d’influence. Le millefeuille est toujours compliqué par l’introduction des métropoles et des intercommunalités et la proximité des citoyens de la commune et de la région est en permanence éloignée.

Cette réforme est-elle une manipulation politique ? Evidemment oui. Elle a deux objectifs. Dans une période, où la confiance dans le gouvernement et particulièrement dans le Président est au plus bas, et où les indicateurs économiques sont tous dans le rouge avec de plus un chômage qui continue à augmenter, il faut cacher la misère et détourner l’attention en lançant un sujet particulièrement polémique. C’est le même procédé qu’avec les lois sociétales : détourner l’attention et gagner du temps. Le deuxième objectif est de retarder les prochaines élections territoriales en espérant un climat plus favorable. L’essentiel est bien de gagner du temps par tous les moyens.

Cette réforme est-elle purement d’inspiration française ? Malheureusement non. L’Union Européenne souhaite le renforcement du pouvoir des régions et le modèle est le länder allemand. Ceci s’inscrit dans le but d’un fédéralisme qui effacerait le rôle des nations au profit de grandes régions européennes pour former les Etats-Unis d’Europe. Le régionalisme est encouragé. Le Président peut donner ainsi un gage de bonne volonté et marcher dans les pas de l’Allemagne.

Cette réforme a-t-elle des chances d’aboutir ? Rien n’est moins sûr car les oppositions des élus, qui vont disparaître avec certaines régions dont la grande majorité est de gauche et l’opposition parlementaire de droite mais aussi d’une partie de la gauche, compromettent le projet et son application. De plus la suppression des conseils généraux est repoussée à 2020, ce qui leur laisse de beaux jours devant eux et puis d’ici là…

L’essentiel va maintenant se jouer lors des élections régionales et présidentielles afin de mettre véritablement en place les Euro-Régions tout en détruisant les Etats-Nations et en déstructurant l’UE telle qu’elle est aujourd’hui. Ainsi, il ne sera plus question d’une construction européenne forcée alliant des peuples divers, mais il s’agira de la mise en place réelle des Etats-Unis d’Europe, unis à ceux d’Amérique par le grand marché transatlantique, le marché venant à bout des frontières et structures originelles. Le pseudo-euroscepticisme sera la clé de voute vers une Europe disloquée, tout ceci étant impulsé par les forces anglo-saxonnes.

On comprend pourquoi sur tel sujet, où De Gaulle avait quitté la Présidence, le duo gouvernemental ne veut pas d’un référendum. De fait le référendum est exclu depuis le vote des français contre la Constitution Européenne et comme le référendum d’initiative populaire, en fait partagée avec le Parlement, est quasi impraticable vu le nombre de signatures à recueillir, il n’est plus question d’y recourir. C’est cela la nouvelle démocratie républicaine ! 

Coup politique, bricolage et improvisation,

Une réforme à contretemps

Pour gagner du temps

Mais pas d’argent ! 

Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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