mardi 22 novembre 2016

Geste démocratique dans la gueule du loup (2ème partie)



Dans le précédent article nous avons vu que le taux de chômage n’était pas sensible de façon significative ni au nombre d’heures travaillées par an, ni à la durée du travail hebdomadaire. Ce sont donc d’autres facteurs qui ont une importance. On se doute que parmi ceux-là le coût horaire de l’heure travaillée a son importance, les charges administratives et fiscales, la recherche et l’innovation, la robotisation, le choix des créneaux porteurs du marché, etc. Fonder une politique économique sur l’augmentation des heures travaillées pour lutter contre le chômage est sans efficacité et même contre-productif car elle risque de faire baisser la productivité du travailleur français qui est très bonne. On peut d’ailleurs en avoir confirmation en regardant l’évolution de la valeur ajoutée par heure travaillée en fonction de la durée annuelle du travail sur une panoplie de pays européens. Si l’on exclut l’Irlande et le Luxembourg qui ont des PIB/heure travaillée au-dessus du lot, on constate sur le graphique que le PIB/heure travaillée baisse significativement avec la durée du travail.

Ceci confirme que l’augmentation de la durée du travail n’est pas le paramètre influent ni sur le chômage, ni sur la création de richesse. Le cas de l’Allemagne par rapport à la France est intéressant car il montre que l’Allemagne peut produire autant avec 7,5% de main-d’œuvre en moins. On sait que la robotisation est y plus poussée mais il y a matière à approfondir car la production de richesse là-bas n’est pas synonyme de nombre d’heures travaillées. Le cas de l’Irlande est tout aussi intéressant car le grand nombre d’heures travaillées génère une richesse au-dessus des autres pays. Le poids des charges fiscales y est certainement pour quelque chose. L’allègement des charges et la robotisation sont certainement porteurs de richesse. 

En est-il de même pour la durée hebdomadaire du travail ? La réponse est assez semblable même si la tendance est moins marquée. L’augmentation du PIB/heure travaillée n’a pas de lien évident avec la durée hebdomadaire du travail. Dans le secteur productif, la France n’a rien à y gagner. Le cas de l’Irlande est remarquable et montre bien que la durée hebdomadaire du travail y est plus faible qu’en France et que c’est très probablement la politique d’allègement fiscal qui joue.

Si l’augmentation de la durée du travail n’influe pas sur le taux de chômage, peut-on espérer que celle-ci joue sur la produit intérieur brut par habitant ? Le résultat obtenu est très intéressant. On voit que certains pays sortent de l’épure, à savoir le Luxembourg, l’Irlande, la Suisse et les États-Unis. Il conviendra de se poser la question du pourquoi. A part pour eux, il devient significatif que le nombre d’heures travaillées n’est pas le facteur principal influant sur le PIB/habitant, indice global qui mesure assez bien le niveau de richesse économique d’un pays. La France est l’exemple d’un pays qui ne tire pas parti des heures travaillées et elle est en retard de 30% sur ce qu’elle devrait faire, ce qui est énorme. Autre enseignement c’est que, si rien ne change par ailleurs, elle ne produira pas plus avec 20% de travail en plus. 

Si l’on extrait les pays particuliers cités ci-dessus, la relation de décroissance du PIB/habitant avec le nombre d’heures travaillées est très significatif. L’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas sont les pays dont le nombre d’heures travaillées est le plus faible et qui ont les meilleurs résultats. On ne peut pas espérer augmenter la richesse du pays en augmentant le nombre d’heures travaillées annuelles toutes choses égales par ailleurs. Les pays qui travaillent le plus sont ceux sur lesquels pèse lourdement la politique imposée par la troïka BCE, UE, FMI. 500 heures de travail annuel en plus se traduit alors par une perte de 16.400 $ sur le PIB/habitant.

Si l’on extrait les mêmes quatre pays, dont il faudra bien savoir pourquoi leurs résultats sont meilleurs, on observe le même constat sur la durée hebdomadaire du travail. Notre durée de travail hebdomadaire du travail est de 36,9 heures et cette durée semble bien placée dans le contexte des pays occidentaux. Passer à 39h, toutes choses égales par ailleurs, engendrerait une baisse du PIB/habitant de 6000 $ soit de 15%. 


Ce tour d’horizon sur les objectifs de réduction du chômage et de la croissance montre que, toutes choses égales par ailleurs, l’augmentation des heures travaillées annuelles est destructrice sur le chômage et le PIB/habitant et que par ailleurs il n’y a pas de raison d’augmenter la durée du travail la France se situant dans une bonne moyenne par rapport à ses concurrents. Un programme politique socio-économique ne se résume pas aux mesures sur la durée du travail mais il apparaît que ce sont les autres mesures qui doivent être favorables à la croissance et qu’elles sont un préalable dans une contexte mondial de croissance faible. Nous en reparlerons dans le prochain et dernier article. 

La manipulation de la durée du travail annuel et hebdomadaire 

Ne peut constituer en soi une solution au retard de la France.

Son augmentation est intrinsèquement négative 

Et doit être manipulée avec précaution. 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon


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