dimanche 6 novembre 2016

Éducation ou instruction : drame national ?

La plupart des gouvernements mettent en priorité l’Éducation Nationale. Le poste de Ministre de celle-ci est un poste hautement considéré et en même temps toujours vilipendé. Il s’agit d’abord du principal budget national, 67Mds en 2016, soit 16,4% des dépenses publiques sans compter la recherche et l’enseignement supérieur, ce qui porte à 84,2Mds soit 20,6%. Cela correspond à la somme des dépenses publiques de fonctionnement de l’Etat et des charges de la dette publique. L’effort financier est considérable puisque le budget était de 55Mds en 2015 au Royaume-Uni et l’Allemagne pour une population d’élèves comparable de 10,5 millions. Par ailleurs l’effectif global de personnes, administratives ou enseignantes, consacrées à l’Éducation, est de 1,3 millions dont presque 300.000 personnes travaillant dans nos écoles primaires, collèges et lycées qui disparaissent des comptes de l'Éducation nationale puisque employés par les communes, les départements et les régions. L’effectif global est de 821.000 en Allemagne et 878.000 au Royaume-Uni. Mais les résultats sont décevants voire tournant à la catastrophe vu le rang mondial de notre pays. Globalement la France consacre moitié plus d’argent par élève et par mise à disposition du personnel de l’Éducation Nationale.

En incluant les écoles maternelles, la France compte autant d'établissements scolaires que l'Allemagne et le Royaume-Uni réunis ! Hors maternelle, le ratio reste conséquent : 48.984 établissements en France contre 32.803 en Allemagne et 29.955 au Royaume-Uni, ce qui se traduit logiquement par l'explosion des dépenses annexes. À cela s'ajoute un effectif de presque 300.000 personnes travaillant dans nos écoles primaires, collèges et lycées qui disparaissent des comptes de l'Éducation nationale puisque employés par les communes, les départements et les régions. On peut évaluer ce surcoût à environ 10 milliards d'euros. 

Vient ensuite le dérapage des coûts de l'administration issus de la division atypique des compétences éducatives en France. Entre l'État et ses académies, les régions, les départements et les communes, plus de 36.800 échelons interviennent à un moment donné dans la politique éducative alors que, chez nos voisins, on trouve seulement 2 échelons compétents (16 Länder et près de 11.000 communes en Allemagne, l'État et 405 autorités locales au Royaume-Uni). Cela engendre 220.000 personnes (TOS inclus – techniciens et ouvriers) payées sur fonds publics travaillant dans le secteur de l'éducation quand l'Allemagne en compte 87.000 et le Royaume-Uni, un peu plus de 100.000. Enfin la masse salariale des enseignants. Notre pays compte 67.000 enseignants de plus qu'en Allemagne et plus de 270.000 de plus qu'au Royaume-Uni, pour une masse salariale de 49,9 milliards d'euros en 2011 (17% du budget de l'État), soit environ 10 milliards de plus que chez nos voisins. Le résultat est des enseignants moins bien payés mais avec une meilleure retraite, donnant moins d’heures de cours, et ayant des missions plus limitées.

Notre pays ne manque donc pas d’enseignants, ni de fonctionnaires dans notre système éducatif, à résultats comparables. Mais ces résultats sont-ils comparables ? On peut se poser la question quand, au classement international des universités, on trouve 3 établissements anglais aux trois premières places, devançant pour la première fois les universités américaines, et que notre Ecole Normale Supérieure pointe à la 66ème place et l’Ecole Polytechnique au-delà de la 100ème. Ceci veut dire que le Royaume-Uni et les Etats-Unis pompent parmi les meilleurs élèves français qui, pour une part importante, trouveront un emploi chez eux. C’est une perte irremplaçable et inquiétante pour notre pays. Mais on parle là de l’élite de l’élite, et nous pourrions nous honorer de produire les meilleurs résultats globaux touchant aux acquis scolaires fondamentaux. 

On dispose d’un outil de comparaison avec les pays de l’OCDE, le classement PISA dont le but est de comparer les performances de différents systèmes éducatifs en évaluant les compétences acquises par les élèves en fin d'obligation scolaire (quinze ans). Ces compétences sont définies comme celles dont tout citoyen européen moyen peut avoir besoin pour réussir dans sa vie quotidienne. Disons en gros ceux qui sont indispensables à l’insertion dans le monde du travail et dans la vie civile.  Il est actualisé tous les trois ans et publié l’année d’après. En 2009 trois secteurs de l’instruction étaient examinés : Mathématiques, Sciences et Lecture. En 2009 nous étions respectivement 22ème, 27ème, 22ème. En 2012 nous étions 25ème, 26ème, 21ème pour un résultat global à la 25ème place.

Si l’on se compare au Royaume-Uni on constate que nous n’avons pas trop à rougir de la comparaison, ce qui n’est plus vrai avec l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, pays frontaliers, et qui devient honteux vis-à-vis des Pays-Bas. Dans les places de tête on retrouve l’Asie du Sud-Est, la Chine de Shanghai et de Hong-Kong, le Japon, Singapour, Taiwan et la Corée du sud. De toute évidence non seulement la France n’est pas à son rang mais elle perd du terrain. Par contre il apparait clairement que le classement des universités anglaises est dû, non pas à une meilleure scolarité en primaire et secondaire, mais à un investissement dans l’excellence ciblée financièrement et à vocation mondiale, excellence du corps enseignant, excellence des élèves, conditions de travail optimales. Mais la France est ciblée dans le rapport PISA comme l’un des pays qui sont les plus inégaux, ceci étant probablement lié à la classe sociale des élèves. 

Le constat est amer, car notre pays avec un corps enseignant plus nombreux, un corps de fonctionnaires administratifs et techniques plus conséquent, et un investissement plus lourd que l’Allemagne et le Royaume-Uni, obtient des résultats globalement plus mauvais et décevants par rapport à un petit pays comme la Hollande. Cessons de dire que cela marche mieux parce que c’est un plus petit pays, argument bateau répété pour tout. On va aussi dire qu’une petite entreprise marche mieux qu’une grande alors que tous les cas de figure sont possibles. Non la France ne brille plus en Europe et encore moins en Asie du Sud-Est par la qualité de son enseignement. Elle faillit sur l’enseignement pour le plus grand nombre et pour l’enseignement de prestige, l’élitisme, et corse cette faillite par une diversité de résultats plus grande qu’ailleurs.

Il y a d’abord des réformes structurelles à effectuer. La décentralisation vers les régions, les départements et les communes est à pousser beaucoup plus loin. Dans cet état d’esprit les académies doivent devenir des agences régionales plus déconnectées de l’Etat. La gestion financière doit être plus autonome avec un forfait par élève et par an donné aux établissements scolaires. Il faut augmenter un peu les horaires de travail, par exemple 20 heures pour tous les enseignants, agrégés compris, ce qui doit permettre d’en réduire le nombre à terme. Il faut augmenter la qualité des enseignants par deux mesures urgentes, l’augmentation de la durée probatoire à 5 ans, et augmenter le salaire des enseignants, non pas de 50 euros par mois mais de 15% de façon à redonner de l’attrait à ce métier qui œuvre dans des conditions de plus en plus difficiles. Il faut donner de l’autonomie aux établissements dans le choix des enseignants par cooptation de tous les enseignants déjà en place et à la demande du chef d’établissement. Il faut rétablir une part de la rémunération au mérite avec un corps d’inspecteurs plus nombreux.

Enfin il faut cesser de manipuler les programmes et les horaires en permanence. Pour les programmes il faut les déconnecter du désir de faire plaisir à toutes les communautés religieuses. Le récit de l’histoire de France ne peut évoluer que par le travail des historiens et elle n’est pas sécable. La langue française doit être l’objet des efforts principaux dans ses expressions orale et écrite. L’histoire et la langue sont les marqueurs essentiels de l’assimilation des jeunes arrivant de l’étranger. Il faut enfin cesser de vouloir intégrer les enfants à l’école de plus en plus jeunes. L’enseignement n’est pas fait pour soulager les parents qui travaillent, elle est faite pour instruire et non pour éduquer et "gardienner". Des structures privées existent et des aides sociales sont toujours possibles. Enfin il faut restaurer l’autorité des professeurs qui ne peut être mise en doute en permanence par les parents et les élèves. Le sentiment d’appartenance à une société diverse mais respectant au mieux un principe d’égalité de droits et de devoirs pourrait être renforcé par une tenue uniforme en classe primaire pour commencer. 

Toute grande nation ne peut briller que par son niveau d’instruction 

Toute grande nation y fonde son unité, et son élite.

L’histoire et la langue sont les deux supports 

De son identité, non pas « heureuse »,

Mais un constant phare-guide 

D’une vraie nation 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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