lundi 2 juillet 2018

Le diable est dans l’austérité


Sous le prétexte de respect des critères de Maastricht sur le niveau de la dette publique/PIB à 60% maximum et du déficit budgétaire en dessous des 3%, la dure nécessité d’une politique d’austérité a été imposée par l’Allemagne tenante de la Real Politik à tous les pays de l’UE et aux candidats à l’entrée. Elle a le mérite de la cohérence puisque pays entrés ou candidats, tous sont logés à la même enseigne. Toutefois la France n’a réussi à passer sous la barre des 3% que récemment et en intégrant dans le PIB les marchés parallèles du trafic de la drogue, des armes et de la prostitution. Comme d’autres pays me direz-vous, sauf que ceci n’était pas prévu au départ et fausse la réalité puisque ce marché échappe aux politiques gouvernementales. C’est au nom de ce principe que la Grèce est tombée sous le joug du trio UE-FMI-BCE. Le moyen de pression est toujours le même, le poids de la dette entraînant un remboursement d’intérêts paralysant le pays, entraînant ensuite un déficit croissant, donc une augmentation de la dette, laquelle pèse sur l’économie et fait croître le déficit, etc. etc. Le remède imposé par le trio  infernal est alors l’austérité.
 
Tsipras, soutenu par un élan populaire, est allé demander à la France, mais surtout à l’Allemagne d’œuvrer pour une réduction de la dette par un prêt solidaire à taux faible, ou au moins un rééchelonnement de la dette sur une longue période. Dans les discussions, l’éventualité d’une sortie de l’UE par la Grèce était dans les têtes des négociateurs, mais rapidement cette éventualité a été écartée par la menace de la BCE de lui couper tout accès à son financement. La BCE venait de rentrer dans la politique, ce qui était pourtant contraire à ses statuts. Tsipras a été prié de capituler sans condition et d’accepter la tutelle du trio devenu maître du robinet de financement du pays. Cette tutelle a donc imposé une politique d’austérité, sans précédent encore dans l’UE, principalement dirigée contre le peuple, retraites, salaires, avantages sociaux, impôts en maintenant par ailleurs des taux d’emprunt insupportables à financer sans l’application de ces mesures. Pour compléter le programme de redressement, le dépouillement du patrimoine du pays a permis de faire l’appoint. 

La tutelle avait donné comme objectif l’équilibre du budget primaire, celui-ci ne prenant pas en compte le montant des intérêts des prêts consentis. Cette situation est un pacte léonin car d’un côté la Grèce est acculée à baisser ses dépenses pour les amener au niveau des rentrées d’argent dues à son économie par les taxes et impôts, sans que la relance de celle-ci soit réellement l’objectif. Par ailleurs le montant des intérêts étant exclu du jugement sur le redressement, ceci pousse le gouvernement grec à solliciter toujours plus d’argent. Mais les prêteurs sont maîtres des taux et peuvent manipuler les ceux-ci en fonction de l’urgence de la demande grecque. C’est ainsi que l’Allemagne a collecté plusieurs milliards d’euros sur le dos Grecs et acquis du patrimoine à prix cassé. Ceux-ci ont vécu un enfer car si la dette est le piège tendu aux pays endettés, l’austérité est le diable entrant chez l’habitant pour le spolier en lui vendant un marché de dupes, celui du déficit insupportable entraînant la nécessité de l’austérité :
Multiplication par deux du taux de pauvreté depuis 2008.
Multiplication par deux du taux de chômage.
Multiplication par trois du taux de suicides.
Augmentation de la mortalité infantile de 50%.
Dette à 180% du PIB.

C’est un chemin de croix mais la victoire est au bout selon les commentaires des européistes. Je crois pourtant qu’aucun français ne veut en arriver là. Pourtant le piège de la dette est aussi tendu pour nous, et les signes de durcissement de l’austérité se font jour. Le trio UE-FMI-BCE vient de retirer sa tutelle sur la Grèce, estimant que la condition de sa levée est obtenue en raison du léger excédent budgétaire, hors intérêts de la dette. Le but est atteint. L’UE se félicite et Tsipras offre un visage souriant à son peuple exsangue, le tourisme repart, la Grèce est sauvée. Toutefois son budget est placé sous surveillance de la Commission Européenne jusqu'en 2059. Malheureusement c’est plutôt à un nouveau calvaire que sont voués nos amis grecs. La Grèce peut désormais se présenter librement pour obtenir des prêts sur le marché bancaire qui va porter son jugement sur la dette grecque, la santé de son économie, et sa capacité à payer les intérêts. La dette de la Grèce a augmenté de 20% depuis 2008 soit 53 milliards représentant 30% du PIB de 2017
 
La Grèce a vu son PIB/habitant passer de 24400 euros à 20100, soit une diminution de 18% depuis 2008, et en mars 2018 le taux de chômage était de 20,1% ! Pour information le taux de chômage dans la zone euro était de 8,4% (-0,8% en un an), et de 7,2% dans l’UE mais toujours de 9,2% en France. La Grèce est dans un état qui n’inspire pas confiance dans sa capacité à s’en sortir car elle va subir de plein fouet les marchés bancaires avec un déficit réel et non plus primaire que son économie ne peut supporter. Les taux d’emprunts vont donc repartir à la hausse très rapidement si la Grèce ne montre pas sa capacité à réduire efficacement son déficit réel. C’est donc une nouvelle vague d’austérité qui se prépare pour les Grecs. Ils sont placés dans une situation comparable au patient placé en chambre stérile pour le soigner et qu’on autorise à affronter l’air extérieur. Ses défenses immunitaires vont être sollicitées à plein et il entre dans une zone de risque maximum qui peut le conduire jusqu’à la mort.

Le mécanisme broyeur des Etats est la dette, comme l’a rappelé à juste titre notre Ministre des Finances, contrairement à ce que pense nombre de français qui misent sur le fait que la dette ne sera jamais remboursée. Ils oublient un fait capital c’est que la dette est le moyen de pression sur les Etats par les taux d’intérêt sur les emprunts, lesquels sont directement liés à la confiance des prêteurs sur la capacité de leurs créanciers à, d’une part payer les intérêts, et d’autre part rembourser la dette si besoin. La dette est une dépendance redoutable aux marchés financiers. C’est la dette et le déficit budgétaire qui ont fait tomber la Grèce dans le cercle vicieux de l’austérité, remède imposé par l’UE. Mais l’austérité devient le diable quand  elle est justifiée comme seul remède à l’équilibre budgétaire, voire au remboursement de la dette. Elle devient un mode de gouvernement des Etats beaucoup plus facile à pratiquer que la remontée économique du pays et l’augmentation de ses ressources. 

L’austérité se pratique essentiellement sur les peuples et peu sur les dépenses de fonctionnement des Etats. Vous remarquerez en France qu’on rogne sur les dépenses d’investissement mais on augmente celles de fonctionnement. Pour faire rentrer de l’argent, on vend du patrimoine, on baisse les prestations sociales, et on augmente les taxes et les impôts ou en crée de nouveaux. La seule difficulté est d’avoir l’assentiment plus ou moins tacite du peuple. Enfin quand je dis du peuple, je parle en gros des salariés car les autres sont amadoués par des mesures d’aide ou de liberté de manipulation de ces derniers. Ce dernier point est justifié par la technique du « ruissellement » dont l’avantage est de promettre le bonheur pour demain, ce qui laisse du temps de tranquillité pour continuer la politique d’austérité sur le peuple salarié et les retraités, par l’impôt et les prestations sociales. Nous verrons dans le prochain article comment Macron utilise ce concept de gouvernement et nous conduit vers une situation à la grecque dès que la baisse relative de performance de la France et l’effritement du soutien allemand vont finir par être pris en compte dans les milieux bancaires internationaux.
 
La lutte contre l’endettement a fait rentrer 

Le diable dans l’Acropole des Grecs

Leur vendant une austérité 

Qui les appauvrit

Et les asservit !

Claude Trouvé 
02/07/18

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