lundi 9 juillet 2018

La France bientôt en queue du peloton mondial ? (Suite)


Si le PIB inclut toutes les recettes de l’Etat, il tient compte de la balance commerciale du pays concerné . Celle-ci est un bon indicateur de la santé des pays, mais ceux-ci ayant des populations très différentes il est intéressant de ramener ces chiffres à une valeur par habitant ou par rapport au PIB ou au PIB/habitant. Le graphique ci-dessous, que vous ne trouverez pas ailleurs à moins d’aller vous plonger dans les statistiques d’Eurostat, amène une vision plus juste de l’impact que peut avoir la balance commerciale, soit la différence entre exportations et importations, sur notre pays. En effet les milliards ne parlent pas facilement au commun des mortels. On parlera donc ici en euros.

Le déficit 2017 de la balance commerciale de la France en 2017 s’élève à 79,2 Milliards d’euros mais il est plus parlant de dire que cela correspond à -1182 euros par personne, le salaire d’un mois pour certains. C’est l’appauvrissement de notre pays dû aux échanges commerciaux en 2017. L’Allemagne pour sa part a un excédent de 248,8 Mds soit +3015 par allemand. C’est 328 Mds de différence entre l’Allemagne et la France, et 4197€ de plus pour un allemand par rapport à un français en 2017. 

Mais on constate visuellement que la France n’est pas bien placée, et si l’on excepte le Royaume-Uni qui a dévalué et doit patienter pour rétablir sa balance, la France ne devance que des petits pays, principalement du sud comme la Grèce, le Portugal, Chypre et Malte. Ce dernier et le Luxembourg créent leur richesse ailleurs en tant que paradis fiscaux. Mais le constat le plus ennuyeux pour nous est que l’UE dans son ensemble dégage un léger excédent, lequel est encore beaucoup plus important pour la zone euro. L’Italie est le seul pays du sud qui ait un excédent commercial de +783 par italien. Si l’on excepte l’Irlande pour la raison du faible impôt sur les sociétés, on note la bonne performance de la République Tchèque qui montre que la richesse commerciale se concentre autour de l’Allemagne avec les pays de l’est proches, plus la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas.

Le constat est sans appel. La France n’est pas compétitive et la baisse de son déficit budgétaire par rapport à son PIB n’est dûe qu’à une politique d’austérité dont le poids principal est assumé par les 95% des français les moins riches. Si l’Allemagne entraîne autour d’elle les pays limitrophes de sa sphère d’influence, elle pille la France en lui imposant un déficit commercial de 17,2 Mds en 2017 soit une augmentation de 21% depuis 2016. L’Allemagne est, de loin, le premier client et fournisseur de la France. En 2017, les exportations françaises vers l’Allemagne représentent 14,8% (contre 16,2% en 2016) des exportations totales françaises et les importations en provenance d’’Allemagne 15,8% (contre 16,9% en 2016) des importations françaises totales. Le déficit commercial de la France avec l’Allemagne s’accroît en raison d’une baisse des exportations.


Mais regardons ce nouveau graphique sur le pourcentage de PIB affecté par la balance commerciale. Il n’apporte pas beaucoup de changements par rapport au précédent. Si la France fait mieux que le Royaume-Uni, elle est très en retrait de la zone euro et même de l’UE et surtout en recul en déficit alors que l’Italie, la Belgique, et l’Allemagne sont en excédent de balance commerciale. Je ne reviens pas sur les cas particuliers du Royaume-Uni et de l’Irlande. Donc quelle que soit la façon dont on regarde la balance commerciale, la France se situe en queue de peloton des grands pays de la zone euro. On remarque aussi que le fait de ne pas avoir l’euro comme monnaie n’a pas empêché la Suède, la Pologne, le Danemark, la Hongrie et la Tchéquie d’avoir une balance commerciale excédentaire.
Mais il nous reste à voir si ce mauvais résultat de la France est néanmoins dans un contexte de redressement sur les deux années 2016 et 2017.


Le constat est aussi décevant que précédemment. En 2015 le déficit de la balance commerciale était de 45,7 Mds€ pour passer à 79,2 Mds€ en 2017 soit une augmentation de 73.3% sur 2 ans ou une augmentation annuelle de 33,6%. Si l’on exclut le cas particulier du Royaume-Uni, la France est avant- dernière sur l’évolution des exportations et en baisse relative par rapport à l’UE de -0,1 point.
Cette présentation basée sur les prix courants en euros ne tient pas compte des dévaluations de monnaie, comme pour le Royaume-Uni. On peut avoir une vision plus juste des exportations en volume et de leur variation annuelle calculée sur les deux années 2016 et 2017.

Le constat pour la France confirme notre avant-dernière place dans l’évolution de nos exportations une fois tenu compte de la dévaluation pour le Royaume-Uni. Mais la France est bien en perte de compétitivité et ressemble plus à la Grèce qu’à la dynamique des autres pays de l’UE. La comparaison par rapport à l’Italie et l’Espagne montre combien nous perdons du terrain par rapport à ces deux grands pays du sud. Avec 2,35% de nos exportations, nous avons reculé même par rapport à l’Allemagne avec ses 3,37% annuels. La politique d’austérité où les économies se font principalement sur les particuliers et les consommateurs avec un reversement aux sociétés dont surtout les plus grosses, et un dégrèvement pour les spéculateurs, ne rendent pas la France plus compétitive mais augmente le nombre de milliardaires. 

On peut regarder ce qui se passe sur la variation annuelle des importations en volume calculée sur les années 2016-2017 pour comparer les trajectoires respectives des exportations et des importations.

Pour les importations la France devance le Royaume-Uni et l’Espagne. Mais on note que l’augmentation annuelle des importations est de 4,08% à comparer à celle des exportations de 2,35% des importations. La balance commerciale est donc bien sur une dynamique d’augmentation du déficit. Mais le constat est ainsi un manque de compétitivité de nos entreprises qui nous fait reculer relativement sur les exportations et fait augmenter nos importations, ce qui est un signe de très mauvaise santé. Notre croissance n’est portée que par la croissance des autre pays dont nous ne profitons que très partiellement. A contrario on peut noter le redressement de l’Espagne, dont les exportations croissent de 4,45% et les importations de 3,67% seulement, la plaçant dans une dynamique résolument positive.

En conclusion l’état de notre économie est délabré et les mesures prises jusqu’à présent ne font que nous faire reculer par rapport à la dynamique de l’UE et de l’Allemagne. La course à la réduction du déficit public, par l’augmentation des recettes fiscales sans des économies substantielles autres que les dépenses d’investissement et la vente d’actions d’Etat sous prétexte de privatisation imposée par l’UE et donnée comme bénéfique dans la communication, appauvrit globalement la France. Elle nous conduit vers le chemin de croix de la Grèce. Le chômage ne peut qu’augmenter globalement même si les chômeurs à temps plein sont remplacés par des chômeurs à temps partiel comme nous le verrons  prochainement.
 
Le bon équilibre économique d’un pays se juge 

Sur le PIB/habitant et la balance commerciale.

Sur ces deux critères la France se délite 

Par rapport aux pays de l’Union.

Alors concluons, sortons-en !

Claude Trouvé 
09/07/18