mercredi 30 avril 2014

L’Allemagne est-elle toujours le modèle à suivre ? (fin)



Si l’Allemagne mène une politique de sécurité routière plus intelligente et moins contraignante que la France, il n’en est pas de même dans tous les domaines en particulier dans celui de l’énergie. Malheureusement cette vision allemande déteint sur la politique énergétique française car ce pays devient un phare auquel la France ne cesse plus de se référer et qui impose non seulement un euromark mais aussi une politique économique sur toute la zone euro pour le moins. La vision de la politique énergétique de ces deux pays ne devrait pourtant pas être identique pour des raisons de choix énergétiques antérieurs et de possession de richesses minières. 

La France n’a pas de pétrole ni de gaz et a fermé ses mines de charbon épuisées ou non rentables. Elle a lancé depuis une cinquantaine d’années une politique d’approvisionnement d’électricité par l’énergie nucléaire jusqu’à devenir le pays le plus nucléarisé du monde en rapport à son nombre d’habitants avec 73% de l’électricité produite. Elle a par ailleurs diversifié ses sources d’approvisionnement en uranium sur presque tous les continents (Etats-Unis, Canada, Niger, Namibie, Kazakhstan, Australie, etc.), sans compter des réserves stratégiques sur notre sol. De plus elle a la maîtrise de tout le cycle nucléaire avec l’enrichissement de l’uranium, la fabrication du combustible en amont des réacteurs, et en aval  le retraitement pour le recyclage du combustible dans ceux-ci et pour le confinement des déchets. 

Enfin elle n’a pas tourné le dos aux énergies renouvelables mais a surtout gardé une capacité privée et publique de recherche sur le nucléaire. La cohérence de sa politique était assurée jusqu’à ce qu’elle envisage de forcer l’allure pour les énergies renouvelables subventionnées, payées par le consommateur, et l’arrêt prématuré de centrales nucléaires sans véritable raison autre que politique (l’argument sécuritaire a bon dos comme la démocratie pour la Libye, la Syrie et l’Ukraine). 

L’Allemagne dispose de ressources minières principalement sous forme de lignite et de contrats très importants de fourniture de gaz avec la Russie. La pression écologique dans ce pays a conduit à prendre la décision politique d’arrêt du nucléaire qui était nettement moins développé qu’en France avec une part du nucléaire de 22,5% en 2010. Suite à l’accident de Fukushima, les 7 plus anciens réacteurs ont tout d'abord été arrêtés, puis le 29 mai 2011 la coalition gouvernementale a annoncé sa décision de fermer toutes les centrales nucléaires électrogènes d'ici 2022. Son intention est de couvrir les besoins par d'autres sources d'énergie non émettrices de gaz à effet de serre (comme le dioxyde de carbone). 

Cette transition énergétique se traduit cependant par une série d'effets pervers. Le premier est la hausse du prix de l'électricité en Allemagne. Les consommateurs et les petites et moyennes entreprises payent pour cette énergie un des tarifs les plus élevés d'Europe. Les producteurs, qu'ils soient des entreprises ou des particuliers, bénéficient d'un prix de rachat au-dessus du prix du marché garanti sur vingt ans. Le surcoût créé par ces énergies est réparti sur l'ensemble des consommateurs. Ce texte a permis une croissance exceptionnelle des énergies renouvelables en Allemagne depuis vingt ans. 

Le revers de la médaille c’est, que le surcoût est de moins en moins bien accepté par les consommateurs allemands  et devrait monter à 250€ par foyer et par an en 2014, que l’augmentation de pollution du dioxyde de carbone ne cesse d’augmenter par l’obligation de démarrer des centrales thermiques. Ceci pour deux raisons, la compensation aléatoire des manques de vent, la compensation des 7 réacteurs nucléaires déjà à l’arrêt et les 17 à venir. L’Allemagne s’est couverte d’éoliennes et de panneaux solaires, mais elle a un besoin de plus en plus impérieux d’extraire du lignite et va même ouvrir de nouvelles mines d’extraction de ce charbon de mauvaise qualité. 

Les industries privées RW et E.ON exploitant les réacteurs nucléaires sont en difficulté financière et RW a déjà supprimé 6.000 postes. C’est des milliers de kilomètres de lignes à haute tension qui devront traverser le pays du nord au sud pour y amener la production éolienne offshore au grand dam des populations. Celles-ci doivent déjà supporter des fermes d’éoliennes qui remplissent le paysage parfois lui donnant un aspect kafkaïen (comme je l’ai constaté de visu près de Leipzig) et une pollution, due en grande partie aux centrales à charbon, qui en fait le pays le plus pollué d’Europe… et ce n’est pas fini ! Difficile d’imaginer que la France puisse suivre l’exemple allemand compte-tenu de son passé nucléaire et de son manque d’énergies fossiles. 

L’Allemagne est dans ce domaine l’exemple à ne pas suivre 

Sauf quand les politiques et les multinationales 

Y trouvent leur intérêt ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF