mercredi 11 décembre 2013

France-Allemagne ou je t’aime moi non plus !

Depuis Waterloo jusqu’en 1945, bien des guerres ont entaché l’empire de Charlemagne qui avait déjà vu la guerre de prédominance entre François Ier et Charles-Quint. Mais depuis Waterloo c’est à peine un siècle et demi au regard de l’histoire, donc bien peu. Malgré deux guerres mondiales, qui auraient pu être évitées car la seconde n’est que la suite de la première, on n’a fait que déplacer le centre de l’Europe d’Aix-la-Chapelle à Berlin. L’Allemagne est redevenue la puissance centrale de l’Europe mais France et Allemagne ont des destins liés.

La grande différence c’est que le Royaume de France a vendu son indépendance républicaine à sa voisine par le biais de l’hégémonie américaine qui veut faire de l’Europe un glacis protecteur à l’ouest au plus près de la Russie et de plus créer une zone de libre-échange permettant de l’inonder des produits américains. François Mitterrand en voulant arrimer notre voisine à la France dans une Europe unie a commis l’erreur de demander une monnaie unique entre les deux pays, l’euro. Nous sommes ainsi condamnés à la tyrannie de l’euro-mark car nous n’avons pas voulu choisir une parité de dévaluation viable par rapport au mark au moment de la création de l’euro. 

L’idée eut pu être envisageable si nous avions exigé une dévaluation à laquelle l’Allemagne n’était pas favorable pour raison de compétitivité. Mais nous avons cru alors que nous saurions rapidement remonter notre handicap. Malheureusement nous n‘avons pas fait à temps les efforts nécessaires pensant que l’Allemagne avait à prendre en charge le lourd fardeau de la réunification. Le temps paraissait jouer en notre faveur. L’Allemagne a alors fait l’effort énorme de moderniser l’Allemagne de l’Est tout en maintenant une infériorité des salaires par rapport à l’ouest où de plus ceux-ci n’ont pas évolué au rythme des salaires français. 

Doté d’une industrie puissante à l’ouest, d’une main-d’œuvre relativement bon marché, l’Allemagne a de plus profité de l’élargissement de l’UE à l’est pour trouver des débouchés à ses produits comme au début du XXème siècle et des utilisations d’une main-d’œuvre très bon marché. La ténacité, l’organisation étant deux valeurs germaines et la définition d’un projet économique clair ont été les moteurs d’une Allemagne qui a fait oublier les ravages du nazisme sur l’Europe. Elle a abandonné toute crainte d’une invasion russe et retissé des liens économiques forts avec ce pays, n’hésitant pas à une dépendance gazière forte. Elle a rétabli le lien germano-russe historique. 

Grâce à une parité avec le dollar supportable pour son économie et une compétitivité meilleure que la plupart des pays d’Europe, elle a d’abord de 1998 à 2010-2011 profité d’une balance commerciale excédentaire sur les pays de l’UE et particulièrement sur ceux de la zone euro. A l’inverse ceux-ci se sont retrouvés avec des balances déficitaires. Dans une certaine mesure, on peut dire que l’Allemagne a alors vampirisé le sang économique de ses partenaires européens. Désormais l’Allemagne a constaté que ces pays régressaient. L’augmentation des dettes publiques, l’a amenée à préconiser une réduction drastique du déficit public par des politiques d’austérité. 

C’est la crainte de devoir pallier par des aides aux carences de pays comme la Grèce qui est à l’origine de cette pression allemande. Elle explique qu’elle est très réticente aux eurobonds et traîne les pieds pour l’union bancaire. Elle a consenti au Mécanisme Européen de Solidarité mais elle sait que les fonds disponibles de l’ordre de 500Mds€ sont largement insuffisants pour éponger les dettes de l’Italie et de l’Espagne. Le risque existe toujours de devoir mettre la main à la poche alors qu’elle est déjà le pays qui débourse le plus. Devant le constat de la régression des pays européens, du sud mais avec une propagation plus récente au nord, l’Allemagne a développé son commerce hors UE au point qu’il soit supérieur en volume à celui dans l’UE. 

Désormais ce pays peut dicter la route à suivre sur toute l’UE. Il peut justifier l’égoïsme qui lui est reproché par la nécessité de prévenir l’avenir avec une démographie en chute et des retraites à assumer. Il peut aussi faire valoir que beaucoup d’Etats se sont montrés cigales, profitant des taux bas d’emprunt que seule la solidité de l’Allemagne pouvait garantir, sans faire les efforts nécessaires pour assurer leur compétitivité. 

Le résultat est que, si nous sommes dépendants des décisions allemandes, si nous souffrons de mesures d’austérité sans prendre les réformes structurelles pénibles mais nécessaires, on peut d’abord s’en prendre à nous-mêmes. Nous, enfin les élites, avons voulu l’euro, mais nous sommes incapables de l’assumer. Notre manque de vision de l’avenir a été dramatique. L’Allemagne est déjà en train de réaliser l’étape suivante : dégager son économie de l’espace étroit de l’UE et s’ouvrir au monde. 

Elle sait que le traité transatlantique de libre-échange ne profitera qu’à elle et aux États-Unis, au détriment des autres pays européens. De plus elle a déjà fait de la Chine son principal client et se tourne vers tous les grands pays émergents. L’Allemagne a une guerre (économique) d’avance ! Elle est prête à assumer une sortie de l’euro si la France ou l’Italie en manifestait le désir. Elle est aussi prête à y rester mais ne pratiquera qu’une solidarité très mesurée au regard de son économie. 

La France piétine dans le carcan de l’euro et dans une réticence à souffrir pour rebondir. Il ne lui reste aucune marge de manœuvre dans le cadre de l’euro. Les concessions allemandes ne seront qu’à la marge mais la politique d’austérité sera appliquée bon gré mal gré alors que de toute évidence elle ne peut qu’aggraver les écarts économiques entre l’Allemagne et les pays où elle est appliquée. Mme Merkel aura une main de fer dans un gant de velours. Selon les économistes la France serait compétitive à 1,04$ pour 1euro. Nous en sommes à 1,37$ soit 32% de trop. Pendant ce temps l'Allemagne vient de battre ses records d'exportation avec 99,1 milliards en octobre.

Le seul poids possible de la France, c’est : 

L’évocation d’une sortie de l’euro ! 

Alors qu’attendons-nous ? 

De mourir à petit feu ? 

Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon