mercredi 11 septembre 2013

Un risque de guerre mondiale sans bénéfice du doute (2ème partie)

Deux pays viennent de choisir de balayer l’organisation garante de la légalité internationale avec une soudaineté qui ne laisse aucun doute sur la culpabilité de Bachar el Assad et la gravité de son acte. Tout au moins c’est ce que l’on attend d’un pays responsable même si cela ne repose pas sur un consensus du Conseil de Sécurité. Les « preuves » sont loin d’avoir convaincu les autres pays et tous les représentants du Parlement de notre pays.

Le premier doute a saisi la Chambre des Lords anglaise et Cameron a dû capituler. Le second doute a touché Obama lui-même qui a sollicité l’avis du Congrès alors qu’il n’y était pas obligé, retardant ainsi l’exécution de l’opération militaire. On peut penser même qu’il n’y est pas personnellement favorable. Mais il n’a pas, comme Hollande, les coudées franches. La conjonction du pouvoir de certains représentants du peuple et du complexe militaro-industriel et financier le pousse à la guerre pour des raisons que nous allons voir. 

La première partie de cet article donnent quelques avis d’experts sur la non-culpabilité de Bachar el Assad mais il y en a d’autres comme ce témoignage d’une religieuse chrétienne qui s’étonne qu’on ait pu monter tant de vidéos sur des corps si bien alignés entre l’heure du massacre et la publication par l’Agence Reuters, soit de l’ordre de 2 heures. Le milieu journalistique sait bien que c’est impossible. Elle décrit aussi l’horreur du massacre sauvage avec décapitation et même démembrements de centaine de villageois qui a eu lieu en mai, massacre perpétré par les rebelles et qu’elle a constaté sur place. Elle s’indigne que ceci n’ait pas ému les mêmes qui aujourd’hui s’insurgent sur l’utilisation présumée d’un gaz de combat. Son témoignage part à l’ONU. 

Dans le JDD de dimanche 9 septembre on peut lire : « L'enseignant belge Pierre Piccinin, enlevé en Syrie par des rebelles au mois d'avril et libéré dimanche avec le journaliste italien Domenico Quirico, a affirmé lundi sur des médias belges que le gaz sarin n'avait pas été utilisé par le régime de Bachar El-Assad. » On peut s’étonner du peu de crédit donné à cette information. Le doute existe mais cela n’effleure pas les « va-t’en guerre », au premier rang desquels on trouve François Hollande. 

Alors il nous faut essayer de nous faire notre propre opinion. Comme le veut le crédo d’investigation de la police, il faut chercher à qui profite le crime. Sur le sol syrien, l’armée régulière est en train d’engendrer des succès et reprend petit-à-petit le contrôle des points stratégiques, même si une partie de Damas vit encore la guerre. Alors quel intérêt pourrait avoir Damas à violer sa signature du traité de non-emploi de gaz de combat et à se mettre à dos toute la communauté internationale ? Pour les adversaires la situation n’évolue pas en leur faveur malgré tous les soutiens du Moyen-Orient, des turcs, du Qatar et des occidentaux. Jeter l’opprobre sur Bachar el Assad ne peut que leur assurer une aide militaire nouvelle et un consensus international sur la légitimité de leur combat devant un tyran sanguinaire. 

Pourquoi, plutôt qu’un rapport de cinq pages de synthèse, ne pas rendre publics des éléments matériels de preuves : script des enregistrements de communications de militaires syriens, analyses scientifiques des échantillons collectés sur le terrain ; photos satellites ? Le doute ne peut être levé sans que des preuves tangibles soient données et cette guerre civile devient un champ de bataille où interviennent des puissances étrangères qui n’ont que faire de l’établissement de la démocratie. Les Etats-Unis, Israël, les turcs, les sunnites veulent simplement réduire ce pays à leur merci. Les Etats-Unis tentent de créer un « Greater Middle East » dans lequel il n’y aurait plus que des Etats proaméricains dans la ligne. Les USA considèrent toute la région comme leur chasse gardée. Kissinger est l’auteur de la phrase : « Le pétrole est beaucoup trop précieux pour être abandonné aux Arabes ». 

En France le Président est au plus bas dans les sondages, la croissance à venir ne peut assurer une baisse du chômage. Elle ne peut venir que des emplois aidés. Le chômage a encore augmenté de 0,1% au deuxième trimestre. Malgré les emplois aidés le nombre d’emplois salariés a encore baissé au deuxième trimestre et de 0,9% en un an. Les vraies réformes structurelles sont en panne de peur de soulever des mouvements d’opinion. La pause de la fiscalité en 2014 n’aura pas lieu (augmentation de la TVA, quotient familial raboté, etc.) et malgré tout la maîtrise du déficit ne sera pas au rendez-vous sur lequel la France s’était engagé. 

Le Président est paralysé sur le plan intérieur et doit chercher ailleurs une occasion de redorer son blason. Le costume de chef de guerre, de grand défenseur de la démocratie, de pourfendeur en première ligne d’un tyran employant soi-disant une arme interdite lui paraît une excellente opportunité. Ce faisant il est prêt à s’assoir sur l’autorisation de l’ONU et s’évertue seul, sans consensus européen, à lancer Obama dans la guerre. 

Il a perdu la plus belle occasion de mettre notre pays au centre du jeu. Les syriens sont francophiles et le protectorat a laissé des traces. Nous étions les mieux placés pour jouer un rôle de médiateur dans la recherche d’une solution politique alors que Bachar el Assad promet de réviser démocratiquement sa Constitution en mars. Hélas ce sont les russes qui empochent la mise et mettent le couple Obama-Hollande en difficulté avec une initiative qui fait mouche avec le contrôle international des arsenaux syriens contenant des gaz de combat. 

Obama recule, sans doute soulagé, car les américains ne veulent pas de cette guerre. Les membres du Congrès ne sont pas majoritairement convaincus par les preuves apportées et voteraient non à l’intervention militaire. Il saisit la proposition russe pour donner une chance à la diplomatie et retarde la réunion du Congrès. Hollande est lâché, heureusement. Il va devoir faire des explications alambiquées pour justifier sa position jusqu’au-boutiste, en dépit de l’opposition largement majoritaire de ses concitoyens, et accepter le jeu de la diplomatie. La frégate dépêchée sur place, ridicule par rapport aux navires russes, va pouvoir faire des ronds dans l’eau. 

La guerre n’arrive jamais par hasard. 

Celle-ci arrangerait beaucoup trop de monde 

Pour ne pas être suspecte ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon