lundi 25 juin 2018

La tambouille des mots en politique


Populisme, libéralisme, capitalisme, fascisme, nationalisme, nazisme, totalitarisme, racisme, souverainisme, multiculturalisme, multilatéralisme, mondialisme,  globalisme, fédéralisme, autonomisme, indépendantisme, consumérisme, hédonisme, idéologisme, égalitarisme, etc. sont des mots qui n’ont de point commun que leur terminaison en « isme », mais ils font partie de nombre de discours, d’émissions, de publications, et d’interventions dans une utilisation qui ressemble souvent plus à une tampouille qu’à une utilisation culinaire raffinée. Tous ces mots ont un sens originel, mais leur sens est dévié en permanence non pas au hasard mais avec des objectifs précis allant de la confusion des esprits à la désinformation pure et simple. Macron est particulièrement habile dans ces utilisations confuses dans une bouillie de mots, apparemment savants, mais excluant toute possibilité de comprendre le contenu du message, ou plus exactement permettant à chacun de s’en faire sa propre interprétation. C’est l’application du principe « macronien » du « en même temps », il y a tout pour vous plaire et repartez en pensant « printemps », vous vivrez heureux et moi aussi.

Alors il serait temps de nous souvenir, non pas seulement de l’étymologie des mots, mais de leur sens originel. Prenons le populisme, sans doute le mot le plus usité dans cette période de doute dans l’Union Européenne. C’est un mouvement politique créé en Russie pour lutter contre le tsarisme. C’est aujourd’hui l'attitude de certains mouvements politiques qui se réfèrent au peuple pour l'opposer à l'élite des gouvernants, au grand capital, aux privilégiés ou à toute minorité ayant "accaparé" le pouvoir, et les accuser de trahir égoïstement les intérêts du plus grand nombre. Quand Macron fustige le populisme en le traitant de lèpre, il affirme donc la primauté de l’élite et de la grande finance sur le peuple dans un discours où il éructe son mépris des peuples résistants aux diktats de l’UE à propos de l’immigration. Le populisme se réserve le droit de contester la démocratie représentative lorsque cette dernière soulève la protestation d’un grand nombre de citoyens. C’est ainsi que le populisme a contesté la signature du traité de Lisbonne, pour non-respect de son vote antérieur sur la Constitution. 

Mais Macron va plus loin en assimilant populisme et souverainisme, populisme et une xénophobie à relent de nationalisme et de racisme, alors que ces mots ne s’incluent pas les uns les autres. Ce genre de tambouille, cette cuisine malsaine tend à culpabiliser non seulement le populisme, déjà largement utilisé péjorativement, mais l’assimiler au racisme, opprobre supplémentaire. Quand on juge l’action de Macron depuis le début de son mandat, sur l’égide de l’UE et de la Finance, on comprend son horreur du populisme contestataire. Mais Macron en profite pour ratisser large en liant populisme et souverainisme, ce qui est une désinformation caractérisée, ce sont deux doctrines politiques différentes qui ne se nourrissent pas l’une l’autre. Le souverainisme est un mouvement ou une doctrine politique qui défend la souveraineté des nations en Europe et milite pour une Europe confédérale où l'autonomie politique des nations est préservée et respectée. On ne peut donc pas assimiler populisme et souverainisme.

Mais Macron va plus loin en incluant les pays du groupe Visegrad, dont la Hongrie avec Victor Orban traité de nationaliste. Il veut ainsi faire passer une note encore plus péjorative car le nationalisme fait partie de la stigmatisation de la droite. Or le nationalisme est une doctrine et une action politique qui visent à l'indépendance d'une nation lorsqu'elle est placée sous une domination étrangère. Dans le cas de l’UE on peut trouver à priori une ressemblance avec le souverainisme, mais le nationalisme va plus loin car il peut aussi chercher à défendre une culture, une civilisation opprimée ou niée par un occupant ou dissoute au sein d'un ensemble plus vaste. Le nationalisme va plus loin que le souverainisme. Il l’inclut en ajoutant un héritage à défendre, un corps de valeur à répéter fidèlement. Il peut conduire au fascisme qui entend faire de la nation une communauté unique rassemblée derrière un seul homme, et créer une dictature, régime policier, fort et autoritaire. Le fascisme est une évolution ultime du nationalisme mais ce dernier ne l‘inclut pas. il est inconvenant de mêler nationalisme et fascisme, façon habile et toujours utilisée pour discréditer un mouvement nationaliste. 

Mais Macron ferait bien de se méfier de l’utilisation mensongère des mots en particulier celui de fascisme, car le fascisme est une forme de totalitarisme et l’abolition effective du référendum, les ordonnances, le parti godillot, la consultation des syndicats en évitant une discussion de fond, sont les marques du totalitarisme, régime politique dans lequel un parti unique détient la totalité des pouvoirs et ne tolère aucune opposition (monopartisme), exigeant le rassemblement de tous les citoyens en un bloc unique derrière l'Etat. On n’est pas loin puisque Macron ne supporte aucune contestation. Mais lorsque l’Autriche est citée, les discours font fleurir un parfum de nazisme, idéologie totalitaire incluant la notion de « race » exclusive, donc xénophobe par définition, conduisant à l'extermination des Juifs (Shoah) et des Tziganes dans des camps de concentration. C’est la forme ultime du nationalisme mais ce dernier ne conduit pas de toute façon au nazisme hitlérien auxquels certains mouvements très minoritaires se réfèrent dans l’UE. Il s’agit en effet de l’expression la plus aboutie du racisme et du rejet des Droits de l’Homme.

On oppose aussi souverainisme et nationalisme avec le multiculturalisme et le mondialisme. C’est généralement une façon de stigmatiser les deux premiers. Mais le souverainisme ne rejette pas en bloc le multiculturalisme mais soulève le danger d’une société multi-civilisationnelle pouvant aboutir à une perte complète d’identité. On retrouve cette notion dans le mondialisme, à connotation économique et surtout du globalisme qui va bien au-delà. Il est faux de dire que le souverainisme et le nationalisme rejettent la mondialisation quand elle veut faciliter les échanges commerciaux lorsque celle-ci n’impose pas la libre circulation des capitaux et des biens. Chacun de ces sujets mérite une discussion de fond sans les cantonner dans des doctrines politiques et tenter de les opposer au mondialisme qui n’a d’ailleurs pas attendu l’époque moderne si j’en crois l’histoire des Phéniciens par exemple.
 
Par contre souverainisme et nationalisme s’opposent au fédéralisme mais pas à certaines formes de confédéralisme où les nations gardent leur identité et leur souveraineté. Il ne s’agit pas forcément d’une forme comparable à la confédération helvétique, mais plutôt d’une forme de multilatéralisme comme s’est bâtie une coopération entre les pays asiatiques de l’accord de Shangaï soutenu par l’axe Chine-Russie. Ces types de débat où chacun respecte la signification des mots se fait de plus en plus rare. Ceci crée une confusion entretenue d’ailleurs volontairement car elle empêche tout débat serein, et les vraies raisons des oppositions sont cachées. Par ces utilisations déformées des mots, il s’instaure une déliquescence du message politique et une confusion généralisée créant des conflits, des antagonismes qui n’ont pas lieu d’être. Qui est qui ou que représente-t-il devient une question prêtant à toutes les fausses interprétations. La démocratie s’y englue et l’élite devenue incompréhensible prend la main des peuples dans un autoritarisme à vocation de totalitarisme.
 
Quand les peuples ne peuvent plus comprendre leurs élites 

La voie de leur désinformation et de leur exploitation

Est toute grande ouverte vers le totalitarisme 

Seul remède contre la guerre civile

Engendrée par la tour de Babel.

Claude Trouvé 
24/06/18

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