vendredi 8 juin 2018

La France victorieuse… mais en Chine !



La Chine a démarré ce mercredi 6 juin le premier réacteur EPR de la planète. C’est l'un des deux réacteurs qu'EDF a construit à Taishan, dans le sud-est de la Chine avec l'électricien China General Nuclear Power (CGN). Il va maintenant y avoir une montée en puissance progressive pour une connexion au réseau dans quelques semaines. Pour EDF c’est un immense soulagement. Il détient en effet 30 % de la coentreprise avec CGN et a investi 1 milliard d'euros en fonds propres dans le projet. L'EPR de Taishan est le premier réacteur dit de « troisième génération » à démarrer dans le monde. C’est une victoire importante de la technologie française même si ce projet a pris quatre ans de retard par rapport au projet initial. Son démarrage se produit avant celui de Flamanville commencé deux ans plus tôt et reporté au début 2019. Les deux ont subi les retards dus essentiellement aux défauts détectés sur les cuves et les couvercles fabriqués par AREVA.

Évidemment la nouvelle a fait pschitt dans les grands médias, beaucoup plus intéressés par les comptes de campagne de Macron, par son accolade à Trudeau comme à Trump pour finalement enfiler ses gants de boxe contre lui lors du G7. Justement il faut réaliser que cette victoire a une importance économique pour la France si celle-ci veut rester dans le top des nations constructrices de réacteurs nucléaires. Grâce à son PDG, Marcel Boiteux, EDF était devenu la plus grosse compagnie d’électricité dans le monde. Or en Chine nous sommes en compétition directe avec les Etats-Unis qui construisent un AP1000 avec l’américain Westinghouse depuis 2006. La course était engagée devant les autorités chinoises, plus portées vers l’AP1000 pour leurs prochains réacteurs. Or la construction de 28 réacteurs va être engagées dans les années à venir. Démarrer l’EPR français, et cela avant les américains, est une double victoire française. Elle relance l’espoir de marchés futurs à une dizaine ou plus de milliards par réacteur en Chine et renforce la position française pour les autres marchés du monde avec 160 réacteurs en projet.

Si j’écris ce nouvel article, c’est qu’un autre article à charge sur le nucléaire est fort opportunément publié sur Agora Vox, article dans lequel on retrouve l’ensemble des menaces que le nucléaire fait peser sur la France. Je lis beaucoup de bêtises dans tout ça. Ceci prouve la désinformation générale ou le déficit d'information sur le sujet. Ayant passé 37 ans de ma vie dans ce domaine de l'énergie nucléaire, étant à la retraite ans et n’ayant aucun autre profit à tirer de mon passé professionnel, je suis atterré par la lecture de l'article et d'un certain nombre de commentaires. Comme toujours un peu de vérité fait passer d'énormes contre-vérités dans un dossier à charge. Dès le début de l'article, je lis l'affirmation d'une France possédant le plus grand nombre de réacteurs. C'est faux, c'est les États-Unis et ceux-ci ne relancent pas encore le nucléaire pour des raisons de surcapacité énergétique, et retrait assumé de la "décarbonisation". La France est en revanche le pays le plus nucléarisé du monde par habitant et est encore capable de produire 75% de son électricité. Elle n'a été l'objet d'aucun "accident" selon l'échelle internationale de gravité les classant de niveau 4 à 7. EDF n'a donc mis en danger ni l'environnement ni l'homme, sinon tout incident serait classé accident.

Nous voulons arrêter nos centrales à 40 ans d'âge alors que les États-Unis les poussent à 60 ans. Les japonais vont relancer progressivement les réacteurs arrêtés par mesure de précaution et de renforcement de leur sûreté. L'énergie nucléaire repart au contraire dans le monde et Macron essaie de vendre des réacteurs aux demandeurs des Emirats Arabes Unis. Les deux EPR chinois ont été construits avec succès et le premier a démarré à 16h52 ce mercredi. Sa construction a démarré en 2009 deux ans après Flamanville et son démarrage devrait être salué par Macron car il s'agit d'une technologie française. L’article d’Agora Vox stigmatise le retard technologique de la France avec ses réacteurs de 3ème génération, alors que les réacteurs rapides de 4ème génération arrivent. C’est un comble. Pour les réacteurs rapides nous avions 20 ans d'avance avec Superphénix, vilipendé par les écologistes et arrêté par Jospin. On a perdu 23 milliards de francs et ce sont les Russes qui vont maintenant vendre cette technologie de quatrième génération avec le RN800, nous enlevant la place de deuxième constructeur mondial avec la Chine.

L’article stigmatise EDF pour ses pertes financières et ses échecs en Finlande et à Flamanville. Notre victoire en Chine y répond partiellement. Il ne faut pas oublier que ce sont les premiers prototypes d’une filière qui est un saut technologique important surtout en matière de sécurité. Par ailleurs EDF a perdu beaucoup d'argent en s'immisçant sur ordre gouvernemental dans les énergies renouvelables, les EnRia intermittentes et aléatoires. Sans subvention ou droit de douane dissuasif, nous n'avons aucune chance de concurrencer les éoliennes chinoises et le marché européen est pris par le Danemark et l'Allemagne. De plus les terres rares sont nécessaires à la construction des éoliennes et des panneaux solaires, or la Chine détient 80% de la production mondiale. Si celle-ci développe cette industrie des EnRia, c'est pour en inonder l’Afrique devenu pour eux et les russes un continent bourré de richesses naturelles à exploiter en partenariat. En réalité les manipulations financières sur EDF ne se conçoivent que dans le contexte des directives européennes auxquelles la France ne peut plus se soustraire. La privatisation à venir d'EDF est une obligation faite à la France par l'UE pour l'ouverture à la concurrence et cela touchera tous les services publics. L’État a toujours empêché l'EDF de faire payer le kWh à son véritable coût, d'où une situation déficitaire, et quand auparavant EDF faisait des bénéfices, l’État le lui prenait pour se renflouer.

Enfin je me permets de rappeler qu’un réacteur EPR, type Flamanville, de 1650MW produit en continu la même quantité de kWh que 2690 éoliennes de 2MW. En plus ces dernières produisent d’une façon intermittente et aléatoire, et demandent des énergies pilotables pour répondre à la consommation. Les relevés sur les 3 derrières années publiés par RTE montrent que 1 kWh d'EnRia, implique un complément en gros de 1kWh d'énergie thermique. Ceci est aussi vérifiable sur les chiffres de production publiés en Allemagne et en Belgique. C'est la raison pour laquelle on veut une centrale au gaz à Landivisiau contestée par les écologistes. Pour les fermes de centaines d'éoliennes dans les plaines de l'Allemagne de l'Est, je vous conseille d'aller voir. Avec les centrales thermiques adjointes, l'air est irrespirable. C’est aussi pour cela que l’Allemagne n’arrive pas à diminuer son bilan carbone dans la production d’électricité. Il faut enlever toutes les illusions des écologistes purs que je respecte : « les EnRia ne peuvent pas diminuer la production de carbone par suite de leur dépendance aux conditions de vent et de soleil, ces énergies intermittentes et aléatoires demandent obligatoirement l’association avec les énergies thermiques pilotables mais polluantes ». La régulation rapide du réseau en 20 minutes, par les réacteurs nucléaires équipés pour cela, est une action qui dégrade leur efficacité énergétique et augmente leur vieillissement et les risques. L’importance des EnRia dans la production française est publiée en GW, unité de puissance électrique, ce qui multiplie par plus de 4, l’idée fausse de leur présence réelle dans la production en kWh, et influe donc l’opinion publique. On a une production électrique des EnRia de seulement 8% en 2017, production presque totalement exportée dans des conditions de vente en moyenne très inférieures au coût du kWh de ces énergies.

La conclusion, tirée simplement des chiffres publiés, est que non seulement les EnRia ne peuvent pas participer à la « décarbonisation », par suite du pilotage thermique obligatoire mais ils augmentent indirectement la pollution des vrais polluants émis par les énergies thermiques, même si les centrales à gaz sont moins polluantes. On peut bien sûr agiter en permanence les grands accidents de Tchernobyl et de Fukushima, en oubliant d’ailleurs que ce dernier est dû principalement au tsunami de Tōhoku dont la vague de 30 m de hauteur a tué par elle seule plus de 18.000 morts ou disparus. C’est cela la vraie catastrophe humaine car pour la ville de Fukushima, il n’y a pas eu de morts réellement déclarés pour cause de radioactivité. C’est une catastrophe économique, un déchirement social dû au déplacement de populations pour éviter les risques, mais la vie normale reprend progressivement partout.

Enfin on peut constater que l’Allemagne est encore loin d’avoir supprimé ces énergies polluantes en ajoutant du gaz et des bioénergies polluantes pour 26% d’EnRia alors que les seules centrales thermiques à base de lignite, les plus polluantes, représentent 24% de la production totale. L’Allemagne reste l’un des pays les plus polluants avec la Pologne et le restera encore longtemps avec un coût du kWh l’un des plus élevés d’Europe. C’est une véritable désinformation de la citer comme modèle, le coût du kWh est élevé, les EnRia augmentent indirectement la pollution totale, et l’Allemagne devient le pays le plus exportateur d’électricité. Mais c’est une électricité provenant des EnRia, de mauvaise qualité, intermittente et aléatoire, dont l’Allemagne doit se débarrasser à tout prix au risque de déstabiliser le réseau européen et nous plonger dans le black-out.

Évidemment ceci ne convaincra pas les écologistes idéologues mais je ne désespère pas pour les autres. Arrêtons la gabegie du plan énergétique, il y a tant à faire dans l’écologie par ailleurs.

La France comme dans d’autres domaines se laisse guider par l’Allemagne 

Dans une politique énergétique la poussant hors du nucléaire.

Ceci veut dire à terme que l’Allemagne avec le gaz russe 

Va rendre la France dépendante pour son électricité.

Les bons sentiments écologiques sont exploités 

Pour nous déposséder d’un atout majeur.
 
Claude Trouvé 
08/06/18

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