lundi 28 octobre 2013

Honni soit qui Mali pense !

Le consensus des deux partis droite-gauche de gouvernement sur l’opération Serval au Mali a été total comme pour la Libye. On entend encore dans les médias de la pensée unique ce genre de commentaires : « Contrairement à la Libye, l’opération militaire sur le Mali était indispensable et réussie, ce fut un grand moment de François Hollande ». En tous cas l’intéressé en était persuadé et a pu faire une entrée triomphale à Bamako dont il garde un souvenir ému. Il était mal venu, encore il y a peu, d’émettre une opinion différente comme je l’ai fait.

Ces propos, relayés en boucle sur la différence entre la Libye et le Mali, tranchent singulièrement avec ceux prononcés lors de l’opération libyenne, victoire militaire éclair encensée pour sa défense de la démocratie. Je l’ai au contraire dénoncée comme une opération de vassalisation aux Etats-Unis, une opération de lutte d’homme à homme entre le pouvoir suprême des deux pays, une opération masquée à but pétrolier, un désastre constaté à postériori. Ce désastre c’est le retour en arrière d’un pays qui devenait leader en Afrique et où les luttes ethniques séculaires avaient cessé même si la dictature y était répressive contre toute opposition. C’est aussi la main mise finale des djihadistes et la dispersion de tout l’armement conséquent de ce pays. 

La situation au Mali se présente différemment. Le Mali est un pays pauvre et vulnérable qui fait partie des 47 pays les plus arriérés socialement et économiquement. Treize ethnies différentes y vivent et avant la colonisation ils commerçaient avec les peuples d’Afrique du Nord intéressés par l’or, le sel et la culture mais aussi les esclaves. Ce dernier point n’est pas oublié entre les populations noires du sud et les arabes du nord. 

Les USA n’ont aucune envie de s’y impliquer et nous ont encouragés à intervenir même si l’obtention de l’accord de l’ONU pour notre intervention offensive n’a pas été obtenue sans mal. Nous avons de nombreux ressortissants là-bas et les mines d’uranium d’AREVA du Niger sont proches de la frontière du Mali. Cela a suffi pour lancer une opération dite anti-terroriste et de soutien au gouvernement légal (à l’inverse de ce qui nous faisons en Syrie). 

En tant qu’ancien officier d’Etat-Major, je n’ai jamais douté que l’opération militaire éclair serait réussie. La différence de puissance de feu et d’effectifs était largement de notre côté, même si nous avons dû vider les fonds de tiroir et même faire appel à l’étranger pour assurer la logistique. L’ennemi n’offrait pas de front et ne procédait que par escarmouches, quoiqu’un peu plus virulent dans les villes où la population leur était favorable et surtout dans les reliefs dans la zone Est. Il était très vulnérable en terrain découvert et s’est dispersé dans la nature qu’il connaît parfaitement, en particulier chez les Berbères. 

Seulement voilà, nous nous retrouvons dans des conditions que nous avons vécues en Algérie et en Afghanistan. Dans la partie Nord et Est, les rebelles se trouvent en pays ami et leur fuite n’est qu’une accalmie avant un retour et une politique de harcèlements, d’attentats et d’enlèvements. Cela était écrit d’avance et je l’avais annoncé. C’est ce qui se produit et nous devons lancer une nouvelle opération de nettoyage avant les élections du pays. Les 3000 hommes encore présents sont maintenus jusqu’en janvier au lieu de décembre mais la paix n’est pas pour demain. Les 6.000 hommes prévus par l’union africaine ne sont arrivés qu’à moitié et leur efficacité est limitée à la coordination car ils n’ont pas reçu de mission offensive de la part de l’ONU. 

Depuis la paix d’Ouagadougou, les discussions avec les Berbères sont au point mort et ces derniers détiennent toujours une station d’émission leur permettant de faire valoir leur point de vue. La partie Nord et Est du pays où se meuvent les terroristes d’Aqmi, du Mujao et d’Ansar Dine, est une fois et demi grande comme la France et très peu peuplée. On imagine facilement qu’un tel territoire ne peut être tenu avec quelques milliers d’hommes. Les documents retrouvés et abandonnés par Aqmi montrent que les djihadistes sont décidés à revenir et à modifier leur attitude vis-à-vis de populations en introduisant la charia d’une façon plus douce et plus progressive. 

De même que nous quittons l’Afghanistan, comme nous avons quitté l’Algérie, en laissant un pays à ses occupants divers, nous devrons faire de même au Mali, sauf à y déployer une base militaire avec des moyens d’intervention très importants. C’est déjà ce qui est demandé par le président malien. La paix est encore loin, car la revendication d’autonomie du Nord est refusée par celui-ci. Prise à témoin par les deux camps, la communauté internationale, et surtout la France, danse sur un volcan. Alors que les militaires français de l'opération Serval, encore sur le terrain, et les forces onusiennes de la Minusma ont été contraintes de s'interposer à Kidal, Paris se retrouve coincée entre deux belligérants qui lui demandent tous les deux de rendre des comptes : accusés par Bamako de protéger les rebelles touaregs, ces derniers lui reprochent eux aussi d'avoir pris parti pour l'Etat malien. 

Alors c’est déjà 400 millions dépensés depuis le début de l’opération Serval et l’Armée évalue à 100.000 euros par homme et par jour notre présence au Mali. Nous donnons une aide de 7 millions à l’armée malienne et 40 aux forces onusiennes d’intervention et nous ne sommes pas prêts de quitter le pays, la paix conclue. Le Mali est un piège qui se refermera sur nous et nous coûtera cher. Parole de diplomate (toujours plus intéressante que celle des politiques) :

 « Les djihadistes ont toujours l’intention de foutre le bordel au Mali, 

Dans les pays voisins, et de s’y réinstaller. » 

Hollande est prévenu ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon


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