mercredi 18 janvier 2012

La TVA sociale, une fausse bonne idée

Sarkozy persiste et signe lors de la réunion du 18 janvier avec les partenaires sociaux. Le combat qui s’annonce va encore se dérouler sur le plan politique plutôt que dans le cadre d’une réelle efficacité économique. Le nom est revendiqué par la gauche depuis Jospin mais désormais elle est contre. La droite ne voulait pas en entendre parler, cela devient une priorité du gouvernement. En résumé personne n’a les idées claires sur le réel gain de cette nouvelle taxe.

Au départ la TVA sociale est l'affectation d'une partie du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au financement de la protection sociale. François Copé, pensant que le mot taxe effraye le consommateur, lui préfère le nom de « Taxe antidélocalisation ». Ceci lui permet de développer un nouveau raisonnement orienté vers la compétitivité et la réduction du chômage. On voit le détournement du but initial puisque le déficit de la Sécurité Sociale n’y trouverait plus une source de financement.

En dehors du fait que la France est la championne de l’élaboration de la multiplication des modes de prélèvements et d’usines à gaz, cette TVA sociale s’ajoute à la CSG, Contribution Sociale Généralisée, et à la CRDS, Contribution au Remboursement de la Dette Sociale. La CSG et la CRDS touchent tous les revenus salariés mais pas l’ensemble des autres revenus.

L’idée de base de la TVA sociale est simple, même simpliste dirons-nous par la suite. Elle consiste à diminuer les charges sociales des entreprises et à financer ce manque à gagner de l’Etat par une hausse de la taxe des produits achetés. Le but du gouvernement est la relance de la compétitivité des entreprises qui voient s’alléger leurs coûts de production, donc la valeur Hors Taxe du produit fabriqué. La TVA taxant de la même façon les produits « made in France » et les produits importés, ceci introduit un différentiel de compétitivité à l’avantage de nos entreprises. Pour le consommateur on prétend que la hausse de la TVA sera compensée par la baisse des prix HT des produits pour les produits français, lui laissant la liberté de limiter ses achats importés devenus plus chers.

La gauche avait souligné que la TVA sociale était une taxe plus juste pour payer les prestations sociales parce qu’elle s’appliquait à l’ensemble de la population par le biais de la consommation. On voit que l’objectif de lutte contre le chômage et la dette par la compétitivité s’est largement substitué à l’objectif initial. Malheureusement ce raisonnement simple est simpliste sur son efficacité réelle car « le retour sur investissement » est loin d’être garanti.

Tout d’abord si l’on parle de compétitivité il faut se rentre compte que la seule fluctuation des monnaies engendre des variations de celle-ci beaucoup plus importantes que l’augmentation de 1 à 2% envisagée sur la TVA. Par ailleurs la différence de coût HT des produits chinois par exemple est nettement plus importante que celle qui sera engendrée par la baisse de nos charges sociales. De la même façon notre position sur le marché chinois ne sera pas sensiblement améliorée alors que ceux-ci font de plus en plus de gains de productivité. Tout ceci joue à la marge et ne peut être à la hauteur du problème posé.

De même le prix HT est laissé à l’appréciation exclusive du producteur, donc rien ne dit qu’une entreprise en difficulté, sur ses marges ou sur sa capacité à investir, répercutera cette baisse de charges sur le coût du produit surtout si le secteur n’est pas très concurrentiel. On risque fort de se retrouver devant une hausse des prix des produits dans une période difficile où il y a plus d’entreprises qui ferment que d’entreprises qui se créent. La conséquence sera une inflation plus élevée et une baisse du pouvoir d’achat, donc de la consommation, donc de la production, donc des recettes de l’Etat, donc aussi une hausse du chômage.

La part des salaires dans la production des biens et des services est très variable. Il y aura de grands et petits gagnants et de grands perdants dans les entreprises sans aucune corrélation avec le marché de l’exportation, ni avec le panier de la ménagère. Enfin cette taxe va se répercuter pleinement sur le pouvoir d’achat des consommateurs n’ayant pas de revenus salariés et les retraités. Parmi les salariés, les bas salaires ne peuvent économiser, ils seront donc les plus touchés par la hausse des prix probable. Elle est donc d’une justice très approximative.

Comme toujours depuis l’euro, on invente des systèmes de plus en plus compliqués, finalement difficilement maîtrisables donc facilement contournables (cf. l’effet d’aubaine dans les entreprises avec les heures supplémentaires dégrevées des charges sociales) dans le but de contourner l’obstacle majeur qui est la surévaluation de la monnaie par rapport à nos capacités structurelles de compétitivité.

Notre écart de compétitivité est de 20 à 25% sur le marché mondial. Pour espérer une augmentation de compétitivité significative il faudrait une augmentation de la TVA de l’ordre de 5% avec toutes les conséquences sur les prix et les désordres sociaux sans même pouvoir être assuré d’un résultat rapide.

Il est toujours plus simple d’être compliqué.

S’il est vrai que tous les chemins mènent à Rome

Cette destination ne paraît plus la meilleure !

Claude Trouvé