mardi 22 janvier 2013

L’Occident face au terrorisme islamique (2ème partie)

La liste des attentats terroristes est très longue. Mais pour nombre d’entre eux il n’y a pas eu de revendication explicite comme l’explosion du vol Pan Am103 en 1988, les voitures piégées à Roubaix en 1993, le camion piégé par le Hezbollah à Buenos-Aires en 1994, la destruction du bâtiment fédéral à Oklahoma City en 1995 et même l’attaque de 2001 sur New York et Washington. On en déduit que l’intérêt du terrorisme est surtout le sang versé plutôt que l’explication de leur cause. Ben Laden n’a pas revendiqué de suite l’attentat de 2001, laissant le mystère s’ajouter à la terreur provoquée.
Ce qui est remarquable c’est que ceci s’inscrit dans une logique de guerre où une organisation privée peut avoir sur le moral d’une nation le même impact qu’un conflit armé classique, c’est en cela qu’il peut défier les Etats. Les Etats, en particulier occidentaux, sont-ils en mesure de résister ? L’Etat-nation est en train de disparaître sous une double pression, celle d’une mondialisation économique et financière qui efface les frontières d’une part, et d’une prolifération de micro-Etats et de régions désireuses d’autonomie d’autre part. Le citoyen ne se reconnait pas dans des structures politiques, trop éloignées de ses préoccupations, de niveau européen ou mondial. Il cherche des organisations plus proches de lui et de son histoire locale voire de sa langue. On ne fait pas de lui un citoyen du monde mais un consommateur mondial.
L’Etat-nation perd de plus en plus de ses pouvoirs régaliens et le citoyen, qui lui avait délégué tous ses droits de survie et favorisé l’éclosion de la démocratie, commence à ne plus lui reconnaître le pouvoir de les appliquer. L’idée de solidarité nationale, si vive en 1914, se perd. Le citoyen se demande s’il est d’abord Corse, Basque, Breton, Français, Européen ou seulement citoyen du monde imposable. La nature tentaculaire du terrorisme trouve ainsi un espace mondial où les nations ne peuvent plus agir seules. Les centres de décision s’éparpillent en plusieurs niveaux pour chaque objectif, militaire, santé publique, environnement, économique, financier, monétaire, etc.
Pour un conflit militaire nous avons affaire à l’OTAN, à l’UE, au Conseil de sécurité de l’ONU si nous voulons respecter tous les pays en lien avec nous. On le voit dans un conflit comme le Mali où les Etats ne suivent pas la même démarche solidaire et où nous appelons à l’aide car nous n’avons même plus tous les moyens militaires pour mener seuls un conflit contre une organisation militaire privée. On réclame des drones aux américains, des avions Hercule aux Belges et nous attendons toujours un véritable engagement des forces africaines. Autrefois les alliances se nouaient entre pays qui étaient solidaires immédiatement. Aujourd’hui tout devient diffus, négociable et lent à se mettre en œuvre. Dans le domaine de la santé, on a aussi noté la perte d’efficacité et de nécessité des mesures prises pour la grippe aviaire. Les différentes agences de niveau mondial enlèvent aux Etats leur droit de regard.
Cette lourdeur est un sérieux handicap par rapport à la mouvance du terrorisme islamique, animé d’une même passion religieuse, en perpétuelle adaptation à l’évolution technique et de mieux en mieux informé sur le mental occidental par la présence de cellules extrémistes dans presque tous nos pays. Il faut bien comprendre que les terroristes ont universalisé leur lutte et cessé de la concevoir comme la libération d’un territoire. Le terrorisme s’inscrit dans une logique de guerre en obtenant des résultats équivalents à ceux de la guerre par des actions destinées à briser la volonté de l’adversaire.
Les faiblesses de nos Etats-nations sont patentes puisque nous nous sommes résolus à abandonner un nombre croissant de nos responsabilités à des entités supranationales, l’ONU, l’OTAN, le FMI et les dizaines de milliers d’organisations non gouvernementales (ONG), toutes incapables de jouer le rôle de conscience mondiale. Nous les faisons naître par nos peurs sur des calamités que nous pensons ne plus pouvoir maîtriser. Nous participons ainsi au recul des fonctions régaliennes de l’Etat.
C’est dans les Etats du tiers-monde que l’on observe que le triptyque, gouvernement-armée-nation, se délite le pus rapidement. Le simple vernis administratif, bureaucratique et constitutionnel ne peut remplacer le contrat social qui n’existe pas. L’Etat existe, pas la nation. C’est une des raisons pour lesquelles nous intervenons au Mali qui a vu émergé des « zones grises » échappant à son autorité étatique. L’état de « guerre et paix » reprend ses droits « naturels ». Ces zones sont propices à l’implantation du terrorisme qui crée un état de guerre en temps de paix. On peut donc en conclure que, comme en Afghanistan, notre présence au Mali sera nécessaire de longs mois ou même d’années pour sécuriser ce pays tant que l’Etat malien ne sera pas en état de le faire seul… s’il y arrive un jour.
Le Mali préfigure ce qui est en train de se produire en France où la perte d’identité progresse sous l’augmentation de regroupements communautaires qui perdent jusqu’à l’envie de constituer un corps politique. Le terrorisme est sur ce point avant-gardiste, car c’est la négation proclamée de l’Etat. Nos replis sur des ensembles infra ou supra-étatiques aboutissent à crédibiliser l’idée qu’il vaut mieux se battre pour sa tribu, sa communauté ou sa foi plutôt que pour son pays. Il nous reste à comprendre pourquoi c’est le terrorisme islamique qui a réussi, mieux que d’autres, son internationalisation. Nous en reparlerons prochainement.
« C’est le grand phénomène de notre époque
que la violence de la poussée islamique »
André Malraux
Claude Trouvé
Coordonnateur du MPF Languedoc-Roussillon

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