jeudi 22 mars 2012

Sortir de l’Euro selon Philippe De Villiers


Philippe de VILLIERS a déposé une déclaration au Parlement européen sur la nécessité d'abandonner l'euro et de rétablir les monnaies nationales.

Avant de laisser la place à la déclaration de notre président il nous faut redire les raisons qui militent pour l’abandon de l’euro par la France et la quasi-totalité des pays du sud de l’Europe. C’est l’hétérogénéité de l’économie des pays qui la compose. L’euro est largement surévalué par rapport au dollar pour leur économie. En particulier pour la France, les échanges commerciaux réglés en euros ne représentent que moins de la moitié des échanges totaux alors qu’ils dépassent les 60% pour l’Allemagne. Nous sommes donc très tributaires de la monnaie pour commercer avec des pays hors Europe dont les monnaies sont la plupart du temps liées au dollar.

De plus en ce qui concerne les pays émergents les coûts salariaux et environnementaux sont généralement très inférieurs. Il faut ajouter à cela que la monnaie unique ne permet aucun ajustement devant des variations de l’inflation. A l’intérieur de la zone euro même, les disparités des coûts salariaux, en particulier avec les pays de l’est, sont aussi un handicap. D’ailleurs la délocalisation de nos usines et de nos productions en est très révélatrice.

De plus le manque de réglementation intérieure cohérente des mouvements de capitaux dans la zone euro ont permis des transactions dites « hors bilan » qui concernent principalement les « produits dérivés ». Celles-ci ont permis d’importantes transactions sur des « produits toxiques » à haut risque avec la création de sociétés financières sises dans des paradis fiscaux. Quand la crise est survenue ces sociétés écran se sont révélées incapables de rembourser les banques comme la banque Dexia.

Ce genre de transaction a touché la dette des états à partir de 2009 avec les assurances de crédit, les CDS, qui assurent le défaut de remboursement des prêts et ont été achetés par les banques allemande, française et italienne ou plutôt leurs succursales implantées dans le paradis fiscal du Luxembourg. Les banques devant se substituer aux états défaillants, quand la faillite de la Grèce devint possible, ce fut la panique dans les banques et les élites politiques. L’urgence fut la recapitalisation des banques avant d’envisager de restructurer la dette grecque et d’accorder des prêts à ce pays.

Il est évident que la zone euro ne maîtrise pas la circulation des capitaux et que le système qui consiste à des prêts aux banques, pour que celles-ci puissent financer les états endettés et l’économie européenne, est source d’enrichissement des banques et d’endettement suicidaire des états. Les banques empruntent à 0,5% à la BCE et prêtent à 3% à la France et à 15% au Portugal. Depuis 1974 nous avons accumulé plus de 1400 milliards d’euros d’intérêt de la dette alors que notre dette est de 1700 milliards. Si nous avions eu une banque centrale prêtant au Trésor Public à taux zéro nous n’aurions qu’un endettement de 15%/PIB ce qui nous placerait dans une situation où notre pays aurait les moyens de créer les conditions de sa croissance. Tel n’est pas le cas et la croissance prévisible dans les années qui viennent ne permet d’envisager que l’augmentation de notre dette et des intérêts de celle-ci.

La solution de remplacement de l’euro pourrait être idéalement la monnaie commune, qui a déjà existé avec succès et qui permettrait de retrouver une souplesse pilotée de la monnaie entre les pays. Malheureusement l’Allemagne a érigé la lutte contre l’inflation comme un dogme incontournable avec le souvenir de ces deux hyperinflations qui jetèrent les mères de famille allemandes dans la rue. Elle a conçu l’euromark et le rôle de la BCE sur ce dogme qui n’est pas négociable pour l’instant. Il importe que des voix s’élèvent au sein de l’Europe pour bousculer cet engrenage mortifère en réclamant la liberté de sa monnaie et une séparation des banques de dépôt et d’investissement à défaut d’un règlement intérieur restrictif des mouvements de capitaux.

Claude Trouvé

Le Parlement européen,
–    vu l'article 123 de son règlement,
  • A.  considérant que la cause véritable de la crise de l'euro est l'inexorable croissance de la dette extérieure dans la moitié des pays qui appartiennent à la zone euro;
  • B.  considérant que l'action des gouvernements, qui cherchent à conserver la monnaie unique, se révèle être une stratégie de dépression pour l'économie des pays membres;
  • C.  considérant qu'il faut ouvrir un dialogue afin d'envisager sérieusement l'hypothèse d'une sortie de la monnaie unique;
1.   demande au Conseil, à la Commission et aux gouvernements des États membres de présenter des propositions d'actes législatifs en vue:
  • de recréer des monnaies nationales dans chacun des pays de la zone euro, en changeant un euro actuel contre une unité de la nouvelle monnaie,
  • de définir d'un commun accord la parité monétaire des nouvelles monnaies nationales, de façon à rétablir des conditions normales de change,
  • d'encourager les États membres à bien vouloir maintenir inchangés, lors du passage, les prix des biens et services, ainsi que les valeurs des actifs et des comptes bancaires, à promulguer une loi, sur le modèle du Glass-Steagall Act en vigueur aux États-Unis, qui prévoit la séparation entre les banques de dépôt et les banques d'investissement;
2.   charge son Président de transmettre la présente déclaration, accompagnée du nom des signataires, au Conseil, à la Commission et aux gouvernements des États membres, ainsi qu'aux autorités nationales, régionales ou locales qui seraient intéressées.

Philippe De Villiers
Député européen.