mardi 13 mars 2012

Après la tragédie grecque, la corrida espagnole !

Les larmes pour la Grèce ne sont plus à l’ordre du jour, l’Etat grec est sauvé d’une cuisante humiliation, les banquiers ont annulé une partie de sa dette et se refont une santé avec les obligations pourries cédées à la BCE qui les approvisionne ainsi en liquidités à très faible taux. Celles-ci sont prêtées aux Etats avec une confortable marge de taux d’intérêt… Elles s’en tirent bien, ce qui était d’ailleurs le but recherché : le sauvetage de la Grèce ne devait pas mettre les banques en difficulté. Tout le monde est donc content… Que demande le peuple a-t-on coutume de dire ?

Eh oui ! Le peuple a quelque chose à dire, il ne peut souffrir plus et les dernières mesures d’austérité n’ont pas encore répandu tout leur effet. Tout le monde n’est donc pas content et l’UE s’est mise en zone de risque avec une BCE qui a déversé 3.000 milliards sur les banques sans que la majeure partie en soit reversée sur l’économie privée. Le risque que la BCE doive être recapitalisée n’est plus exclu. Or on parle déjà d’un effort supplémentaire de 50Mds€ vers la Grèce pour 2013, mais vu l’état de son économie cela pourrait bien être avant. En fait l’UE est exsangue !

A peine un voile pudique était en train d’être tiré sur la Grèce et l’accord intergouvernemental, sur le MES et le pacte budgétaire, signé, que l’Espagne annonçait une modification de ses promesses budgétaires pour 2012. Tel le taureau entré dans l’arène, elle tient tête à la Commission européenne en annonçant que l’augmentation de la dette ramenée à 4,4% en 2012 n’était pas tenable et qu’elle l’avait fixée unilatéralement seulement à 5,8%. Une corrida va succéder à une tragédie, la solidarité européenne est mise à l’épreuve. Les munitions de l’UE s’épuisent et la menace de défaut de paiement en filigrane, évoquée par la Grèce si des sanctions lui étaient imposées, va pousser la Commission européenne à lâcher du lest. L’Espagne s’engagerait seulement à garantir ses engagements prévus pour 2013 qui apparaissent donc d’autant plus difficiles à tenir.

Le cas de l’Espagne signe l’ouverture de la mise à mort de l’union monétaire et peut-être des traités fondateurs de l’Europe. Le clivage nord-sud s’amplifie. Les pays du Sud, Grèce, Chypre, Malte, Portugal, Espagne et Italie, sont entrés dans le cercle vicieux : austérité – perte de croissance – augmentation de la dette – austérité renforcée. Le tout sera aggravé par des mouvements sociaux au mieux et des paralysies totales du pays au pire. La France naviguait encore entre deux eaux avant que les agences de notation mettent en cause sa crédibilité de pouvoir cesser d’augmenter sa dette au moins dans les trois ou quatre ans qui viennent. La récession la rattrape et les prévisions de croissance annuelle ont déjà été revues à la baisse.

L’Espagne va montrer la fragilité d’une UE qui ne profite qu’à quelques nations. Sa faillite ne pourrait plus être supportée. 2012 est donc une année-clé pour la zone euro et l’Union Européenne, union qui est devenue un patchwork de particularités nationales avec des vues et des applications différentes du fédéralisme voulu par ses fondateurs. En fait l’Europe se cherche car ses fondations bougent et la lézardent. Sarkozy signe d’un côté des accords à relent fédéraliste et promet de modifier les traités. Hollande ne veut plus honorer les accords signés mais penche pour plus d’Europe. Mélenchon veut un véritable gouvernement européen soumis à la classe ouvrière et une banque centrale à l’image de la Fed. Bayrou veut d’un côté du « made in France » et de l’autre refait briller son Europe fédérale dans les yeux de ses partisans.

Il va falloir choisir entre une image cohérente d’un fédéralisme rassembleur et un confédéralisme des peuples où la technocratie n’est qu’un instrument à leur disposition. Pour le premier choix, l’homogénéité des nations est la « règle d’or » admise par tous, doté d’un gouvernement exécutif ayant des pouvoirs régaliens européens, d’un législatif représentatif, d’un pouvoir judiciaire indépendant, d’une monnaie unique et d’une banque centrale prêteuse de l’Etat européen à taux zéro. Pour le deuxième choix, le particularisme n’est évité que lorsque sa disparition entraîne une amélioration pour le pays concerné, la banque européenne peut fonctionner comme autrefois notre banque de France, la monnaie est commune et non unique, le Conseil européen des chefs d’Etat définit au fur et à mesure des besoins les instruments structurels nécessaires à l’évolution de son fonctionnement. Les pouvoirs régaliens des nations restent attachés aux nations et seuls les peuples, par référendum, peuvent décider de les céder totalement et partiellement à l’Europe.
 
Le premier choix va vers la disparition des nations et une remise des peuples dans les mains d’une technocratie et de puissances financières très éloignées de la démocratie. Elle est cohérente mais ne peut se faire à marches forcées sans l’accord des peuples comme actuellement. La perte d’identité des peuples, le multiculturalisme et les 37 langues génèrent un problème d’évolution d’une civilisation très long à réaliser et toujours menacé rapidement d’explosion. Seuls les Etats-Unis et le Canada (et encore !) ont réussi à créer un vrai peuple et à gérer pour l’instant le multiculturalisme grâce à la disparition de l’occupant précédent et à une langue commune. On assiste beaucoup plus à l’éclatement d’états comme l’URSS, la Yougoslavie, le Soudan et la Libye récemment.

Le rêve d’une société meilleure

Doit être celui des peuples

Et non de ceux qui n’y pensent

Que pour le pouvoir et l’argent.
Claude Trouvé