mardi 27 mars 2012

Faut-il "vanter" les éoliennes ?

"Les Polonais craignent l'énergie éolienne allemande”, rapporte le Financial Times Deutschland. Il est intéressant de se poser la question du pourquoi dans une période où le débat nucléaire-énergies renouvelables fait partie de la campagne présidentielle. Avant de répondre à l’intérêt ou non de l’énergie éolienne il faut poser les différentes questions qui sont le fondement du choix d’une énergie productrice d’électricité. Elles sont de plusieurs ordres : indépendance énergétique, sécurité et vulnérabilité, pollution et nuisances, flexibilité et coût du kWh.

A première vue sur les trois premières préoccupations, l’énergie éolienne est bien placée mais il faut y regarder de plus près. Il n’est pas envisageable pour l’instant qu’une puissance étrangère nous prive de vent mais, si l’on envisage que l’indépendance énergétique est de pouvoir répondre aux besoins à tout moment, on voit que ce phénomène naturel, qui n’obéit pas à l’homme par définition, ne le permet pas. Besoins et fourniture d’énergie ne sont pas à tout moment compatibles. Cette indépendance énergétique est donc toute relative.

Sur le plan de la sécurité il n’y a pas de comparaison avec le nucléaire. Toutefois les accidents sont possibles comme des projections de pales dans l’environnement, accidents déjà notés. La proximité d’éoliennes de voies de circulation présente un danger potentiel qui ne devrait pas être pris comme c’est parfois le cas. Mais l’éolienne est sujette aux tempêtes, ouragans, cyclones et peut aussi présenter de graves dangers en cas d’arrachement. Elle est vulnérable aux phénomènes naturels.

L’éolienne, énergie propre, n’est pas polluante durant son fonctionnement mais elle génère cependant des pollutions induites lors de sa fabrication, son implantation et son entretien. Elle a une empreinte surfacique très faible, puisque contrairement à l’énergie solaire elle n’empêche pas l’agriculture. Mais pour un mât d'éolienne de 80 mètres, 800 tonnes d'acier et de béton sont injectées à sa base pour les fondations. Cela est très supérieur (par MWh/an) aux quantités nécessaires à la construction d'une centrale de tout autre type, y compris le nucléaire. Les masses injectées croissent très vite avec la hauteur des mâts.

Elle peut présenter certaines nuisances. Son impact visuel d’abord, avec des mâts de 50 à 100m de hauteur, qui l’a fait rejeter par nombre de communes. Si une éolienne dans un champ de blé peut avoir un aspect bucolique, il n’en est pas de même pour les fermes d’éoliennes qui peuvent donner, dans le cas de plusieurs dizaines, un aspect un peu kafkaïen et dénaturer le paysage. En dehors d’un impact possible sur les oiseaux et particulièrement les chauves-souris, il faut parler de la nuisance sonore audible (55db correspondant à l’ambiance bureau) et surtout de celles des infrasons. Le 28 novembre 2009, Le Monde consacre un dossier de huit pages aux « maudits du vent », qui vivent à proximité des éoliennes et « souffrent de stress, nausées, insomnies, vertiges, irascibilité, dépression... ». Le journal indique que « les témoignages s'accumulent de façon troublante ».

On peut faire une mention particulière pour les infrasons, dont la fréquence est inférieure à 20Hz donc dans les sous-graves inaudibles. Ils ont la capacité de traverser les obstacles plus facilement que les hautes fréquences, ce qui se traduit souvent par une très longue portée de l'énergie acoustique. À plus faible puissance, ils constituent une gêne physiologique importante pour les animaux et les humains pouvant produire, lors d'une exposition prolongée, un inconfort, une fatigue, voire des troubles nerveux ou psychologiques. Si la fréquence de ces infrasons est un sous-multiple de la fréquence de résonance de votre système auditif, celui-ci entre en résonance, cela ce traduit par un « bourdonnement d'oreilles » extrêmement pénible, dont l'intensité varie avec celle des infrasons, le système nerveux est alors mis à rude épreuve ! Même si l’on ne dispose pas de certitudes de nuisances de cause à effet dans ce domaine, il est incontestable que les infrasons jouent un rôle dans la communication chez certains mammifères tels que les éléphants, les girafes ou les baleines et que certains humains se plaignent de ces troubles peut-être ainsi explicables.

Une donnée supplémentaire sur les nuisances est la surface nécessaire, l’encombrement au sol, pour l’implantation des éoliennes et celle pour produire un kW. L’éolien a une faible disponibilité estimée à 20% de la puissance installée, compte-tenu qu’une éolienne ne fonctionne qu’avec un vent entre 10 et 90 km/h. A l’heure actuelle on ne peut produire réellement que 0,5Watt/m2 de surface des parcs. Pour remplacer un seul réacteur de 900MW, utilisé à 90% comme à Fessenheim, il faut donc une surface de 1.620.000 km2, soit 2,4 fois la superficie de la France, et 4500 éoliennes de 1MW chacune. Les parcs éoliens actuels sont de 5 à 50 éoliennes. On peut réduire ce nombre dans des fermes éoliennes offshore où pourrait être implanté des éoliennes plus puissantes jusqu’à 10MW.

Il nous reste à parler de la flexibilité de cette énergie. Une éolienne est facile à démarrer et à arrêter mais ce n’est pas seulement cet aspect qui est intéressant dans la production d’énergie électrique. L’important est de disposer de l’énergie au moment où l’on a besoin. Or l’énergie éolienne dépend des conditions météorologiques et l’énergie électrique se stocke mal en énergie mécanique (pompage et chute d’eau) ou chimique et une grande partie est perdue. Elle n’est donc pas réellement flexible et même variable naturellement et globalement d’une année à l’autre. On ne peut donc pas compter d'une façon certaine sur son apport ni à court terme ni à moyen terme.

Par ailleurs la nécessité de répondre à la demande avec une énergie nucléaire peu flexible, mais assurant toujours au moins le minimum des demandes, nécessite le démarrage de moyens de production polluants comme les centrales thermiques. RTE, le réseau de transport d’électricité, doit donc assurer une adaptation constante des moyens de production, éolienne et thermique, à la demande. Actuellement il apparaît concevable de pouvoir gérer 15 à 20% d’énergie éolienne. Au-delà ceci nécessiterait de développer de nouveaux moyens de stockage et de construire de nouvelles centrales thermiques comme en Allemagne. Du coup cette énergie deviendrait beaucoup moins verte. C’est la principale difficulté d’implantation d’une énergie éolienne à la place du nucléaire dans la contrainte de non-pollution par le CO².

Terminons par le coût du kWh. Il est communément admis que le coût de l’éolien est actuellement trois fois supérieur à celui du nucléaire. C’est une énergie fortement subventionnée par l’Etat qui récupère grâce à notre contribution sur notre facture d’électricité par la Contribution au service public de l'électricité (CSPE). Cette électricité est rachetée au producteur, principalement par EDF, deux à trois fois plus cher que son prix de revient.

Pour en revenir à l’actualité de la crainte polonaise, celle-ci est révélatrice des difficultés de l’utilisation de cette énergie. L’Allemagne du Nord peut produire de l'éolien plus que la demande du réseau Nord-Sud, par suite de conditions météorologiques favorables. Il envoie alors son surplus sur la Pologne qui n’en a pas non plus besoin. Celle-ci veut y faire barrage par l’installation de déphaseurs contraignant à l’arrêt des éoliennes. Dans ce cas l’Allemagne du Sud très consommatrice devrait importer de l’électricité de France.

L’énergie éolienne a encore une grande marge de progrès mais la nature lui imposera toujours d’être intermittente. Par ailleurs nous ne sommes pas leaders dans cette industrie de fabrication où la concurrence va être très vive, donc pas forcément créatrice d’emplois. La partie minimum de la demande électrique française est bien connue et à évolution positive au fil des ans. Il semble déraisonnable de ne pas la conserver dans la production nucléaire qui lui est parfaitement adaptée. Seule la partie variable quotidiennement de 15 à 20% reste jouable pour des énergies intermittentes. La seule raison de ne pas faire ainsi est la crainte du nucléaire. Elle est pour partie irraisonnée et le sentiment d’une population peut basculer d’un moment à l’autre suivant les évènements, population manipulée de plus par les partisans de la peur. Mais cette énergie nucléaire en France a montré son savoir-faire et a de grandes capacités de fabrication, de développement et d’innovation dans la sécurité, la sûreté, l’indépendance d’approvisionnement et le coût.

Éole est un dieu fluctuant

Il ne nous faut pas lâcher la proie pour l’ombre

Sinon

Autant en emporte le vent !

Claude Trouvé