lundi 10 octobre 2011

Le protectionnisme n’est plus un sujet tabou

Si l’on devait retenir qu’une chose des joutes des primaires socialistes, ce serait la dé-mondialisation d’Arnaud Montebourg et surtout l’évocation du protectionnisme. Le temps n’est pas si lointain où ce dogme était si intouchable que toute évocation sur une restriction du libre-échangisme plaçait son auteur dans le camp des derniers de la classe.

On commence à réaliser que l’ouverture de nos frontières à tous les produits a conduit notre industrie française à disparaître progressivement. Elle ne représente plus que 13% de notre PIB. Les faillites et les délocalisations en ont eu raison. Les échanges au sein des pays de l’Organisation Mondiale du Commerce sont de plus en plus déséquilibrés. A la remorque de l’Allemagne, qui nous a fait accepter l’euromark, pour bénéficier de ses taux préférentiels d’emprunt, nous avons subi le déséquilibre de notre commerce extérieur, à son profit essentiellement.

L’Europe, dans son ensemble, a pâti du libre-échangisme, comme l’a noté le FMI, au profit des pays émergents. Mais la croyance qu’étant dans un monde ouvert nous devons accepter de survivre par la concurrence sur les produits fabriqués, est encore vive. Les Etats-Unis, la Chine, entre autres, n’ont pas cette peur car, sur les produits stratégiques ou menaçant leur tissu industriel, ils ont pris des mesures protectionnistes.

Cet appauvrissement général de l’Europe se traduit par une prolétarisation des classes moyennes. Les gagnants sont évidemment les grands groupes industriels qui délocalisent ou s’implantent partout dans le monde où les coûts salariaux, environnementaux et d’accueil sont les plus favorables. Ils exercent une forte pression pour maintenir le libre-échangisme mondial. Les pays européens comme la Grèce, l’Espagne, l’Italie plus enclins à un certain protectionnisme ont peur de mécontenter les chinois. Le dogme, affirmé par nos élites politiques françaises, maintient de même l’électorat français dans la peur du repli sur soi-même comme si le protectionnisme signifiait une économie en autarcie.

Pourtant des pays d’Amérique Latine et d’Asie pratiquent de plus en plus une certaine forme de protectionnisme. En effet le protectionnisme peut être utilisé avec ciblage et intelligence en protégeant des secteurs industriels où notre qualité et notre créativité peuvent compenser des prix de revient plus élevés. On peut même penser que l’achat de produits, qui ne sont pas de première nécessité, ne nécessite pas de préférer le « made in Taiwan » à ceux « made in France » sous prétexte qu’ils sont moins chers.

Car c’est de l’emploi qu’il s’agit en fin de compte et le renchérissement de certains produits serait vite compensé par la remise en œuvre de certaines de nos industries. Le protectionnisme est une variable d’ajustement et, sur les produits stratégiques, une protection de notre pays. La notion d’indépendance ou de moindre dépendance d’un pays vis-à-vis des ressources naturelles est fondamentale. C’est ce que la France a fait avec le nucléaire et un approvisionnement en uranium largement réparti sur toute la surface du globe. Il en est de même des produits fabriqués. Ne pas pouvoir produire soi-même c’est se voir imposer les prix voulus par les autres.

Le libre-échangisme nous a dépouillés de la plus grande part de nos industries. C’est un véritable choix de société qui s’impose à nous. Voulons-nous une société structurée autour de la finance, du tourisme et des services à la personne ? Voulons-nous une société essentiellement importatrice avec des emplois sous-payés par rapport aux emplois industriels ?

Le protectionnisme est un outil qui doit être manié avec doigté mais il est de fait que l’Europe est le marché le moins protégé et donc en appauvrissement constant. Il est salutaire que des discussions de fond soient entreprises par tous les partis. Le MPF a depuis longtemps donné sa position et le présent lui donne raison de plus en plus.

Le protectionnisme n’est pas la fermeture étanche des frontières

C’est une condition de notre survie industrielle
 
C’est la protection de nos emplois

Et de notre indépendance.
Claude Trouvé