samedi 3 novembre 2012

L’Europe meurt d’une démographie à l’abandon (1ère partie)

Avant de regarder l’Europe d’aujourd’hui il est bon de se pencher sur le poids de la démographie dans l’Histoire du monde et de constater que la démographie détermine la puissance. C’est une dimension constitutive de l’identité collective d’une communauté, clan, ethnie, peuple. Au XVe siècle la puissance de la France tient pour une grande part dans son peuplement avec 15 à 20 millions d’habitants pour 8 à 10 millions en Allemagne, Espagne, Italie et 5 millions dans les îles britanniques. Que l’on se tourne vers l’Empire Romain ou l’Empire du Milieu d’aujourd’hui, on pressent que puissance et démographie sont liées. On peut d’ailleurs tirer une leçon supplémentaire de la croissance et du déclin de Rome.

D’après les historiens Pierre et Yves Bauzou, « Il faut chercher les fondements de la puissance romaine dans les structures de la démographie et de l’économie ». Entre -225 et -28, le nombre d’habitants dans la seule péninsule italienne passe de 5 millions à 7,5 millions et on a la preuve d’un nombre élevé de familles nombreuses. Ceci s’est traduit par un fort accroissement de la population urbaine. Mais Rome a largement fait appel aux esclaves pour renforcer la population active et on comptait 3 millions d’esclaves au début du 1er siècle av. J.C. Ce trop grand recours va déterminer largement le déclin de Rome. Les classes supérieures et moyennes se mirent à limiter les naissances. Elles se reposèrent de plus en plus sur les esclaves et de moins en moins sur ses propres enfants pour assurer l’avenir. Le recul démographique durera jusqu’au Ve siècle.

Alfred Sauvy peut écrire : « Lorsque les barbares se sont présentés, il a été possible de trouver des terres à leur offrir, mais non des soldats à leur opposer ». Le destin démographique de Rome est bien une leçon à tirer pour l’Europe contemporaine ! C’est ainsi que la France, première puissance démographique au XVIIIe siècle verra le monde anglo-saxon puis germanique la dépasser, essentiellement à cause de l’effondrement précoce de sa fécondité.

La démographie est une arme politique essentielle. SI l’ONU garantit une valeur égale pour chaque état, un pays, un vote, il n’en est pas de même au Conseil de Sécurité qui déteint le véritable pouvoir. Ce conseil, réunissant les vainqueurs de Yalta, a fini par voir sa légitimité remise en cause sous la pression démographique. De nombreux pays comme l’Inde et le Brésil réclament une place et on assiste à l’invitation de membres non permanents pour parer à cette poussée.

On peut aussi trouver dans la démographie l’arrêt de la progression de l’Islam. A l’époque des conquêtes de l’Islam, cette civilisation dominante, à cheval sur l’Eurasie et l’Afrique, a régné sur le littoral méditerranéen, zone de commerce. Les arabes préfèrent le commerce de négoce au travail physique et la population arabe ne suffit pas. Selon Braudel, l’Islam classique est la civilisation esclavagiste par excellence. Il compense son déficit démographique dans le monde arabe par la ponction négrière et européenne. Il va d’ailleurs causer à l’Afrique la plus grande catastrophe démographique de son histoire. On ferait bien de s’en souvenir à l’époque des repentances !

L’Islam a finalement peu à peu négligé la capacité d’innover et le lien entre la puissance et le travail. Si l’Islam a conquis facilement des territoires à faible densité démographique, la vague s’est brisée sur les masses démographiques des grandes civilisations sédentaires, les Balkans, l’Inde, la Chine. C’est ainsi que la civilisation indienne va reprendre l’Inde à l’Islam au XVIIIe siècle. La démographie a joué de sa puissance irrésistible. C’est d’ailleurs quand l’Islam arrive à Poitiers, dans des zones plus peuplées que son élan s’arrête.

On peut terminer ce bref tour d’horizon avec un coup d’œil sur la France du XVIIIe siècle, tournant de notre histoire. La France domine l’Europe. Au début de ce siècle la France est quatre fois plus peuplée que sa rivale anglaise malgré un très net ralentissement du dynamisme démographique. Sa population ne croît que d’un tiers dans ce siècle alors que l’ensemble européen croît en moyenne de 60% ! Elle est le seul pays à voir sa fécondité baisser aux prémisses de la Révolution industrielle de 1770, d’ailleurs plus dynamique en Angleterre, et cela près d’un siècle avant celle des autres pays européens.

La cause en est morale et politique. Selon Le Roy Ladurie, la Révolution française a affaibli le respect des interdits catholiques. Ceci s’est traduit par la progression du coïtus interruptus et a entraîné une baisse de la natalité. On peut y ajouter la suppression du droit d’aînesse qui n’incite pas les Français à avoir des enfants, un plus grand brassage social qui fait passer de la bourgeoisie aux milieux inférieurs les techniques de limitation des naissances et la surmortalité de la guerre civile et des guerres extérieures de la Révolution Française. Le seul affrontement vendéen aurait causé entre 140.000 et 190.000 victimes dans les deux camps et le bilan de la Terreur s’établit entre 200.000 et 300.000 morts (1% de la population de l’époque).

A contrario c’est le formidable dynamisme démographique anglais qui va engendrer une urbanisation, une révolution industrielle accélérée, et constituer au XIXe siècle le plus formidable empire mondial. Avec une multiplication par deux de sa population au XVIIIe siècle et par quatre au XIXe siècle, elle a pu générer un flux important d’émigrés vers les futures colonies indépendantes (Etats-Unis) ou fondations coloniales (Canada, Nouvelle-Zélande, Australie, Afrique du Sud) et le projeter aux Indes, à Hong-Kong, Singapour, Égypte, etc.).

Nous verrons dans une deuxième partie le désert démographique de l’Europe d’aujourd’hui et l’abandon de puissance qui en résulte.

La France a ainsi laissé la démographie anglo-saxonne envahir le monde

Avant de laisser la démographie allemande bouleverser l’Europe !

Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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