mardi 24 juillet 2012

Avec l’euro, l’Europe s’auto-asphyxie

Emmanuel Todd a bien raison quand il écrit « avec l’euro fou (plus que fort), l’Europe réussit le tour de force d’utiliser sa propre puissance économique pour se torturer ». (Lettres du Gaullisme)

L’Europe va devenir le seul ensemble de pays entrant en récession. Or il n’y a pas de véritable crise mondiale même si certaines croissances diminuent comme en Chine. On peut seulement parler de rééquilibrage après des émergences rapides d’économies dans le monde, émergences qui traduisent des balances commerciales très bénéficiaires. Par ailleurs des pays sauvent leur économie par la planche à billets comme le font les Etats-Unis et comme vient de le faire le Royaume-Uni. Ils prennent le risque de créer une hyperinflation ou l’éclatement de bulles dont l’origine est l’excès de liquidités prêtés à taux bas et à risques incontrôlés.

Ce gain de croissance est factice et ne correspond pas à la croissance réelle née de l’abaissement des coûts de production et de l’innovation. Il n’a de sens que dans le court terme. La croissance réelle n’est donc plus la croissance mondiale qui prend en compte la croissance factice d’un certain nombre de pays. Elle est notablement inférieure, probablement de l’ordre de 1 à 2%. C’est donc sur cette base économique que l’Europe doit réfléchir et agir. Ceci implique la réduction des dépenses pour tous les pays en déficit, l’amélioration de la balance du commerce extérieur, le contrôle des capitaux et de la monnaie.

Sur le premier point la réduction des dépenses doit être ciblée sur le gaspillage, les emplois redondants, les organisations pénalisantes ou inefficaces, l’organisation territoriale, etc. La réduction des dépenses qui se traduisent par une perte de pouvoir d’achat des citoyens sont à proscrire ou à pratiquer avec la plus grande parcimonie.

Sur le deuxième point ce sont les coûts de production qui sont en cause. C’est donc tout ce qui touche aux impôts et taxes qui sont ciblés, en particulier ceux qui jouent sur les coûts salariaux. Cette évolution comme celle sur la réduction des dépenses doit se faire de manière progressive et ajustée au contexte économique mondial. Elle nécessite de pratiquer des mesures protectionnistes ciblées et évolutives dans le temps de façon à remettre progressivement nos industries à un niveau compétitif.

En ce qui concerne les troisième et quatrième points, nous sommes dans le carcan de l’euro et de Bruxelles qui nous empêche de jouer sur le contrôle des capitaux, la monnaie, et de pratiquer même un protectionnisme modéré. Nous nous trouvons être avec l’Allemagne les deux pays qui assurent la survie de l’euro avec une vue des opinions majoritaires de leurs citoyens complètement divergentes. Ces opinions, enfourchées par les gouvernements, font que d’un côté on prône la rigueur, de l’autre la croissance. Contradiction qu’il faut gérer dans le carcan de l’euro que les deux veulent sauver à tout prix.

Gérer de la croissance ex-abrupto, c’est creuser du déficit ou créer de la monnaie, dernier point qui n’est normalement pas dans les attributions de la BCE (bien que…). Cela ne résout pas pour autant le déficit du commerce extérieur même si cela agit sur la consommation intérieure. Les recettes sont aléatoires mais les dépenses certaines. Mais la rigueur pratiquée à haute dose et sur un plan principalement fiscal ou de réduction des salaires et des avantages sociaux se traduit inéluctablement par une perte de croissance intérieure, donc de recettes. On voit ce que cela donne en Grèce, en Espagne et en Italie.

L’Europe, et particulièrement la zone euro, s’étrangle dans le licou de l’euro et de politiques appliquées sans discernement sur des pays dans des situations économiques et sociales très éloignées les unes des autres. On ne parle désormais que de sauvetage de pays en péril et les caisses sont vides ou presque. Les fonds du FESF et du futur MES ne suffisent pas pour sauver l’Espagne, l’Irlande, la Grèce et peut-être l’Italie. Les fonds annoncés, en sus de ceux déjà programmés, ne représentent que 30 milliards nouveaux. Joseph Stilgitz va jusqu’à dire que ce qui est envisagé en Europe pour enrayer la récession qui s’annonce est comparable à «un pistolet à eau face à un rhinocéros qui charge».

On ne peut qu'adhérer à ce constat qui montre que seules deux solutions cohérentes existent. La première est l'Europe fédérale et non le fédéralisme budgétaire, c'est-à-dire une Europe unie sous un même chef et un même drapeau avec une politique financière, économique, extérieure et monétaire unique. L'euro s'impose alors à tous, y compris au Royaume-Uni. La seconde est la maîtrise de leur monnaie redonnée aux peuples européens, permettant à chacun de s'adapter au mieux à la mondialisation et d'en réguler les excès par le protectionnisme ciblé et le contrôle des mouvements de capitaux. L'euro pourrait valablement subsister, avec les monnaies nationales, comme monnaie commune et non unique. Nous sommes actuellement dans une solution bâtarde qui ne peut mener qu’à une lente asphyxie.

Il va sans dire que notre préférence va à la seconde solution car l’Europe fédérale implique la disparition des nations, objectif vers lequel aucun peuple européen n’est prêt. Elle se traduirait par la mainmise des puissances financières sur l’Europe sur fond de gouvernance mondiale. En effet sa mise en place nécessiterait de passer outre à la volonté des peuples donc à implanter un semblant de démocratie.

Quand tu as la corde au cou

Plus tu te débats, plus se serre le licou.

Penses à ôter la corde

Miséricorde !

Claude Trouvé
Coordonnateur du MPF Languedoc-Roussillon