Les
chiffres de la croissance du 3ème trimestre des pays de l’UE arrivent
les uns après les autres et en ce 2 novembre nous disposons des chiffres de 5
pays de l’UE, plus ceux de l’ensemble de l’UE et de la zone euro. On entend
encore des informations sur le regain d’optimisme des entreprises et des
incantations présidentielles sur la nécessité de tout miser sur le travail
(faire suer le burnous), la relance économique et la baisse du chômage vont alors
créer, c’est sûr, le rebond français dans une marche en avant irrésistible. La
baisse de la taxe d’habitation et la suppression des cotisations sociales des
salariés vont faire taire le flot d’augmentation des taxes qui pourraient
assombrir le paysage idyllique promis au français… c’est juste une question de
temps (plus qu’un quinquennat ?).
Devant de telles perspectives
du printemps nouveau en 2019, on a déjà envie de sentir les frémissements d’automne.
Rien de tel que de regarder les chiffres de la croissance économique. Eurostat
nous fournit les valeurs du PIB en volume à euros constants et de surplus désaisonnalisées
et corrigées des effets de calendrier. Ce sont les valeurs qui servent à
publier les taux officiels de croissance. Ceci permet de connaître plus précisément
qu’avec une décimale les valeurs de la croissance. Par exemple notre croissance
du 2ème semestre 2018 n’est pas de 0,4% mais de 0,35%, ce qui n’est pas
tout-à-fait la même chose. Le graphique du haut donne donc les croissances 2017
et 2018 connues à ce jour pour le 3ème trimestre. On notera la
performance relativement bonne de la France par rapport à l’UE et à la zone
euro malgré une régression assez nette par rapport au 3ème trimestre
2017. De plus la mauvaise performance de l’UE et surtout de la zone euro n’annonce
pas de bonnes nouvelles car cela agit généralement sur nous avec un effet
retard. L’Italie avec une croissance quasi nulle est sévèrement atteinte. On
note d’une façon générale une baisse nette de la croissance par rapport à 2017.
Cette baisse s’est d’ailleurs déjà vue sur le 1er semestre 2018 représenté
sur le graphique du milieu. La France s’illustre avec la plus mauvaise
croissance du lot et loin derrière l’UE et la zone euro. La baisse là aussi est
quasi générale par rapport à 2017. L’évaluation sur les 9 premiers mois de l’année,
représentée sur le graphique du bas, permet de voir l’acquis de croissance pour
l’année. La baisse générale se confirme et d’une façon encore plus importante.
Seule l’Autriche tire son épingle du jeu. La zone euro perd plus de la moitié
de sa croissance et la France avec 0,76% un peu moins des 2/3. L’Italie est
bien sévèrement touchée alors que l’Espagne réussit une bonne performance
relative lui permettant d’envisager une réduction du chômage endémique.
Le
constat est peu réjouissant et dans les milieux économiques, non contraints par
les promesses politiques, on commence à s’inquiéter sérieusement sur l’Europe
en général. La richesse appelant la richesse, si celle-ci n’est pas là, les
investisseurs s’en détournent et le moteur économique s’essouffle encore plus.
En France la publication par l’INSEE d’une prévision de croissance 2018 à 1,5%,
au lieu des 1,9% du PLF2018 et de la dernière prévision à 1,6% de Bruno
Lemaire, met le gouvernement devant une croissance des déficits ou une nouvelle
pression de l’austérité. Que pensez de cette prévision pour la France et quid
de celles pour les pays européens ?
Le
jeu des prévisions est toujours risqué mais les prévisions officielles sont toujours
faites sur une année glissante, autrement dit la croissance du 4ème
trimestre 2017 est supposée se renouveler sur le 4ème trimestre
2018. C’est ce qu’applique l’INSEE dans sa prévision à 1,5%. En repartant de la
publication des PIB en volume à francs constants utilisés précédemment, nous
allons ajouter à la prévision officielle deux autres prévisions basées sur les
enseignements de l’année 2017. La première, dite probable 1, ajoutera algébriquement,
pour le 4ème trimestre 2018, la différence de croissance trimestrielle
évaluée sur les 3 premiers trimestres de 2017 et de 2018 à la valeur de la
croissance du 4ème trimestre 2017. La seconde se bornera à lui
ajouter la différence entre les croissances des seuls 3ème trimestre
2017 et 2018. Le résultat est le suivant :
La
baisse de la croissance par rapport à la prévision française de 1,5% est
inquiétante. Le chiffre exact de 1,47%, publié par l’INSEE mais non avalisé par
le gouvernement passerait à 1,28% voire 1,02 % ! Bigre, est-ce si probable ?
Si l’on pose la question de savoir quelle doit être la valeur de la croissance
du 4ème trimestre à ajouter à l’acquis des 9 premiers mois pour
atteindre les 1,6% de Bruno Lemaire, on trouve 0,84%. Or le quatrième trimestre
2017 fut exceptionnellement bon avec 0,70%, le 1,6% apparaît peu probable dans
le contexte général actuel de l’UE et de la zone euro en perte de vitesse. Même
l’objectif de 1,5% demande 0,74% au 4ème trimestre, donc au-dessus du
0,70% de 2017. Si l’Espagne et l’Autriche semblent assurées de tenir les
prévisions officielles révisées, il reste à connaître la performance de l’Allemagne
dans les prochains jours pour mieux appréhender la prévision annuelle de la France.
Si vous voulez
comprendre les orientations actuelles du gouvernement et prévoir celles de demain,
il vous suffit de regarder le graphique ci-contre. Le gouvernement anticipe,
grâce à ses différents services, Trésor Public, Banque de France, INSEE, Bercy
et aux indications extérieures par la BCE et le FMI et d’autres. On est fondé
de croire que l’austérité imposée sans état d’âme dans le contexte de réduction
du déficit vient de cette anticipation. On est tout aussi fondé de penser que les
mesures d’austérité vont peser encore plus lourdement après le constat que je
viens de faire. Pour maintenir le déficit au niveau prévu dans le PLF 2019 il
faut prévoir des économies budgétaires ou des rentrées fiscales à hauteur de 5,4
milliards à 11 milliards suivant les prévisions probables dont celle de l’INSEE.
Alors maintenant espérons que non car ce sont les prévisions de 2019 qui
risquent d’être aussi révisées… à la baisse et le processus en cours nous mène
directement vers la baisse des prestations sociales et l’augmentation de la pression
fiscale. Les cibles privilégiées retraites, automobilistes, corvéables à merci,
resteront dans le collimateur.
On peut discuter sans fin pour savoir
qui dirige la France
Mais c’est toujours l’argent qui a
déterminé les actions,
Et quand la politique se réduit à la
recherche du profit
C’est l’économie qui dirige la politique
sans partage
La démocratie s’efface et l’austérité
est pauvreté,
Chômage et disparité croissante des
revenus !
Claude Trouvé
02/11/18