samedi 3 novembre 2018

Dégrader le système social pour combler le déficit ? (5ème partie)

Le précédent article Chômage français masqué et honteux a montré que la France portait le bonnet d’âne de l’UE dans ce domaine. Pour ceux qui n’ont pas lu cet article les deux graphiques ci-dessous illustrent combien la France s’enfonce inexorablement tout en se permettant de stigmatiser l’Italie et le Royaume-Uni. Le graphique de droite s’intéresse aux 8 premiers mois de l’année 2018 pour lesquels Eurostat a publié les valeurs des taux chômage. On voit que le mal est profond car le taux de chômage par rapport à la population réputée en mesure de travailler ne diminue pas mais il augmente. La comparaison par rapport à l’Italie et à l’Espagne ne tourne plus alors en notre faveur.
C’est 0,2 point d’augmentation du taux de chômage que nous avons gagné en 8 mois. Le gouvernement se garde bien de nous en informer, tout occupé qu’il est à nous préparer de nouvelles mesures d’austérité qui feront le même effet que les précédentes et nous dirigeront vers l’Italie et la Grèce. L’Espagne, pourtant handicapée par la demande d’indépendance de la Catalogne, a fait baisser son taux de 1,3 point. C’est remarquable même si celui-ci reste le plus élevé de l’UE. Le Portugal nous ridiculise avec un taux de 6,8 points, 9,3 pour nous, après avoir réussi en plus une diminution de 1,1 point en 8 mois. 
Toute honte bue, il est nécessaire de regarder la charge de dépenses que cela représente par rapport au PIB. L’OCDE ne nous fournit des données exploitables les plus récentes que pour 2013. On peut s’en contenter car les évolutions dans ce domaine sont lentes. On constate sur le graphique ci-contre que la France n’est pas en tête de l’effort pour le chômage et elle est très en retrait de l’Espagne, ce qui peut s’expliquer par le taux élevé de chômage dans ce pays. Par contre l’effort nettement plus important de la Belgique ne peut se justifier ainsi et mériterait une étude particulière. On constate que les pays anglo-saxons consacrent peu de dépenses sociales publiques. Ils adoptent un système d’assurance chômage privé beaucoup plus inégalitaire. Mais il faut tenir compte du taux de chômage comme pour le Royaume-Uni où le plein emploi est presque assuré.
Cette dépense en faveur du chômage est finalement assurée par les impôts et taxes des citoyens et le graphique ci-contre montre la charge que cela représente par habitant pour un certain nombre de pays à économie forte par rapport au PIB en 2013. Il et visible qu’il y a un lien fort entre le PIB et le poids supporté par habitant et ce poids est décroissant avec ce dernier. On peut interpréter ceci en disant que le poids de la dépense par habitant est d’autant plus faible que le taux de chômage est faible et l’économie forte. La France occupe une position moyenne mais on constate que son PIB ne lui permet pas d’alléger la charge par habitant en comparaison avec l’Italie qui avait pourtant en 2013 un taux de chômage de 12,2% pour 9,8% en France.
Ceci représentait la charge des dépenses mais qu’en est-il des sommes restituées par chômeur ? Le graphique ci-contre montre qu’un lien évident existe entre la dépense/chômeur et le PIB/habitant, ce qui était prévisible. Plus le PIB/habitant est important plus la somme consacrée pour chaque chômeur croît. Néanmoins on distingue nettement la différence entre les pays anglo-saxons et les autres. Les premiers ont visiblement opté pour un système de couverture privée du chômage, système qui diminue les dépenses publiques mais qui est beaucoup plus inégalitaire. Le taux de chômage intervient également dans la somme à répartir. Compte-tenu de son PIB/habitant la France alloue une somme plutôt confortable en comparaison des autres pays mais n’est qu’au 7ème rang sur la somme allouée. Notre pays souffre bien d’un déficit de croissance par rapport à sa politique d’assistance sociale dans le domaine du chômage comme dans les autres.
La croissance et le plein emploi vont de pair et l’aide au chômage devrait devenir importante sur un nombre réduit de sans emploi. C’est tout le contraire de la politique annoncée et mise en œuvre par le gouvernement. On fait la chasse aux petits fraudeurs du chômage, et on veut licencier chez les contrôleurs des fraudes fiscales. C’est quelques millions d’euros à gagner chez les chômeurs et des milliards chez les fraudeurs fiscaux. La volonté de réduire les allocations chômage en ce qui concerne leur durée sous prétexte de réduire les dépenses chômage est fallacieux, car il part du principe que le chômeur veut éviter de travailler. Si cela peut-être partiellement vrai, c’est la difficulté de trouver du travail qui pousse les chômeurs à ne plus chercher du travail et au travail au noir. Ce dernier est une perte non négligeable pour les recettes de l’Etat.
L’Etat se défausse de sa responsabilité de non-relance de l’économie où il commence à porter le bonne d’âne des pays de l’UE. Il pratique la politique de l’austérité plus simple à mettre en œuvre mais destructrice des forces vives de la nation, de son patrimoine, de la richesse de ses concitoyens. Il suit la politique allemande qui en tire profit en engrangeant les excédents commerciaux, en grande partie sur notre dos, et en voyant une puissance concurrente sur son poids dans les affaires européennes se déliter lentement mais sûrement au fil des ans. La politique européenne est drivée par l’Allemagne, les Etats-Unis, la BCE et le FMI, elle ne peut en aucun cas servir la France dont la puissance industrielle est en déclin de plus en plus rapide. La France agricole est en voie de destruction et prise en main par l’agriculture des financiers, les paysans sont voués au suicide et à la disparition progressive. La petite entreprise, très liée à la consommation intérieure, ne peut que souffrir de la descente de notre pouvoir d’achat, alors que son tissu est déjà très inférieur à ce qu’il est en Italie. Cette pourvoyeuse d’emploi le fera de moins en moins. La cessation des grands investissements publics nouveaux ou d’entretien voue le pays à une paralysie rampante.
La dégradation de la politique sociale de l’Etat est le signe perceptible par nous tous du danger d’une politique d’austérité confondant les recettes de bonne gestion avec un objectif hallucinogène et unique de réduction du déficit budgétaire. Tout entrepreneur digne de ce nom sait que quand les temps sont mauvais, le licenciement est la pire des choses, car c’est coûteux et une perte du savoir-faire. Le salut peut venir d’une relance par l’investissement, donc par un dettement qui est un pari sur l’avenir. L’entreprise qui se replie sur elle-même est déjà morte. Notre grande entreprise nationale est train de mourir. Ne laissons pas notre destin entre les mains des prédateurs, retrouvons-en la maîtrise et brisons nos chaînes avec l’UE et l’OTAN. En sortir ce n'est pas s'isoler comme le disent certains soit de bonne ou de mauvaise foi dans presque tous les partis politiques. L'Islande, la Norvège et la Suisse sont ouvertes au monde sans l'UE tout comme les grands pays comme l'Inde, l'Iran, le Brésil, la Russie, sans parler de la Chine. Petits et grands pays peuvent vivre sans une béquille qui devient un carcan. La France est encore la 7ème économie du monde et le français sera la 3ème langue parlée sur la planète en 2050. Alors ouvrons les portes du monde à notre jeunesse !
 
Lorsqu’un Etat ne voit plus d’autre solution que l’austérité 
Il est en train de couper la branche sur laquelle il est assis.
Confondre austérité et chasse au gaspillage est une faute 
Que l’UE nous impose de faire, sortons-en vite.
Croire que 28 pays ne peuvent vivre sans elle 
C’est condamner les 165 autres Etats
 
Qui forment l’essentiel de l’ONU !
Claude Trouvé 
04/10/18