jeudi 16 janvier 2020

Dettes, niveau de vie et retraites face à la réalité (3ème partie)


Les ménages ont trois préoccupations majeures concernant leur niveau de vie, leurs revenus, leurs retraites, et leurs endettements. On peut ajouter la gestion de l’épargne pour les plus capables d’assumer leur niveau de vie. 

Dette des ménages/PIB 

C’est cette information qui est fournie dans les statistiques de l’OCDE. On voit que globalement entre 1995 et 2016 l’évolution en % par rapport au PIB n’a pas cessé d’augmenter et on peut calculer une moyenne de 40% d’augmentation du rapport. L’évolution est assez continue pour 8 pays. Les ménages de 4 pays ont vu baisser leur endettement/PIB à des degrés divers à savoir : Irlande, Royaume-Uni, Espagne, Etats-Unis. La chute la plus spectaculaire est celle de l’Irlande. Ce sont les ménages suisses les plus endettés en 2016 suivis dans l’ordre des ménages suédois, luxembourgeois, irlandais et britanniques. Suivent 5 pays aux endettements très proches à savoir dans l’ordre décroissant : France, Espagne, Belgique, Grèce, Etats-Unis. Il reste les ménages allemands et italiens dont l’endettement a très peu varié depuis 2010.

Si l’endettement global a nettement progressé entre la période 1995-2001 et 2001-2016, la variation annuelle de l’endettement a diminué relativement de 18% entre les deux périodes passant de 3,14% à 2,58%. La baisse la plus spectaculaire est celle de la Grèce dont on voit l’effet direct de l’arrivée de l’euro remplaçant avantageusement la drachme en 2001. L’évolution de son endettement l’a fait revenir vers un pourcentage/PIB proche de celui de la France. L’Allemagne est le seul pays sur une dynamique de désendettement des ménages. Ceci montre une nouvelle fois que c’est un pays pour qui l’euro leur a été bénéfique. Quatre pays ont augmenté leur rythme d’augmentation de la dette des ménages dans l’ordre décroissant d’importance : Luxembourg, Suisse, Belgique, France. On peut noter que ce sont quatre pays voisins et sur la frontière nord-est de notre pays. Là encore l’euro n’a pas amené un plus pour les ménages puisque les pays concernés ont continué à augmenter, certes globalement moins vite, leur dette hormis l’Allemagne alors que celle des ménages américains est restée stable en pourcentage du PIB.

La dette des ménages français a augmenté par rapport au PIB la plaçant en 6ème ou 7ème place suivant que l’on regarde l’évolution de la dette ou le rythme annuel d’évolution de celle-ci. Leur dette reste nettement plus élevée que la dette italienne mais son rythme d’évolution est sensiblement plus faible. Si on la compare aux Etats-Unis, la dette reste notablement plus élevée et de plus son rythme d’augmentation annuelle est de 2,5% plus élevé que celui des Etats-Unis dont le rythme est quasi-stable. On peut en déduire que la zone euro n’a pas donné un avantage ni par rapport à l’Allemagne ni par rapport aux Etats-Unis. L’euro n’a donc pas apporté un mieux à l’endettement des ménages français puisque leur endettement continue de progresser et à un rythme plus élevé qu’avant 2001. Elle n’est même pas gagnante par rapport au Royaume-Uni dont le rythme d’augmentation annuelle a baissé depuis 2001 et est nettement moins élevé depuis 2001 avec 1,67% contre 2,61% pour la France. Enfin si le rythme d’augmentation annuelle ds ménages italiens est plus élevé que le notre depuis 2001, il a été divisé par 2 et le pourcentage par rapport au PIB est le plus faible des 12 pays examinés. 

Si les ménages suisses ont un niveau d’endettement élevé, on ne doit pas oublier que leurs revenus sont les plus élevés des 12 pays examinés. Il faudra y revenir dans l’étude de l’endettement par habitant. La comparaison significative doit se faire par rapport aux Etats-Unis car ces derniers sont respectivement en 10ème et 11ème place dans l’ordre d’importance de l’augmentation de l’endettement des ménages et de son rythme annuel. Elle est nettement défavorable tant pour l’UE que pour les pays de la zone euro. L’objectif n’est pas atteint pour l’ensemble de l’UE et il en est de même pour notre pays. Seule l’Allemagne s’endette moins vite depuis l’arrivée de l’euro. On va voir si ceci est dû à une augmentation plus rapide du PIB et ou à un ralentissement de l’endettement des ménages allemands. 

Dette des ménages par habitant

La référence au PIB pour les dépenses publiques est moins porteuse que les dépenses des ménages par habitant car le lien est indirect. Pour les dépenses des ménages c’est l’estimation par habitant qui intéresse le citoyen. Comme dans le cas des dépenses des ménages par habitant, on constate une évolution moyenne des dépenses par habitant pour la majeure partie des pays représentés. En 2016, et de très loin, c’est non plus le ménage suisse mais le luxembourgeois qui est le plus endetté, mais le ménage luxembourgeois est riche. La Suisse vient ensuite avec un endettement aux 2/3 de celui du Luxembourg. On a derrière l’Irlande et la Suède. Ces quatre pays étaient déjà en tête pour les dépenses/PIB mais dans un ordre différent. On notera que la dette/habitant des ménages suisses en 2016 est la même qu’en 2007, elle ne progresse plus à la différence des ménages luxembourgeois et suédois, mais elle a énormément progressé entre 1995 et 2007. Sur le graphique d’évolution entre 1995 et 2001 on trouve ensuite deux pays anglo-saxons, le Royaume-Uni et les Etats-Unis dont la dette a augmenté de 1995 à 2007 puis diminué jusqu’en 2016. On trouve ensuite la Belgique et la France, deux pays très comparables en valeur de dette et en rythme de croissance, même si ce dernier est supérieur pour la Belgique. Ces deux pays ont une croissance continue de la dette des ménages depuis 1995. En 2016 sur le niveau de la dette on trouve ensuite l’Allemagne mais dont le rythme de croissance n’a que peu augmenté dans la période 2001-2016 par rapport à la précédente. Enfin dans les trois derniers pays il faut distinguer l’Espagne de l’Italie et de la Grèce. Les ménages espagnols ont continué à augmenter leur dette jusqu’en 2007 mais elle décroit régulièrement ensuite. On observe la même chose mais plus faiblement pour l’Italie. La dette des ménages grecs est la plus faible des 12 pays examinés mais si elle a encore augmenté après l’entrée dans l’euro en 2001, elle est stable depuis 2008, et surtout l’euro lui a assuré une cassure par 2 du rythme de croissance annuelle en passant de 15% à 7,3% entre l’avant et l’après euro. Le constat est le même que pour sa dette/PIB. 

En 2016 quatre pays ont une forte dette des ménages par habitant : Luxembourg, Suisse, Irlande, Suède. Cinq pays ont une dette moyenne dans l’ordre décroissant : Royaume-Uni, Etats-Unis, Belgique, France et Allemagne. Trois pays ont une faible dette/habitant des ménages : Espagne, Italie, Grèce. On peut noter que l’endettement touche plus les pays à fort revenu comme le Luxembourg et la Suisse, que les pays à faible revenu comme l’Espagne, l’Italie, et la Grèce dits pays du Club Med. 

La France située respectivement à la 8ème et la 7ème place dans l’ordre des valeurs de la dette/habitant et du rythme de croissance de celle-ci, se place dans la moyenne des pays européens. Mais la dette des ménages français est supérieure de 14% à celle des allemands en 2016 et son rythme de croissance annuelle sur la période 2001-2018 est 4 fois plus élevé avec 4%. Si leur dette est 11% moins élevée que celle des britanniques, elle a un rythme de croissance annuelle près de 40% plus élevé. Comparés aux italiens, ils ont une dette plus élevée de 60% avec un rythme de croissance annuelle 30% plus élevé. Enfin les ménages français ont une dette de 14% plus faible que les ménages américains et un rythme de croissance annuelle 4 fois plus élevé. On ne peut donc pas en déduire que l’entrée de la France dans la zone euro lui a donné un avantage sur les Etats-Unis puisque entre les périodes avant et après l’euro les ménages français n’ont baissé leur rythme de croissance annuelle de l’endettement de 30% pour 75% pour les ménages américains en variation relative. Ils restent avec un rythme de croissance annuelle de 4,1%, et quatre fois supérieur sur la période 2001-2016. 

Dette des ménages par rapport aux revenus 

Pour mesurer le risque pris dans l’endettement par les ménages, on doit le comparer au revenu des ménages. Cela permettra de mettre une touche finale sur la façon dont la dette pèse sur le niveau de vie actuel et futur des ménages. Ce rapport traduit le poids qui pèse sur les ménages pour rembourser la dette. Cette dette est d’ailleurs fluctuante dans le temps et dépend des variations de change et des taux d’intérêt s’ils sont variables. Comme pour la dette/habitant les ménages luxembourgeois sont en tête de l’endettement par rapport au revenu.. Cela ne représente pas moins de 4,67 années de revenus. Ils sont suivis de très près par les ménages irlandais dont le rapport semble atteindre un palier depuis 2007. Ensuite mais beaucoup moins endettés on trouve la Suède et la Suisse qui ne sont pas dans l’euro mais au pouvoir d’achat élevé en particulier la Suisse, tout comme le Luxembourg. Derrière viennent deux pays anglo-saxons, les Etats-Unis et le Royaume-Uni dont l’endettement est de l’ordre de 2 années de revenus en 2016, mais le pouvoir d’achat des ménages britanniques n’est que les 2/3 de celui des américains. Autour de plus ou moins 1 an et demi d’endettement on trouve dans l’ordre décroissant : Espagne, Belgique, Grèce, France, et Italie. Parmi eux ce sont les ménages français qui ont le plus haut pouvoir d’achat, et l’Espagne le plus faible en 2016. Les ménages allemands ferment la marche mais, hors le Luxembourg, ils ont le pouvoir d’achat le plus élevé des 8 autres pays de la zone euro examinés ici. 

Si l’on compare les périodes avant et après l’euro on trouve une augmentation générale de la dette sauf pour l’Allemagne. Il se confirme que la création de l’euro a maintenu la croissance du pouvoir d’achat des ménages allemands, le niveau de dépenses, et l’endettement. L’euro a servi de régulateur à l’Allemagne au détriment de pays comme l’Espagne, l’Italie et la Grèce. Les ménages français n’en ont pas tiré le même bénéfice que les ménages allemands malgré une hausse forte de leur pouvoir d’achat. Ils ont fortement diminué le rythme de croissance annuelle des dépenses, comme on l’a vu dans l’article précédent, et fait progresser leur endettement par rapport à leurs revenus. 

Il apparaît nettement que dans les pays où le pouvoir d’achat est élevé l’endettement progresse plus vite qu’ailleurs. Le cas particulier du Luxembourg n’est pas anodin. L’endettement des ménages n’est pas lié uniquement aux années de remboursement engagées mais dans la confiance des ménages dans l’avenir de leur pays. Le contre-exemple est l’Allemagne mais celle-ci a réussi, avec la zone euro, à enlever, pour le niveau de vie des ménages allemands, tout brusque changement venant de l’économie mondiale ou de la monnaie. N’oublions pas que l’euro a été lancé avec une parité de 1 pour1 entre le mark et l’euro. La ponction effectuée par l’Allemagne sur les économies européennes des pays de la zone sud en particulier lui a permis de continuer sur sa lancée économique.

Il est notable que l’endettement/revenu des ménages américains est encore important dans un pays où le pouvoir d’achat est supérieur à celui des ménages allemands et français. Pourtant après 2001 le taux de croissance de celui-ci est divisé par plus de 2 par rapport à la période avant 2001. Les ménages allemands sont entrés dans une phase de désendettement après l’arrivée de l’euro en 2001 tandis que les ménages français ont augmenté ont presque doublé leur taux de croissance annuelle de leur endettement/revenu. Entre 2001 et 2016 l’endettement des ménages français a dépassé ainsi celui des ménages allemands. En regardant la Grèce, dont le taux de croissance annuelle reste très élevé, on peut conclure que les taux de croissance élevés de la dette des ménages sont dus à deux raisons, soit à une difficulté à adapter les revenus aux dépenses, la raison classique, soit à une confiance dans l’avenir du pays pour les pays à fort pouvoir d’achat. La France, la Belgique et le Royaume-Uni sont les seuls à voir le taux de croissance annuelle de la dette augmenter dans la période post euro par rapport à la précédente. La Livres Sterling qui s’est claquée sur l’euro jusqu’en 2016 a donné des résultats identiques à la différence de la Suède qui s’est servie de la couronne suédoise. C’est un mauvais signe de dégradation relative de l’endettement de ces ménages de quatre pays aux pouvoirs d’achat assez comparables en 2016. Cette accélération de la course à l’endettement est un commencement d’explication du ressenti des ménages français et sans doute de la sortie de l’UE votée par les classes populaires britanniques.

Il nous reste à faire un bilan en rassemblant tous les éléments chiffrés sur les revenus disponibles en parité de pouvoir d’achat, les dépenses et la dette des ménages sur les 12 pays étudiés. Cette étude sur le niveau de vie de ces pays s’est donnée pour but de regarder dans les chiffres si le ressenti des ménages français, qui répondent généralement oui à la question sur la baisse continue de leur niveau de vie, était une réalité ou non, ou plus précisément si une autre interprétation était donnée par les chiffres officiels. Une grande partie de la réponse se trouve dans le graphique ci-contre. Il compare la période avant l’euro 1995-2001 à celle d’après de 2001-2016. Deux paramètres sont retenus, la dette et les dépenses des ménages toutes deux par rapport aux revenus. Afin de ne pas alourdir cette présentation, seul le graphique final de l’étude va nous permettre un commentaire. Il représente l’écart pour ces deux périodes entre leurs variations annuelles de dettes et de dépenses des ménages. C’est ainsi qu’en moyenne sur les 12 pays la variation annuelle des dépenses des ménages est de +0,72% supérieure sur la période 2011-2016 à celle de la période 1995-2001. Celle de la dette des ménages est de -3,89% inférieure. Autrement dit le pouvoir d’achat a augmenté plus rapidement dans la période après l’euro que dans la période avant. La dette a au contraire en moyenne diminué et cela 5,4 fois plus vite que l’augmentation des dépenses.  Mais attention il s’agit là de deux mesures par rapport au revenu des ménages. Dans la période 2001-2016 les ménages examinés dépensent plus par rapport à leurs revenus mais s’endettent moins vite que dans la période 1995-2001. Le sentiment général doit être mitigé puisque le sentiment de dépenser plus est compensé par celui de s’endetter moins rapidement. C’est le cas de 8 pays sur 12 mais pas celui de l’Espagne, de la Grèce, de la France et de la Suède. Or le cas des ménages français est le plus extrême. Ils ont une vitesse de croissance de leurs dépenses qui est inférieure de ¼ par rapport aux dépenses moyennes des 12 pays et un endettement qui croit 6,4 fois plus vite que les dépenses. Il s’ensuit un sentiment de fuite en avant des ménages français où demain apparaît toujours pire que la veille puisqu’on le noircit chaque jour par un endettement qui croit plus rapidement. Autrement dit les revenus des ménages français n’augmentent pas assez pour assurer l’augmentation des dépenses et les ménages s’endettent de plus en plus par rapport à leur situation avant l’euro.


Le niveau de vie des ménages français avant et après l'eruo
 
La situation des ménages français est donc la plus dégradée de l’ensemble des 12 pays examinés et beaucoup plus que celle de la Suède, de la Grèce et de l’Italie. Précisons une nouvelle fois que cela n’est qu’une comparaison de variations entre deux périodes et non des valeurs en $ très différentes d’un pays à l’autre en particulier entre la Suède à hauts revenus et la Grèce aux faibles revenus. Mais il s’agit ici de comprendre le ressenti des ménages, ressenti qui modèle le moral des ménages français. On assite à un triple phénomène. Entre la période avant 2001 et celle d’après avec l’euro l’augmentation de 50% des revenus disponibles par habitant, celle de dépenses des ménages par habitant de 56%, est accompagnée de celle du triplement de la dette/habitant et du doublement de la dette/revenu entre 1995 et 2016 inflation déduite. On en déduit d’une façon claire que les ménages français sont les ménages dont le niveau de vie a le moins progressé des 12 pays examinés après le passage à l’euro. Grâce au battage politico-médiatique les ménages français sont néanmoins parmi les pays les plus attachés à l’euro. L’augmentation des salaires leur masque le recul relatif de leur niveau de vie par rapport aux autres pays. On note que l’Allemagne a bien, grâce à l’euro maintenu le niveau de dépenses des ménages tout en diminuant leur vitesse d’endettement. Mais ce sont les ménages américains qui maintiennent leur pouvoir d’achat élevé tout en diminuant leur vitesse d’endettement depuis 2001. Etonnamment ce sont les ménages belges qui réalisent la meilleure opération avec le plus grand accroissement de leurs dépenses/revenus tout baissant considérablement leur vitesse d’endettement. Delà à penser que le siège de l’UE à Bruxelles y est pour quelque chose, il y a matière à réflexion.

Le ressenti des ménages français face à l'avenir

Il reste à essayer de comprendre pourquoi les ménages français dépensent plus en s’endettant de plus en plus vite. Les dépenses de première nécessité comme l’alimentation, le loyer, le chauffage sont-elles relativement de plus en plus chères par rapport aux revenus disponibles obligeant à augmenter la vitesse d’endettement ? Ou est-ce une frénésie plus grande de consommateur sur des biens non indispensables ? On va essayer de répondre par l’examen des types de dépenses.  Pour terminer cette étude comparative sur les niveaux de vie passés, présents et futurs, il reste à regarder le sujet d’actualité sur les retraites. Comment se placent les retraites par rapport à ce panel de 12 pays et comment ont-elles évolué depuis 1995. On parlera en plus du problème démographique qui va jouer sur l’équilibre du financement des retraites après 2025 où la population française va amorcer sa décroissance sans requérir à un apport migratoire supplémentaire comme en Allemagne. C’est d’ailleurs la réelle raison de la mise en œuvre de l’âge pivot et non celle de l’équilibre financier des retraites. Il faut retenir plus de monde sur le marché du travail dès à présent… plutôt que relancer une politique familiale de la natalité. 

Les ménages français constatent une précarité de leur avenir

C’est leur ressenti malgré l’accroissement des revenus.

L’une des causes est la gestion de leurs dépenses

Qui fait de plus en plus appel à la dette.

Les premiers les plus touchés

Sont les moins riches.

Les Gilets Jaunes ?
Claude Trouvé
14/01/19

mercredi 8 janvier 2020

Dettes, niveau de vie et retraites face à la réalité (2ème partie)


Le premier article sur ce sujet a montré que les revenus disponibles des ménages français par habitant, autrement dit leur pouvoir d’achat, avait plus augmenté que celui de la plupart des pays voisins. Il a montré aussi que sur la période 1999-2016 après l’introduction de l’euro les évolutions des pouvoirs d’achat des 12 pays examinés divergeaient alors de façon graphiquement visualisable.  Le constat de la divergence des pouvoirs d’achat apparaît nettement comme liée aux premiers effets de l’introduction de l’euro. La Suisse dominait tout le monde, Etats-Unis compris, et la Grèce avait perdu beaucoup de pouvoir d’achat. La performance de la France est même supérieure à celle de l’Allemagne même si le revenu des ménages français reste encore inférieur à celui des allemands. Il nous reste à comprendre pourquoi le ressenti des français est différent sur leur niveau de vie en dehors des inégalités de répartition de la richesse. Les grands pays perdants s’avèrent bien être les pays du Sud de l’UE.
 
On va donc regarder ce qu’il en est des dépenses des ménages des 12 pays sélectionnés parmi nos voisins en ajoutant la Suisse et les Etats-Unis, pour disposer d’un repère dans et hors de l’UE, et en plus la Suède comme pays représentant un pays de l’UE hors zone euro. Ce sont les dépenses possibles qui sont les plus sensibles au ressenti des ménages qui les considèrent à tort comme leur pouvoir d’achat en oubliant qu’ils peuvent épargner et tenir compte ou non des cotisations sociales dans leur ressenti. Le premier constat est la grande divergence des dépenses des ménages depuis 1995 et plus encore depuis 2001. Les chiffres sont d’ailleurs éloquents : l’écart entre les dépenses des ménages espagnols et suisses était dans un rapport de 1,77 en faveur de la Suisse en 1995 et est devenu 6,40 en 2018, soit une augmentation de 362% ! En 2018 on retrouve en tête la Suisse suivie des Etats-Unis, du Luxembourg et de l’Allemagne comme pour les revenus disponibles des ménages étudiés précédemment. Le Royaume-Uni en 5ème position dépasse toujours la Suède qui a dépassé la France. Ces deux derniers pays sont dotés en plus d’une forte protection sociale. La France occupe la 7ème position, perd donc une place, mais est en tête d’un groupe de 4 pays aux dépenses proches. Dans l’ordre décroissant on trouve, France, Belgique, Irlande et Italie. La grande perdante est la Grèce pour laquelle l’entrée dans l’UE et la zone euro n’a amené aucune progression des dépenses des ménages et une régression relative par rapport aux 11 autres pays. On peut constater qu’avec un système social encore performant, la France semble tirer son épingle du jeu sans plus depuis la création de l’UE. Elle devance désormais la Belgique et l’Italie. Il faut donc chercher ailleurs la cause du malaise français sur leur niveau de vie. On doit toutefois constater que l’UE n’a pas donné un plus par rapport aux autres pays, ce qui invalide le slogan de l’UE qui protège tout au moins sur le plan économique. Mais en est-il de même pour son passage dans l’euro ?

Si l’on regarde plus finement l’évolution des dépenses des ménages des 12 pays avant et après l’introduction de l’euro on constate qu’un seul pays a vu les dépenses des ménages augmenter : le paradis fiscal luxembourgeois. Tous les autres pays ayant subi une baisse générale, on peut regarder leur situation par rapport à une moyenne de 1,45% dévolution par an. Le pays le plus pénalisé par son appartenance à la zone euro est bien la Grèce qui voit son rythme d’augmentation des dépenses se rapprocher un peu plus de zéro.  Toutefois on constate visuellement sur les deux graphiques que les grands perdants, par rapport à la situation d’avant 2001, sont dans l’ordre décroissant le Royaume-Uni, l’Irlande et la France. Suivent 3 autres pays : Espagne, Suède, et Etats-Unis. Les 5 pays européens cités n’ont pas trouvé dans l’euro le moyen de faire mieux que les Etats-Unis. Les 6 autres pays font mieux que les Etats-Unis et sont au-dessus de la moyenne. En remontant on trouve :  Belgique, Italie, Allemagne, Grèce, Suisse et Luxembourg. La Grèce ne perd pas grand-chose en effet mais elle reste avec un très faible niveau de dépenses et plutôt en régression. On peut faire la même remarque pour l’Italie qui a moins perdu que la Grèce en croissance annuelle des dépenses des ménages mais est en 10ème place pour le niveau de celles-ci. La Suisse est la réplique de la Grèce mais cette fois avec le plus haut niveau de dépenses mais avec une évolution nulle de la croissance annuelle avant et après 2001. La Suisse maintient, depuis la création de l’UE, puis de l’euro, la plus forte croissance annuelle des dépenses des ménages de 2,8%/an contre vents et marées. On sait quelle gère cette situation avec sa monnaie qu’elle n’hésite pas à dévaluer quand il faut. L’Allemagne est bien le pays, hors le Luxembourg pour raison de paradis fiscal, qui a le mieux traversé 2001 pour les dépenses des ménages en concédant peu sur leur croissance et en gardant une forte croissance moyenne annuelle des dépenses de 1,8% sur la période 2001-2018. Elle n’est dépassée que par la Suède qui était partie de plus haut sur la période d’avant 2001. 

Pour la France on constate donc que l’entrée dans l’euro a brisé fortement sa dynamique de croissance annuelle des dépenses des ménages passant de 3,23%/an avant l’euro à 1,51%/an après. Ceci est encore plus visible pour le Royaume-Uni dont l’entrée dans l’UE a détruit la dynamique des dépenses des ménages. L’habitant le plus gagnant est le Luxembourgeois qui a bénéficié de son statut de paradis fiscal. La constance des dépenses des ménages suisses est remarquable si l’on se réfère à l’évolution de la moyenne de celles des 12 pays qui ont perdu en moyenne -0,74%/an entre l’avant et l’après création de la zone euro. Les dépenses des ménages suisses ont pu garder le même niveau de croissance dans la période 2001-2018 alors que la croissance du PIB/habitant a chuté sur l’ensemble des pays de l’OCDE. Le résultat de la Suisse hors UE est remarquable car,  à la première place pour le pouvoir d’achat des ménages et la croissance moyenne annuelle de celui-ci entre 1995 et 2016, elle l’est aussi pour les dépenses par habitant en 2018 et au deuxième pour la croissance moyenne annuelle de celles-ci sur la période 2001-2018.  Si la Suède avec sa monnaie nationale se place en deuxième position des gagnants, le Royaume-Uni est le grand perdant de la création de l’euro ce qui montre que la monnaie nationale est un instrument qui doit être utilisé pour ajuster l’économie. C’est cela qu’a réussi la Suède et la Suisse. La France aux dépenses sociales importantes et un blocage monétaire de l’euro ne se place qu’en 8ème position depuis son passage à l’euro avec une perte relative entre l’avant et l’après de -1,73%/an soit 1% moins bien que la moyenne des autres pays. L’Allemagne, la Grèce et la Suisse ont maintenu leur niveau de dépenses des ménages mais n’oublions pas que la Suisse est au meilleur niveau, que l’Allemagne dépasse la France et que la Grèce reste avec l’un des plus faibles niveaux de dépenses des ménages. C’est aussi le cas de l’Irlande, ce qui veut dire que les monnaies Livre et Euro ont eu un effet identique parce que le Royaume-Uni s’est peu servi de sa monnaie pour ajuster son économie, comme l’a fait la Suède qui fait mieux que la France avec l’Euro. 

On peut conclure à ce stade de l’étude que l’UE n’a fait qu’accentuer les différences entre les dépenses des ménages des différents pays avec la création de l’euro. Créée comme un conglomérat de pays pour faire face économiquement aux autres grands blocs mondiaux, l’UE et l’euro n’ont apporté aucune amélioration tangible aux pouvoirs d’achat et aux dépenses des ménages des pays qu’ils ont englobés. La différence sur la croissance des dépenses des ménages entre les pays de l’UE et les Etats-Unis est suffisamment faible avec +0,07% pour ne pas être significative, et est très défavorable par rapport à la Suisse avec -1.55% sur la période 2001-2018. Ceci montre bien l’inefficacité de l’UE dans son objectif économique pour ses peuples… enfin pour 95% de leurs populations. La zone euro elle-même au lieu de rapprocher les niveaux de vie des pays examinés n’a fait que les éloigner, ce qui dément son efficacité sur le rapprochement des économies des pays concernés où on note seulement un transfert de richesses du Sud vers le Nord. On peut aussi noter l’importance de la monnaie nationale et des dévaluations pratiquées même par la Suisse qui est en tête du pouvoir d’achat et des dépenses des ménages, suivie par la Suède au contraire du Royaume-Uni qui n’a que récemment utilisé cette arme en 2016. Le ressenti de recul des britanniques n’est pas étranger au vote du Brexit.
 
Revenons sur l’étude précédente sur le pourvoir d’achat pour voir si le constat entre les 2 périodes est le même que pour les dépenses. Pour ce qui concerne la France on note que si les revenus disponibles ont augmenté entre 1995 et 2016 assez fortement, ceci est dû essentiellement à la période 1995-2001 et elle a beaucoup perdu sur la croissance du pouvoir d’achat dans la période 2001-2018 non seulement dans l’absolu mais relativement puisque le pouvoir d’achat (revenus disponibles en ppa) est passé en croissance annuelle de 4,10% à 1,12% entre les périodes avant et après l’introduction de l’euro soit une perte de 3% supérieure à la moyenne à 2%.

Donc que l’on regarde la performance française dans les revenus disponibles ou dans les dépenses des ménages, la France a perdu de la performance par rapport à la moyenne des 10 autres pays de l’UE et par rapport aux Etats-Unis qui sont dans la moyenne des pays examinés, et surtout par rapport à la Suisse qui n’a perdu que 1,55% de croissance annuelle du pouvoir d’achat. Les 10 pays de l’UE et la zone euro examinés ici montrent que leur appartenance n’a eu aucun effet positif par rapport aux Etats-Unis et que la Suisse hors UE, utilisant sa monnaie au profit de son économie a damé le pion à tous les autres pays examinés.

La France s’est fait dépasser par la Suède, qui a sa monnaie, et par l’Allemagne, qui a profité de l’euro pour minimiser sa perte de croissance annuelle sur le pouvoir d’achat des ménages au détriment de celle des 9 autres pays de l’UE examinés ici. Le Royaume-Uni avec la Livre n’a guère fait mieux que l’Irlande qui a adopté l’euro mais tous deux ont pâti de leur appartenance à l’UE pour le niveau de vie des ménages. L’euro n’est donc pas un avantage mais la Livre, non utilisée comme variable d’ajustement à l’économie, n’a pas donné les résultats de la Suède avec sa couronne suédoise qui s’en est servi et a fait mieux que l’Allemagne et la France. Une monnaie nationale figée ne fait pas mieux qu’une monnaie unique sur une union de pays aux économies différentes.

Mais pourquoi le ressenti des français est-il sensible à cette dégradation de la croissance de son pouvoir d’achat et de ses dépenses ? Les chiffres présentés ici ne leur sont pas connus et ceux qui sont en mesure de se comparer in situ avec les autres pays sont une minorité. Le graphique ci-contre qui montre que la France se caractérise par le plus faible rapport entre les dépenses des ménages et leurs revenus disponibles est-il une piste pour expliquer ce pessimisme français ? C’est sur ce constat que partira l’article suivant qui traitera de la dette des ménages et des retraites. 

L’aventure européenne s’avère de plus en plus un fiasco

Il est devenu évident que les promesses initiales

Ne peuvent être tenues pour les peuples.

C’est l’union des puissances de l’argent

Chaque pays y joue pour son compte,

Et la France y perd son dynamisme

L’Allemagne y tire le maximum,

Et la Grèce y est dépouillée !

La Suisse se rit de tous. 

Claude Trouvé
07/01/20