dimanche 29 septembre 2019

Qui va profiter de la réforme des retraites ? (Fin)


Le premier article de ce triptyque a mis l’accent sur la situation moyenne de la France tant sur les salaires que sur les dépenses totales de protection sociale incluant la santé, la famille et les retraites. Si celles-ci sont les plus élevées par rapport au PIB, ce sur quoi l’UE exerce une pression sur le gouvernement, ce n’est plus le cas si on les rapporte au nombre d’habitants. Or c’est ce dernier point qui est le ressenti par la population. En 10 ans la part des dépenses vieillesse est passée de 38,55% à 40,16% soit +1,61% ou une augmentation de +0,4%/an avec un basculement progressif des dépenses familiales vers les dépenses des retraites. Il n’y a donc pas d’urgence de dérive rapide, pas plus qu’une dépense par habitant qui soit nettement au-dessus des autres pays européens. Quant au rapport dépenses retraites/PIB on constate qu’il suffit d’une légère augmentation du PIB pour prendre en compte cette dérive. La difficulté n’est pas hors de portée par une amélioration de notre compétitivité.

Le second article a montré que l’inquiétude sur le paiement des retraites était d’abord un problème démographique que la France n’a pas su prendre en compte par une politique familiale incitative et adaptée. Le vieillissement de la population en découle nécessairement. En 50 ans de 1950 à 2000, l’âge moyen de la population a augmenté de 3,3 ans. En 18 ans de 2000 à 2018 l’âge moyen a augmenté de 3 ans de plus pour atteindre 41,1ans. Le vieillissement de la France s’accélère donc et détériore le rapport des actifs aux inactifs, inactifs qui comprennent aussi les jeunes de moins de quinze ans. Le rapport actifs/retraités, toutes choses égales par ailleurs, passerait de 4 en 2000 à 2,6 sur une projection dans 10 ans, soit 2028. La priorité de la France est donc de relancer une politique de la natalité, politique qui ne portera ses fruits que dans une génération. La solution allemande de sa politique migratoire n’est tenable économiquement que dans un pays à très faible taux de chômage et entraine des problèmes sociaux, cultuels et de sécurité. 

Les solutions envisagées par le gouvernement sont soit de rogner les retraites, soit d’augmenter les ressources par une cotisation vieillesse plus élevée, soit de prolonger la durée d’activité dans une vie. Il n’est pas exclu qu’in fine il utilise les trois. Les deux premières sont particulièrement impopulaires et l’Etat dit faire le choix de la troisième et promet une réflexion sur l’augmentation de la durée de la vie active. Bien entendu il a déjà tranché mais il veut encore faire croire à la consultation en ouvrant quelques amendements possibles. Allonger la durée de la vie active revient à augmenter la durée du travail, puisqu’il s’agit d’augmenter les ressources, à ceci près qu’alors le nombre de retraités ne serait pas affecté puisque la durée de vie active resterait inchangée. Avec un allongement de la durée de vie au travail l’Etat pense gagner sur deux tableaux, baisse du nombre de pensionnés, et hausse des ressources. Il nous masque allègrement qu’en période faible croissance l’augmentation de la durée de vie au travail va mettre des jeunes au chômage. 

Nous ne travaillons pas assez pour payer nos retraites ? 

C’est ce que laisse sous-entendre l’Etat et le graphique ci-contre semblerait lui donner raison. La fameuse décision de Martine Aubry des 35 heures payées 39, décision inconsidérée destinée à faire baisser le chômage, s’est traduite par une baisse de la compétitivité sans baisse significative du chômage, et par une désorganisation des entreprises surtout petites et de certains services publics comme les hôpitaux. Mais elle a laissé la France dans un état de fragilité compétitive et laissé une peur des gouvernants devant une nouvelle retouche à la durée hebdomadaire du travail. Le graphique ci-contre montre néanmoins que ce paramètre ne reflète probablement pas la santé économique des nations car l’Allemagne a la moyenne d’heures travaillées/an la plus faible mais est une grande puissance économique, alors que ce sont les puissants Etats-Unis qui travaillent le plus par emploi. Le travailleur actif français travaille moins dans l’année que l’italien mais il ne semble pas que cela soit un handicap quand l’allemand travaille encore moins. 

La France a-t-elle un Produit Intérieur Brut par habitant suffisant ?

Pour assumer ses dépenses de prestations sociales, la France doit disposer de ressources suffisantes par habitant. On a vu que ces dépenses par habitant de la France sont dans la moyenne des pays européens et n’arrivent qu’en 7ème position. Mais elle est en première place par rapport au PIB. De plus dans ces dépenses la part à 14% des retraites est la plus élevée des pays voisins derrière l’Italie. Est-on devant un problème de moyens financiers ? Le graphique ci-contre montre que la France ne tient pas son rang de puissance moyenne puisque son PIB/habitant est inférieur à celui de l’UE, de la Zone euro mais même de l’OCDE ! Elle ne devance que l’Italie et l’Espagne dont on sait les difficultés et le chômage. On touche là la difficulté devant laquelle se trouve notre pays où le vieillissement du pays entraîne une élévation des dépenses de santé et de retraite à prestations égales. La tranche d’âge des 65 ans et plus augmente 4,6 fois plus vite que celle des moins de 15 ans, et l’on assiste à un plafonnement des actifs disponibles à 29,3 millions de français. Nos dépenses de retraite sont déjà 10% plus élevées par rapport au PIB que celles de l’Allemagne, même si c’est moins que l’Italie dont les dépenses sont supérieures aux nôtres de 2%/PIB. Nous sommes accusés par l’UE (lisez l’Allemagne) de vivre au-dessus de nos moyens. 

Le travailleur français doit-il travailler plus par an ? 

Il faut donc vraiment savoir si le fait de produire plus d’heures de travail par an est un facteur prépondérant pour créer de la richesse, car c’est bien le but affiché par l’Etat qui veut reculer le départ à la retraite d’une façon ou d’une autre pour mettre plus de monde au travail, donc produire plus d’heures travaillées. Le graphique représente l’évolution annuelle entre 2017 et 2018 du PIB/habitant et du PIB/heures travaillées d’après les données OCDE. Si pour la France les deux variations sont du même ordre, les résultats pour les autres pays montrent qu’il n’y a visiblement aucune corrélation entre ces deux indicateurs. Pour le moins l’influence des heures travaillées est marginale devant d’autres facteurs prépondérants. Il n’est que de regarder la Suisse d’une part, et l’Italie et l’Espagne d’autre part, pour s’en convaincre. Le Suisse a travaillé plus mais le résultat est moins bon, tandis que l’espagnol a fait des merveilles de croissance. La solution pour la croissance française n’est pas dans les heures travaillées et l’Etat soit mène le peuple en bateau, soit prend une mauvaise orientation. 

Le français part-il trop tôt en retraite ? 

En reculant de fait l’âge de la retraite l’Etat veut-il remettre la France dans les clous de la moyenne européenne ? On pourrait se demander pourquoi vu que nous venons de voir que travailler plus ne produit pas nécessairement de la croissance et que de toute façon elle est liée à d’autres facteurs prépondérants. Mais en ciblant la durée de vie au travail l’Etat amène le sentiment que nous partons trop tôt en retraite. Je n’ai pas trouvé des valeurs récentes dans les statistiques de l’OCDE mais l’année 2006 donne une vision d’avant la crise 2008. On voit que la France n’était aucunement une nation de préretraités. Avec une durée légale de 60 ans, l’âge moyen s’affichait à 59 ans, dans la moyenne des pays européens à 59,4 ans, de la Zone euro à 59,2 ans, et du Royaume-Uni à 58,3 ans. On pourrait penser que l’espérance de vie d’un français après 65 ans est plus longue que celle de la plupart des autres pays européens. Il n’en est rien, elle est de 23,6 ans pour les femmes en 2017 et de 19,6 ans pour les hommes en France. Elle est respectivement de 21,2 et 18,1 en Allemagne, 22,4 et 19,2 en Italie. Les différences ne sont pas marquées mais on ne peut que se réjouir de ces chiffres légèrement meilleurs sans doute dû à l’alimentation et aux soins de santé. De plus ces chiffres n’évoluent que très lentement, en légère augmentation chez les hommes et constants chez les femmes. Ceci veut dire que, sans changer l’âge de la retraite, l’évolution de la durée moyenne des retraites ne présente pas de caractère d’urgence pour son financement dans une perspective à court terme. Néanmoins l’augmentation lente mais positive, de 1/3 d’année pour les hommes et d’un quart pour les femmes tous les ans depuis 20 ans, de notre espérance de vie après la retraite montre que le long terme demande une correction d’autant plus importante que le nombre d’actifs restera à sa valeur actuelle avec une baisse très importante de la natalité. Il n’y a donc aucune raison aujourd’hui de reculer l’âge de la retraite autre qu’un souci financier de dépenses en légère croissance. Mais l’urgence est ailleurs, c’est celle du long terme qui demande un revirement rapide de la politique familiale. 

Où trouver les vrais outils de la croissance nécessaire des ressources
L
           1. La monnaie
La France vit effectivement au-dessus de ses moyens et son système social, à défaut d’être le meilleur car d’autres pays nordiques sont performants, pèse lourdement sur les dépenses publiques. Ce choix qui amène une qualité de vie traduite dans les chiffres de l’espérance de vie doit être maintenu. Il fait partie de notre identité nationale et c’est tout à la gloire de ce pays où l’homme, être pensant et corps fragile, reste protégé face à la dure loi économique. Alors quels sont les indicateurs intéressants qui montrent le chemin de la croissance ? Dans le monde du mondialisme, il faut pouvoir lutter à armes égales, être compétitif. Il faut présenter mieux les fabrications et œuvres industrielles, agricoles, artistiques, artisanales, etc. Il faut être innovant, reconnu comme fiable, produisant la qualité au meilleur prix. La tâche est rude il faut vendre, exporter, et en même temps se protéger de l’importation en proposant un meilleur rapport qualité-prix. La monnaie prend alors une importance primordiale, elle doit être ajustée aux capacités productives du pays, c’est-à-dire ni trop forte ni trop faible dans le panier des monnaies. La France a choisi de se dessaisir de cet outil et laisse aux seuls producteurs le soin de trouver la compétitivité nécessaire pour survivre ou pour s’enrichir avec un handicap originel de compétitivité quand la monnaie est trop forte pour permettre une vraie concurrence à égalité de moyens. La situation est alors éventuellement soulagée par des subventions ou baisses de taxes de l’Etat mais qui ont pour effet d’alourdir le solde budgétaire sans pouvoir compenser suffisamment le handicap de compétitivité.

2. Les salaires
Le producteur dispose de trois principales actions possibles pour mettre sur le marché un produit attirant : la baisse de coût des fournitures et matières premières nécessaires, l’innovation, et les salaires. En dehors de l’innovation, le poste de dépenses souvent le plus couteux et le plus maitrisable est le troisième, les salaires. Une grande partie des efforts de gestion passe par la contraction de la charge salariale. Elle est d’autant plus forte que la monnaie est un handicap, et les taxes patronales lourdes. Une politique d’austérité gouvernementale aboutit toujours à une contraction de la charge salariale en utilisant au niveau de l’entreprise tous les moyens, contraction en nombre d’emplois ou en salaires, flexibilité, réduction des avancements, pression sur la productivité, etc. La réduction des salaires par rapport à l’inflation a un effet pervers car les salariés sont aussi des consommateurs et leur demande de consommation s’affaiblit.

  3. L’allègement des taxes patronales
C’est l’outil privilégié de la politique française actuellement sous forme de baisse des taxes ou de crédit d’impôt. Il est censé agir directement sur la compétitivité soit grâce aux investissements, soit directement par baisse du prix de revient. Encore faut-il qu’il ne serve pas surtout à aller dans la poche des actionnaires, ce qui est monnaie courante jusqu’aux paradis fiscaux. Cet outil a pour effet immédiat de vider les caisses de l’Etat sans certitude qu’il soit suffisant pour combler le handicap de compétitivité d’une part, et de créer un retour équivalent par les impôts sur les sociétés. Le solde du commerce extérieur reste lourdement négatif à hauteur d’une soixantaine de milliards pendant que l’Allemagne a un solde positif approchant les 250 milliards. Son efficacité reste problématique quand le déficit budgétaire n’est toujours par résorbé dans le budget 2020. 

Quel est l’indicateur qui accompagne la croissance ? 

La croissance crée de l’emploi et non l’inverse contrairement à ce que pense certains. Il ne sert à rien de mettre plus de monde en position d’actifs disponibles, par augmentation de la durée de vie au travail, et ce dans le but de créer de la croissance. C’est une erreur fondamentale. L’indicateur qui accompagne la croissance, mais qui en est une résultante c’est finalement le taux d’emploi. Mais justement ce taux d’emploi, qui prend tous les temps de travail partiels et pleins contrairement au taux de chômage, est faible en France avec 65,3% par rapport la moyenne de l’UE, l’OCDE, même de la Zone euro. Il est bien loin de la Suisse avec 80,1%. Le constat est clair l’Italie, l’Espagne et la France ne peuvent pas donner du travail à tout le monde même à temps partiel. Leur économie est handicapée par rapport aux autres pays. Le « travailler plus » sous quelque forme que ce soit ne peut rien pour la croissance. Il n’y a pas d’acheteurs en quantité suffisante. La Suisse et l’Allemagne font a contrario la démonstration de leur compétitivité… grâce à leur monnaie, le franc suisse et l’euromark. Mais si l’avantage de l’euromark s’estompe, alors la croissance s’éteindra, c’est ce que commence à vivre l’Allemagne en 2019. 

Le trio ressources, croissance, et taux d’emploi 

J’ai suffisamment montré que les dépenses de prestations sociales sont proches de la moyenne des pays européens alors que le pourcentage des dépenses engagées par rapport au PIB nous place en tête des mêmes pays. Il s’agit donc bien d’un problème de ressources avant d’être un problème de dépenses. La croissance crée des ressources, et de l’emploi. Le graphique ci-contre montre visuellement le lien entre le PIB/habitant et le taux d’emploi, taux d’emploi qui stagne à 60% entre 2008 et 2017 pour décoller légèrement en 2018 sous l’effet d’une croissance plus soutenue. Par rapport à la tendance moyenne de croissance du taux d’emploi avec le PIB/habitant à raison de +0,63% de taux pour 1000 dollars/habitant de plus, l’Allemagne fait beaucoup mieux, les Etats-Unis et l’Italie font nettement moins bien. Notons que l’Allemagne booste son PIB par le meilleur solde mondial du commerce extérieur mais pour les Etats-Unis avec son déficit du commerce extérieur  c’est l’inverse. La performance de la France reste inférieure à celle de la Zone euro sans s’écarter sensiblement de la tendance moyenne. On voit là une confirmation que la situation économique de la France reste figée dans la Zone euro et s’est d’ailleurs dégradée peu à peu. La position de l’OCDE montre que la main-d’œuvre dans l’ensemble des pays est inférieure à celle de la Zone euro et sert l’emploi. 

Quelle serait une politique raisonnable et responsable pour la France ? 

Il s’avère que le problème des retraites soulevé par Macron renvoie à une politique générale de la France, celle de la captation de ressources et à l’utilisation des dépenses. Jouer sur les dépenses, en dehors d’optimisation de gestion de ces dernières, c’est nécessairement intervenir en priorité sur les postes de dépenses les plus coûteux, aux premiers rangs desquels on trouve les dépenses sociales. Aller dans ce sens c’est aller vers un monde plus impitoyable ou la richesse toise la pauvreté. La France se doit de ne pas y recourir sans avoir essayé toutes les autres solutions. Mais c’est la solution de facilité dans laquelle le gouvernent ne résiste que mollement. En choisissant le maintien des dépenses de prestations sociales et en tenant compte du vieillissement de la France, on constate que les dépenses augmentent inexorablement et que les solutions apportées jusqu’ici n’engendrent des succès de court terme qu’en jouant sur la dette publique ou l’augmentation des taxes.
La première cause de la dérive permanente des dépenses de retraite est le vieillissement de la population. Dans dix ans on n’aura plus à ce rythme que 2,6 actifs pour un retraité. Cette situation provient de l’augmentation de la durée de vie, avec une espérance de vie augmentée de 0,5 ans en 8 ans et de l’affaiblissement des naissances à -12% sur la même période. Quel que soit la situation de la France dans le contexte mondial à venir, la projection à 20 ans ne peut échapper au problème démographique. L’urgence pour la France est la relance de la politique familiale par un effort financier à la hauteur de l’enjeu dans le cadre d’une politique à long terme. 

Pour le court terme il s’agit de mener une politique de captation des ressources en dehors de la taxation des produits consommés et du travail. Il faut redynamiser l’économie. L’effort principal actuel a porté sur la politique de l’offre, mais le CICE a fait pschitt sur l’emploi même si une légère reprise s’est observée en 2018. De plus la petite baisse du chômage ne concerne que les temps pleins, le nombre des demandeurs d’emploi toutes catégories est stable. Les subventions aux entreprises, baisse de taxe et crédit d’impôt, s’avèrent insuffisantes pour combler la baisse de compétitivité provenant de la monnaie trop forte. Le déficit du commerce extérieur reste trop important. Dans ce contexte c’est la politique de la demande qu’il faut utiliser en baissant progressivement mais fortement les prélèvements sur les consommateurs, dont TVA et impôt sur le revenu.

Le retour de ressources sera la hausse de la consommation, moteur essentiel dans un contexte de manque de compétitivité sur le marché mondial. Ceci aura pour effet de freiner la délocalisation, et de diminuer le taux d’emploi par des carnets de commande plus fournis chez les producteurs. La nouvelle baisse d’impôt sur les sociétés prévue en 2020 sera beaucoup moins productive que celle touchant les consommateurs, c’est encore un mauvais choix. Au moment où l’Etat peut emprunter à des taux négatifs, le remboursement de la dette n’est plus une urgence, mais celle d’investir dans la relance de l’économie, dans les infrastructures à créer, dans celles à rénover, en particulier dans les transports, et dans la recherche. La politique d’austérité, insufflée par l’Allemagne et répercutée par l’UE, n’est pas adaptée à une France en manque de compétitivité et se traduit par des mesures de grignotage, aujourd’hui sur les retraites sous couvert d’une réforme dite égalitaire. Ce grand bouleversement qui veut en réalité adoucir les dépenses publiques va engendrer des mouvements sociaux inutiles et finalement préjudiciables sans régler le problème démographique de fond.

Le problème des retraites vient de la démographie ! 

L’ignorer aboutit à des solutions irréalistes

Vantées sous des prétextes fallacieux 

A l’aune de l’austérité et du profit

D’un Etat français en rupture 

De compétitivité !
 
Claude Trouvé 
29/09/19

samedi 21 septembre 2019

Quand la science tourne au charlatanisme


Cet article est un article de circonstance qui est la réponse à l’information diffusée le 17/09/19 sur France 24 et à la publication le lendemain de la température globale d’août 2019 par la NOAA, organisme de référence des mesures satellitaires. Selon France 24 un groupe de chercheurs (dont on ne donne ni les noms, ni l’organisme dont ils dépendent) prévoient une augmentation de +7°C de la température du globe en 2080 ! Evidemment cette prévision tombe à point nommé pour la réunion mondiale sur le climat. Mais cette information est suivie d’un court-métrage présentant des images apocalyptiques sur les évènements extrêmes devant augmenter en intensité et en fréquence, et sur les désormais traditionnels ours dérivant sur des ilots de glaces.

Cette propagande se sert d’images dont on ignore réellement l’endroit exact et la date où elles sont prises, et utilise des chiffres qui frappent l’imagination par leur importance. Mais ils ne sont souvent que très peu représentatifs de la réalité du sujet. J’en veux pour preuve les chiffres qui sont annoncés sur les volumes, les surfaces, les masses glacières avec des milliers de km2, de mètres-cube et de mégatonnes. On se garde bien de les rapporter en pourcentage par rapport à la totalité de l’entité concernée, ce qui aurait pour effet de faire perdre à l’information donnée toute son importance. Pour persuader la meilleure méthode est d’insuffler la peur. Pour cela on n’hésite pas à utiliser des boniments, des images truquées, et des chiffres dont l’importance tient au nombre de chiffres ou à la grandeur de l’unité choisie. Enfin on n’hésite pas à s’appuyer sur n’importe quelle publication du moment qu’elle va permettre d’enfoncer le clou de la peur dans des esprits crédules par manque de temps pour s’informer ailleurs, ou par manque de curiosité ou de culture scientifique. Le climat est un sujet idéal pour y développer le charlatanisme car notre vision est limitée à notre souvenir bien réduit par le temps qui passe, et par notre vue géographiquement locale. Même nos informations météorologiques régionales ou nationales ne sont qu’un pourcentage très faible de l’information sur notre globe, vu la surface couverte par notre pays.

Il y a pourtant des réflexions simples qui démontent des assertions pseudo-scientifiques utilisées par ceux qui tirent profit de l’alarmisme du réchauffement climatique. L’information de France 24 est justement une de celles-là. Il suffit de poser la question suivante : « Comment peut-on faire part de prévisions catastrophiques pour 2080, soit dans 62 ans, alors que tous les modèles mathématiques prévisionnels actuels ont donné des prévisions sur 20 ans non validées ensuite par les mesures ? ». Un modèle mathématique, construit pour refléter les mesures sur lesquels il s’appuie, ne trouve sa validation que dans le fait de la coïncidence de ses prévisions sur une période de temps avec les mesures effectuées ensuite pendant celle-ci. Il n’y a pas d’exception à cette règle de bon sens. Il faut rappeler qu’Al Gore a fait connaître au monde en 2003 sa prédiction d’un Arctique sans glace en 2013 ! La plupart de nos concitoyens l’ont oublié, mais l’image de l’ours à la dérive est toujours dans les mémoires même si l’on sait que la dérive sur une plaque de glace est une technique de pêche des ours et que leur population n’est pas en déclin. Alors il est salutaire d’en revenir à la réalité des chiffres et, pour les non-climatologues soit nous tous, à la mesure de la température du globe. Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans le réchauffement climatique. Or on ne nous parle de la température pour nous citer ses extrêmes mais on ne présente jamais son évolution sur une longue période. 

Je vous propose donc de cibler notre regard sur une période de près de 74 ans ce qui correspond presque à la durée de notre vie moyenne. Cette période a été choisie aussi parce qu’elle débute par une période de stabilité, entre 1945 et 1978, de la température autour d’une moyenne de température nulle par rapport à 1880. Alors que l’émission de carbone anthropique n’a cessé d’augmenter sur cette période par le chauffage urbain, les usines, et le transport, en particulier ferroviaire, mais aussi maritime et aérien, la température globale y est restée stable. Certains y voient une émission de carbone anthropique encore trop faible pour sortir du « bruit » des variations naturelles du dioxyde de carbone. Il faut savoir que l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère supposé être à l’origine du réchauffement climatique est le résultat d’une part d’un phénomène d’émissions naturelles (volcans, respiration animale, etc.) et anthropiques à base de ressources énergétiques, et d’autre part à l’inverse d’un phénomène de captation par les océans et la végétation.

Pour compliquer le problème du taux de carbone dans l’atmosphère, les émissions et captations se font sur des longueurs de temps très différentes. Si l’émission de carbone anthropique est instantanée, celle de la captation par les océans est lente et sur un cycle évalué à 30 ans. De plus le CO2 anthropique et le CO2 naturel ont un marqueur isotopique qui permet de les différencier mais qui est perceptible par les plantes et leur permet un choix. En effet le carbone a trois isotopes, le 12C, l’isotope présent à 99% dans l’atmosphère, le 13C présent à 1%, et le 14C radioactif à l’état de traces permettant la datation des objets.

« Le CO2 produit par la combustion des combustibles fossiles ou du bois a une composition isotopique différente du CO2 de l’atmosphère, parce que les plantes ont une préférence pour les isotopes les plus légers [12CO2], ce qui abaisse le rapport isotopique carbone-13/carbone-12. Étant donné que les combustibles fossiles proviennent des plantes, ils ont tous à peu près le même rapport isotopique – environ 2% inférieur à celui de l’atmosphère. Comme le CO2 provenant des gaz de combustion se mélange au CO2 atmosphérique, il en abaisse le rapport isotopique ».

La prévision du taux de carbone dans les années à venir n’est donc par chose facile puisque le cycle du carbone s’étale sur 30 ans, autrement dit les atomes de carbone émis aujourd’hui n’auront complètement disparu que dans 30 ans. Néanmoins la quantité de carbone émis pouvant être estimée dans l’avenir, on peut calculer le taux futur  de carbone et modéliser la croissance indéniable du CO2 qui reste néanmoins à un taux très faible, même si l’on évoque ici et là des taux atteignant 0,04% dans l’atmosphère.

Je n’ai fait que lever un coin du voile sur une science climatique très compliquée et encore mal connue, mais un choix a été fait sur la causalité du réchauffement climatique, l’ennemi est le carbone. On oublie que la civilisation industrielle émet bien d’autre substances chimiques et certains pointent le doigt sur les CFCs qui pourraient être en cause. La certitude actuelle est basée sur le carbone. De ce fait dans tous les modèles mathématiques prévisionnels il faut introduire une relation entre taux de carbone et élévation de température avec un coefficient de sensibilité de la température au taux de carbone. Ceci pose le fait que toute augmentation du taux de carbone devrait induire une augmentation de la température globale. Force est de constater que ceci a été mis en défaut dans la période d’une trentaine d’années 1945-1978 puis de 1998 à 2013 comme représenté sur le graphique suivant. La certitude de causalité du carbone ne sait pas répondre à ces anomalies. Le graphique ci-dessous résume les mesures de température de la NOAA jusqu’en août 2019 en présentant des valeurs mobiles annuelles. La valeur d’août 2019 à +0,915°C est ainsi la moyenne des températures mensuelles de juillet 2018 à août 2019. Ceci permet de lisser la courbe et de permettre une vision plus claire des évolutions à long terme.

Il serait idiot de nier le réchauffement climatique mais il est tout aussi idiot de vouloir faire des prévisions à long terme quand les modèles mathématiques prévisionnels n’ont encore reçu aucune confirmation et que même certains sont soit désavoués par les mesures, soit visiblement irréalistes. Dans le premier cas je pointe le modèle retenu par le GIEC en 2010, et dans le second la prévision du +7°C pour 2080. La prévision du GIEC de 2015 ne peut se réaliser que si l’on a une accélération du réchauffement climatique par rapport à la tendance actuelle. On ne peut pas l’identifier pour l’instant. La prévision du GIEC 2018 est représentée en pointillé car la valeur de l’augmentation probable du réchauffement n’est pas donnée dans le rapport. Ce qui est calculé c’est le tonnage à ne pas dépasser si l’on veut rester sur un réchauffement de 1,5°C en 2050. Or le nouveau chiffre plus important fourni donne par une simple règle de trois la variation du coefficient de sensibilité de la température au taux de carbone. La valeur trouvée est inférieure à celle retenue dans le rapport 2015. Pour la première fois la croissance du réchauffement climatique est minorée.  il semble que le GIEC a tenu compte de la tendance mesurée depuis son rapport 2010 qui s’avère beaucoup trop pessimiste. La meilleure preuve est que la droite de tendance sur la variation de la température de 1998 à nos jours donne une valeur et une prédiction très proches. 

La prévision non avouée du GIEC de 2018 semble beaucoup plus réaliste mais aussi beaucoup moins pessimiste. C’est sans doute ce qui n’a pas plus au lobby climatique qui n’entend pas diminuer la pression catastrophique. C’est sans doute ce nouvel envoi d’une information encore plus alarmiste avec ce +7°C en 2080, tout-à-fait injustifiable sur les mesures collectées jusqu’à aujourd’hui mais qui peut l’être par des constats divers sur des évènements extrêmes de la nature étayés par des calculs « sur de puissants ordinateurs » selon France 24. Pour avoir été parmi les premiers utilisateurs des grands calculateurs d’avant 1960, je sais que ceci n’est pas un argument, car l’ordinateur ne fait que ce pourquoi il est programmé et Le Verrier a découvert Pluton avec des calculs manuels. La prédiction des +7°C est un exercice de communication propagandiste calée sur la date de la conférence mondiale sur le climat. 

Pour terminer je vous propose de rétrécir notre fenêtre de temps, celle où nos mémoires sont encore fraîches, en réduisant la période à celle allant du 1er janvier 2014 au 31 août 2019 avec la représentation en année mobile comme précédemment. Ceci pour montrer que la réduction de l’espace de temps peut mener aux plus hasardeuses prédictions.  Il y a plusieurs façons de regarder ce graphique. On peut tout bonnement s’en tenir à la valeur moyenne de cette période et constater que la température globale a varié de +0,608°C de la période 1998-2013 à +0,868°C soit une augmentation de +0,26°C. C’est un constat non contestable pas plus que celui des +0,608°C par rapport au -0.005°C de la période 1945-1978, ce qui nous donne d’ailleurs une élévation globale de la température de 0,873°C depuis 1978, avec l’atteinte d’un nouveau palier dont on ne sait pas s’il va continuer. La deuxième est de faire confiance aux mathématiques et de chercher la droite de tendance sur cette période. On trouve une variation de +0,0271°C/an, valeur statistiquement non significative mais située entre les prévisions des rapports 2015 et 2018 du GIEC. La troisième façon est de négliger l’apport calorifique du El niño et de s’en tenir à la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2015. On trouve alors une croissance de la température qui pousse à la prédiction du +7°C pour 2080. Si l’on omet la période des courants marins du 30 septembre 2015 au 31 décembre 2018, soit plus de 4 ans, on retrouve une validation sur l’évolution des températures jusqu’en août 2019. 

Cette présentation de l’évolution des températures sur une courte période de temps, vu à l’horloge climatique, montre bien que l’on peut dire n’importe quoi à un instant donné si l’on ne prend pas le recul temporel nécessaire. En septembre 2015 la prévision des +7°C aurait été tout-à-fait vérifiée et on se serait estimé en droit de la poursuivre jusqu’en 2080. En septembre 2018 elle devenait hautement improbable. En août 2019 elle reprend de l’intérêt et pourrait se réaliser si l’on admet un hiatus, donc un simple décalage dans le temps, de 4 ans. Ce qui veut dire que si l’on réduit encore la période à celle de septembre 2018 à août 2019, on peut présenter la prévision des +7°C comme probable. Evidemment les tenants du réchauffement climatique lié au carbone passent pudiquement sur les périodes où température et carbone ne semblent plus liés. Si l’on regarde la période 1945-2019 il est évident que cette prédiction est hautement improbable où alors il faut justifier une brusque accélération de l’émission de carbone, contraire à l’évolution de ce phénomène, qu’il faudrait pour le moins expliquer.

Il en est malheureusement de toutes les prédictions climatiques actuelles dont aucune ne peut raisonnablement tenir la route de la certitude tant cette jeune science erre encore dans la détection et la compréhension des facteurs influents. La liaison de causalité avec le carbone n’est pas sans poser des interrogations avec des périodes où carbone et températures n’évoluent pas de concert. Mais ce qui est sûr c’est que l’on ne sait rien de certain pour l’avenir. Nos deux canicules ne nous renseignent pas car l’Europe du Nord subissait en même temps une période anormale de froid en Norvège, Suède, Finlande, et Russie. Seule l’indication de la température globale d’août 2019 à +0,92°C par rapport à 1880, peut nous faire réfléchir à condition de la remettre dans une étude sur une durée de la période commençant au début de l’ère industrielle jusqu’à aujourd’hui. On peut néanmoins penser que la comparaison des mesures avec les prédictions du GIEC 2015 et 2018 pourront être valablement faites d’ici quelques années, deux ans au mieux. Si les mesures valident l’une d’entre elles, les prédictions pour 2050 prendront du poids mais pas au-delà. Dans le cas contraire on aura affaire à une grande désillusion et à un grand gâchis de moyens financiers qui se chiffrent en centaines de milliards. 

Je termine avec un sentiment mitigé devant la mobilisation de la jeunesse pour le sauvetage de la planète. On ne peut nier son côté enthousiaste d’une jeunesse qui veut se rendre utile pour une cause planétaire de survie. Rien de pire qu’une jeunesse désabusée, c’est antinomique avec la notion même de jeunesse. Cela signerait l’abandon de toute volonté de survie, car l’homme ne peut exister en dehors d’un combat incessant contre la nature dont la puissance est pratiquement sans limite. Mais le combat de cette jeunesse est contre l’homme lui-même et ses turpitudes mortifères. D’une part l’émission carbone de la France ne représentant que 1% des émissions totales, la jeunesse française ne pourra donc rien changer localement. Son espoir de mobiliser la jeunesse de la planète entière est vouée à l’échec devant les grands pollueurs que sont déjà la Chine, les Etats-Unis et l’Inde, dont de plus la croissance des besoins énergétiques sont sans commune mesure avec les nôtres, et qui affecteront d’abord la consommation de charbon, sans oublier que le bois représente actuellement la principale source d’énergie. Mais je suis triste de constater que cette jeunesse est manipulée et va suivre le même sort que les chinois avec leur petit livre rouge avant de basculer dans une nouvelle version du capitalisme. L’ampleur du battage médiatique, politique, pédagogique, sur le climat détruit toute velléité de réflexion et de doute salutaire. On baigne cette jeunesse dans la peur et dans l’espoir de sortir par eux-mêmes d’une situation présentée comme de plus en plus catastrophique et urgente. Il en est de même pour les voix qui l’élèvent ici et là pour dénoncer le mythe de l’UE heureuse, protectrice des plus démunis, vade-mecum de la paix, et creuset de la fraternité. On les fait taire par le catastrophisme que ce serait une sortie pour la France… et même  pour le monde entier selon certains. L’avenir pour le climat est sombre parce que si le réchauffement s’accélère, nos jeunes ne pourront pas grand-chose sur un phénomène mondial, et si le réchauffement se calme la désillusion s’emparera de cette jeunesse qui représente un trésor inestimable pour un pays.
 
Charlatanisme et propagande du climat croissent 

Avec l’inquiétude de ceux qui les propagent

Devant la fragilité des prédictions. 

Ils ne peuvent plus reculer,

Car la jeunesse y croit.

Claude Trouvé
20/09/19