Le projet de réforme des retraites est présenté aux
instances syndicales pour consultation (approbation) après deux ans et demi de
palabres. Il ne résulte pas d’une demande des citoyens si l’on met à part une
certaine jalousie des régimes ordinaires par rapport aux régimes spéciaux,
jalousie camouflée sous le vocable « inégalité de ressources ».
Cette attitude est d’ailleurs étrange sauf dans le cas où les retraites
ordinaires sont considérées comme insuffisantes par les retraités, ce qui est
bien le cas pour une partie d’entre eux. En réalité ce qui est sûr c’est
qu’elles ont diminué sous l’effet de son découplage avec l’inflation et de l’augmentation
de la CSG au profit des actifs. C’est cela qui ranime le sentiment d’inégalité
des régimes. Mais la motivation du gouvernement est tout autre, c’est
l’insistante « recommandation » de Bruxelles pour la
diminution du poids des dépenses sociales et en particulier de retraite. C’est
le graphique donnant l’évolution des dépenses/PIB qui sert d’argument à
Bruxelles dans sa politique d’austérité à l’allemande. Les dépenses de
l’Allemagne sont les plus faibles des dépenses des pays voisins de la France en
2015 et sont passées de 9% à 14% du PIB en ce qui nous concerne, même si elles
n’évoluent plus depuis 2013. Le ton est donné par l’Allemagne dont les dépenses
se sont stabilisées à hauteur de 10%. Vu du côté des retraités, ceux-ci vont
plus ou moins compléter leurs retraites par des assurances retraites privées.
Si ceci ne représente que 0,4% en 2013 pour la France et l’Espagne, 0,3% pour
l’Italie, 0,2%/PIB pour l’Allemagne, elles représentent plus de 3% au
Royaume-Uni et près de 5% en Suisse.
Indéniablement
avec 14%/PIB la France dépense plus que l’Allemagne à 10%. Il ne faut donc pas
aller chercher ailleurs la raison de la grande réforme des retraites. Elle est
le résultat de la pression de Bruxelles et des recommandations-injonctions sous
peine de pénalité visant à diminuer la dépense publique globale des retraites.
L’argument de la mise à plat uniforme n’est qu’un artifice facile à faire gober
à des citoyens épris d’égalité. Une deuxième raison de ce pari risqué, mais
devenu obligatoire pour répondre aux contraintes imposées par l’UE, est la
retraite par points. L’argument avancé de la simplicité et de la transparence
cache mal la raison de la maîtrise de la valeur du point par le gouvernement.
Il ne manquera jamais d’arguments plus ou moins trompeurs pour abaisser la valeur
du point d’un coup de plume ou de souris sur ses ordinateurs. La perspective
d’une récession par exemple peut être utilisée comme raison incontournable. On
perçoit bien l’intérêt pour le gouvernement de n’avoir qu’une seule et unique
discussion alors que le poids des syndicats est en chute libre. L’uniformisation
des retraites ne peut être validée par le gouvernement que si elle met en
lumière non seulement un gain immédiat sur les dépenses, gain qu’il aura la
possibilité d’amplifier en baissant la valeur du point par rapport à
l’inflation comme il le fait pour le taux d’épargne. Le gagnant doit
obligatoirement être l’Etat qui cache ses véritables intentions derrière
l’argument de l’uniformisation bien gobé par les citoyens.
Mais pour le retraité ce qui compte c’est la valeur de la
pension. Or on sait que le PIB/habitant de l’Allemagne était de 13% plus élevé
que celui de la France, ce qui diminue la différence entre les deux pays. Deux
autres facteurs entrent dans le calcul à savoir le taux d’activité et le taux
d’emploi, autrement dit le nombre de français actifs et le nombre global
d’heures travaillées. Dans la comparaison avec nos pays voisins on peut ajouter
le poids du pourcentage de retraités par rapport à la population active. L’évolution
de la pyramide des âges depuis la mise en place du système social des retraites
et du SMIC datant de 1950 est spectaculaire. Les pyramides des âges de 1950 et
2018 montrent l’évolution nette de la répartition de la population par tranche
d’âge. En 1950 on voit l’appauvrissement de la tranche des 30-34 ans due à la
guerre, le baby-boom des 0-4 ans, et une tranche des plus de 80 ans ne
représentant que moins de 0,75% de la population. Cette pyramide est bien
assise sur sa base de jeunesse. Depuis la population totale a d’ailleurs augmenté
de près de 56% en 68 ans soit au rythme de 0,65%/an. La pyramide des âges de
2018 est à l’inverse sur une base étriquée de jeunesse et prend une forme
instable où les plus de 90 ans représentent 0,7% de la population avec 2,5 fois
plus de femmes que d’hommes atteignant cet âge. En 68 ans la France a
vieilli de 6,3 ans passant d’une moyenne d’âge de 34,7 ans en 1950 à 41,1 ans
en 2018 ! L’évolution est rapide au rythme de +0,25% de l’âge moyen
par an.
On peut résumer la comparaison entre ces deux années par
un tableau donnant les trois grandes catégories d’âge en cause dans les
recettes et les dépenses publiques. On visualise ainsi le nombre de personnes
dans les tranches d’âges dépensières, à savoir les moins de 15 ans et les 65
ans et plus, et dans la tranche des 15-64 ans considérée internationalement
comme la tranche des actifs disponibles. On voit que la tranche des plus de 65
ans et plus s’est augmentée de 8,332 millions d’individus, soit +174,5% ou +2,13%an,
alors que celle des moins de 15 ans n’a progressé que de 2,361 millions de
personnes, soit +24,8% ou +0,46%/an. En 68 ans la tranche d’âge des 65 ans
et plus a donc augmenté 4,6 fois plus vite que celle des moins de 15 ans. Dans
un avenir à 10 ans, durée restant dans le prévisible probable, la population
des 35 ans et plus aura augmenté de +23,4% et celle des 15 ans et moins de
4,7%. La pyramide des âges en 2028 sera donc encore plus déséquilibrée. On
peut de plus comparer ces évolutions de population à celle des actifs
disponibles de 15-64 ans dont la progression depuis 1950 a été de 12,545
millions d’individus, soit 45,5% ou 5,53%/an. Actuellement en 2018 le nombre
d’actifs disponibles de la tranche des 15-64 ans par rapport aux inactifs représentés
par les deux autres tranches est donc de 1,61 et celle par rapport à la tranche
des retraitables de 3,06. On peut dire qu’en 2018 on avait un peu plus de
1,6 actifs disponibles pour 1 inactif et un plus de 3 pour 1 retraitable.
On peut ajouter que le rapport du nombre de « retraitables » par
rapport aux jeunes était de 1,10 soit 10% de plus de retraitables pour la même
année.
Alors
en quoi la situation de 2018 est-elle différente de celle de la naissance du
système social actuel en 1950 ? Elle tient dans deux chiffres. D’une part le
rapport des actifs disponibles/retraitables en 1950 était de 5,77 au lieu de
1,61 en 2018. La charge sur les actifs disponibles était 3 fois plus lourde
en 2018 qu’en 1950. Ceci ne donne qu’un premier éclairage car les actifs
disponibles ont parmi eux des actifs non utilisés à plein temps, des chômeurs
et des inactifs volontaires sur le marché du travail. D’autre part le
rapport des actifs disponibles/inactifs des deux autres catégories n’est passé que
de 1,93 en 1950 à 1,61 en 2018 soit une charge des inactifs répartie sur
17% d’actifs disponibles en moins, ou une diminution du rapport de 0,27% par an
depuis 1950 ! On constate que le problème vu sous cet angle plus global de
la protection sociale de la jeunesse et des retraités est beaucoup plus
gérable. Il en résulte que le problème de la charge financière des retraites
ne peut être vu sans une globalisation sur toutes les tranches d’âge. Ce
n’est pas ainsi que le gouvernement présente le plan d’uniformisation des
retraites. Pourtant c’est bien le but visé de diminution de la charge
financière dès 2020 puisqu’il s’agit de raboter les avantages des régimes
spéciaux sans augmentation globale des retraites. On a bien affaire à un
enfumage de nos concitoyens.
Evidemment
le poids des dépenses vieillesse et celles de la famille est différent dans les
dépenses totales : 40,16% pour les premières et 7,58% pour les secondes,
soit des dépenses vieillesse 5,3 fois plus importantes que pour la famille. Ces
chiffres sont à comparer aux dépenses de santé qui représentent 28,68% du
total. Ceci fait comprendre deux choses. La première c’est que la perte
démographique de jeunes n’est sans doute pas étrangère au faible poids de la
dépense afférente. La seconde est que la préoccupation budgétaire est bien
située sur les dépenses vieillesse alors que la vieillesse, la santé et la
famille représentent 75% des dépenses sociales. En 10 ans la part des dépenses
vieillesse est passée de 38,55% à 40,16% du total soit +1,61% ou une
augmentation de +0,4%/an. Mais si l’on considère que l’augmentation de
population s’est faite sur cette période de 10 ans au rythme de +0,44%/an, on
constate donc que la dépense vieillesse/habitant n’a pas évolué depuis 10 ans,
et que l’urgence de baisser cette dépense n’existe pas hors les injonctions de
Bruxelles. Si l’on regarde les 9 derniers relevés trimestriels, du dernier
trimestre 2016 au 1er trimestre 2019, de l’évolution de la
population des 15-64 ans, dite population active disponible, cette évolution
n’est que de 0,023%/an ! Le plafonnement actuel à 29,3 millions des
personnes actives pouvant apporter leur contribution aux dépenses sociales est
avant tout un problème démographique !
On ne peut évidemment pas arrêter l’analyse des dépenses
vieillesse, à partir des données Eurostat, sur ces constats. Mais il est clair
que la politique gouvernementale s’attaque à une opération de diminution des
prestations sociales avec le plus gros morceau des dépenses vieillesse. Mais il
n’y a pas d’urgence de dérive rapide, pas plus que d’une dépense par habitant
nettement au-dessus des autres pays. Les Pays-Bas, la Finlande font mieux que
nous, sans parler de la Suisse et de la Norvège. Contrairement au slogan
cocardier du « Notre système social que tout le monde nous envie »
la France a de sérieux concurrents qui la devance dans les prestations sociales
vu du côté du citoyen.
L’affirmation par l’UE d’une dépense trop importante et
la prise de position de s’attaquer aux retraites qui forment l’essentiel de la
dépense ne se justifie que par le rapport avec le PIB et par la comparaison
avec les autres pays comme le montre le graphique ci-contre. Ce constat, auquel
se réfère le gouvernement, sert de justification à des mesures d’austérité dans
un contexte d’uniformité européenne. Il ne prend pas en compte le bien du
peuple qui constate que cette dépense n’est pas outrancière par habitant comme
le montre le graphique précédent. Toute mesure d’austérité sur la protection
sociale ne peut que dégrader l’aide apportée aux citoyens. La réforme des
retraites, sous couvert d’uniformité flattant le désir d’égalité cher aux
français, n’a pourtant que ce fil directeur de diminution de la protection
sociale.
On ne peut échapper évidemment au problème de financement
de cette protection comme l’image la phrase connue « La plus belle
fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a », et à la référence au
PIB censée donner une image de la richesse du pays. Même s’il oublie une partie
de celle-ci, il reste un indicateur raisonnable. Mais le PIB tient
essentiellement aux heures travaillées de la population active utilisée. Il faut
donc tenir compte du taux d’activité, donnant le nombre de personnes actives
disponibles, et du taux d’emploi qui donne finalement le nombre d’heures
travaillées. On peut y ajouter le taux de productivité qui agit finalement sur
le PIB lequel est aussi sensible au solde du commerce extérieur. On voit que le
problème est complexe et que tout se tient pour créer de la richesse, en particulier
la compétitivité et la force de travail. Mais revenons sur la population active
disponible car elle est au départ de tout, hors commerce extérieur et encore ce
n’est pas si sûr. Il s’agit donc d’un problème démographique au départ du
raisonnement. Or les courbes issues d’un rapport de l’INSEE montrent que la
France va vers un problème démographique grave de chute des naissances que le
gouvernement connaît. Il commence d’ailleurs à vouloir le régler, comme
l’Allemagne, par une immigration sur laquelle il tend à fermer les yeux. La
pyramide des âges nous a montré que la France vieillit et la population active
disponible va diminuer par rapport aux inactifs et particulièrement par rapport
à la tranche des 65 ans et plus.
Ceci
étant posé, il faut analyser plus en profondeur le problème des heures
travaillées, source de richesse, mais on ne peut pas envisager des actions
d’austérité sans examiner le problème global de la protection sociale, en
particulier sur le duo dépenses vieillesse et famille. Ce sera l’objet du
prochain article.
La
réformes des retraites vient des injonctions de L’UE.
L’uniformisation
n’est qu’un prétexte à l’austérité,
Au
contrôle aisé avec l’introduction des points
Dans
une vue « courtermiste » à répétition
Masquant
le problème démographique
Au
cœur de la production de richesse !
Claude
Trouvé
14/09/19
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