dimanche 4 novembre 2018

La France doit-elle se désendetter par l’austérité ?



La publication du taux de croissance pour le 3ème trimestre à 0,4% au lieu des 0,6% attendus comme l’an dernier à la même époque n’a pas fait l’objet de beaucoup de commentaire dans les médias, ni évidemment du gouvernement. Ce dernier était beaucoup plus enclin à mettre en avant les 400 millions d’excédent promis pour la Sécu l’an prochain alors que l’on peut se demander si l’excédent est préférable à l’arrêt de la dégradation du service public de santé quand les plaintes dans ce secteur ne cessent de se multiplier. Cette évolution est devenue générale dans tous les services publics. La qualité du service public s’efface derrière la diminution des dépenses publiques.

Mais revenons à ce taux de croissance de 0,4% qui fait suite aux 0,36% du 1er semestre 2018 nous donnant un taux déjà acquis de 0,76%. Il n’a pas non plus été communiqué que la prévision de l’INSEE pour qui le taux de croissance annuel est désormais de 1,5%. De plus la prévision est basée sur une année glissante incluant le 4ème trimestre 2017. Or celui-ci a été nettement meilleur qu’en 2016. Vu la sous-performance du 3ème trimestre 2018 par rapport au même trimestre 2017, on peut prévoir que les 0,7% du 4ème trimestre 2017 ne seront pas atteints en 2018. C’est pourtant ainsi que l’INSEE donne la prévision à 1,5% pour 2018. Une estimation plus probable donne un taux de croissance pour 2018 entre 1,1% et 1,5%. La première prévision de croissance pour 2018 était à 2%, ramenée à 1,9% pour le Projet de loi de Finances voté. Celle-ci a été ramenée à 1,6% par Bruno Lemaire. Mais si le taux de croissance probable est à 1,3%, l’écart budgétaire passe à 0,6%/PIB en-dessous de la prévision du PLF 2018. Les dépenses des administrations publiques représentant environ 56% du PIB, on peut s’attendre à un manque de recettes de 7 à 8 milliards à la fin de l’année, soit plus de 0,3% de déficit supplémentaire par rapport au PIB. Ce ne serait plus 2,3% de déficit, ni les 2,6% de Bruno Lemaire mais 2,9%, bien près des 3% fatidiques en espérant que le taux de croissance ne soit pas de 1,1% comme possible. 

Si la France peut se féliciter de faire mieux que la zone euro qui affiche 0,2% de croissance au 3ème trimestre, elle reste avec 1,5% en dessous de la prévision annuelle de la zone euro à 1,7%. Mais surtout elle peut regarder avec envie les 0,9% de croissance des Etats-Unis pour le 3ème trimestre et une prévision annuelle à 2,7% ! La politique française d’austérité ne fait évidemment pas recette par rapport à celle de la relance économique par une double action sur la demande et l’offre en acceptant un déficit budgétaire anticipant l’augmentation à venir des recettes fiscales. Le résultat est là, le chômage baisse, les salaires augmentent alimentant la relance des entreprises américaines priées de ne pas quitter le territoire américain et contraintes par un contrôle étatique de la circulation des capitaux.

Bloquée par son appartenance à l’UE, la France ne maîtrise pas la fuite des capitaux par les décentralisations, et les achats des fleurons industriels stratégiques. Cela peut aller à des équipements nécessaires à nos armées, jusqu’à des monopoles de denrées alimentaires comme le beurre qui part d’une usine de Bretagne en totalité vers la Chine. Elle ne maîtrise pas sa monnaie, prisonnière de l’euromark et subit un déficit de compétitivité de 30% avec l’Allemagne et de 15% avec la zone dollar. Il s’ensuit que les efforts faits pour soutenir les secteurs productifs français ne peuvent combler l’ampleur de ce handicap. Cela tient à deux raisons. La première est que les sommes allouées vont principalement aux grandes entreprises, exportatrices par nature. La seconde est que ces entreprises ont une tendance à maximiser les profits en délocalisant, en cherchant les pays les plus avantageux fiscalement, et en utilisant la spéculation avec l’aide des paradis fiscaux. Une bonne partie des aides aux entreprises fuit donc à l’étranger. Comme par ailleurs l’aide à la demande par le pouvoir d’achat est faible voire finalement négative tout bilan global fait, le soutien à la croissance est inefficace et la France s’appauvrit. 

La politique d’austérité visant essentiellement la diminution du déficit budgétaire est une aberration économique imposée par l’UE. L’ultralibéralisme de Macron n’est que le fruit d’un mondialisme globalisant qui a pour but de creuser l’écart entre les riches et les pauvres au profit des premiers en supprimant tout contrôle de la spéculation, de la circulation des capitaux, et toute barrière douanière. Elle ouvre ainsi toute grande la porte aux pays prédateurs et aux grandes fortunes des banques et des puissances économiques privées. Le grand problème de la France est que les français ne s’en rendent pas compte et croient pouvoir y échapper en déversant leur ire sur Macron. Macron mis en cage ou dégagé, le problème de la mondialisation, prônée par les puissances financières et imposée à la France par le biais de l’UE, restera bien vivant. Nous avons signé les traités qui nous lient à l’UE, le TUE et le TFUE, acceptant de fait la loi de ces grandes puissances de l’argent qui peuvent permettre désormais de mettre en accusation les Etats devant un tribunal hors contrôle d’une justice indépendante. N’oublions pas que les traités ne se modifient qu’à l’unanimité des 28 Etats membres, donc désormais à probabilité nulle.

La politique d’austérité paupérise les peuples sans espoir de survie hors du contrôle strict imposé par l’UE, la BCE et le FMI comme la Grèce le subit. Son apparente levée d’écrou est assortie de concessions liant le pays à très long terme à ces créanciers. Le patrimoine du pays fond comme neige au soleil et l’OTAN va l’investir de ses bases en faisant miroiter une manne providentielle à un gouvernement en faillite. Mais il n’y a pas d’aide gratuite et tout le monde se sert au passage. L’UE va tout faire pour empêcher un rapprochement avec la Russie qui pourrait amener de la richesse par le passage d’un gazoduc vers l’Italie. La Grèce est cadenassée à ses créanciers.

L’UE et l’OTAN ne font qu’un, ce sont les deux faces d’une même médaille, et l’implantation d’armes nucléaires en Italie va se poursuivre par celle de vecteurs nucléaires à moyenne portée dans d’autres pays en particulier à l’Est. Il faut bien voir que la confrontation des armes entre le bloc occidental, drivé par les Etats-Unis, et la Russie n’est pas essentiellement tournée vers un affrontement apocalyptique mais beaucoup plus sûrement vers un contrôle par les armes de tout dérapage possible des pays de l’UE tentés par un éloignement du mondialisme imposé par l’hégémonie américaine. Macron n’est qu’un pion, il est la proie du mondialisme imposé à l’UE, voulu par les grandes puissances financières et utilisé pour l’hégémonie américaine. Ce pion devient d’ailleurs une marionnette qui perd le nord et bientôt sa compagne Merkel. La volonté de celle-ci de faire cavalier seul dans l’UE en s’opposant frontalement aux Etats-Unis est en train de causer sa perte, comme De Gaulle en son temps. Son erreur sur l’immigration massive est l’occasion que ne ratera pas la grande finance.

Alors pour finir la dette de la France est-elle rédhibitoire par rapport aux autres pays ? Pour ce faire il faut regarder l’ampleur de la dette et sa variation dans le temps comparativement aux autres pays. Afin de permettre ceci, il faut rapporter la dette au PIB du pays. La dette/PIB montre l’effort à consentir pour effacer celle-ci. Le graphique ci-contre illustre la dette/PIB en 2017 et sa variation de 1999 à 2017. On observe une tendance nette d’évolution de la dette avec l’ampleur de la variation précédente ce qui parait assez normal.  Le premier constat est que la France est dans les pays endettés mais la valeur et la vitesse s’inscrivent dans une trajectoire moyenne avec l’Espagne. On ne peut pas en dire autant du Royaume-Uni, du Portugal et de la Grèce, néanmoins l’augmentation des salaires et la baisse du chômage existent au Royaume-Uni contrairement à la Grèce et au Portugal. L’Italie à forte dette en a ralenti relativement fortement la progression, c’est encore mieux pour la Belgique et le Canada qui ont diminué la dette. La palme revient au Danemark et à la Suède tous deux détenteurs de leur monnaie nationale.

On notera que la dette représentée ici n’est pas celle prise en compte par l’UE, selon le critère de Maastricht. Cette dernière ne prend en compte que les emprunts à court et long terme. La dette de l’OCDE est la dette globale. Autrement dit si vous décédez votre endettement ne sera pas limité à vos emprunts mais élargis à tous vos impayés. La dette française au sens de Maastricht est de 96,8%/PIB et la dette globale publiée par l’OCDE est de 124,2%/PIB. Le graphique ci-dessus montre que la France n’est pas en état d’urgence relative par rapport aux autres pays tant que son économie est saine et que l’intérêt de la dette à supporter est faible voir négatif comme en ce moment compte-tenu de l’inflation à 2% (taux d’emprunt à 10 ans : Allemagne 0,32%, France 0,69%, Italie 3,41% [ ?! ], Portugal 1,89%, Grèce 4,7%). L’urgence est donc de maintenir le pays en état économique prospère par rapport au reste du monde, ce qui tirera les taux d’intérêt vers le bas. On ne prête à taux bas que pour les riches. Il est clair que ce but ne peut être atteint avec la non-maîtrise de la monnaie et des capitaux, mais la politique d’austérité actuelle ne peut mener qu’au désastre économique et donc social comme l’exemple de la Grèce nous le montre. La dette ne se rembourse pas par l’austérité, mais par la prospérité. On comprend mieux ainsi la réaction de l’Italie face à l’UE. Contrairement à nous, les italiens sont en train de comprendre d’où vient le mal !
 
Penser et vouloir diminuer la dette par l’austérité

C’est comme vouloir sortir de l’enlisement

En essayant de s’appuyer sur ses bras

Alors qu’on vous appuie sur la tête.

Sortons-nous de l’UE et de l’euro

Et imitons ceux qui réussissent !
Claude Trouvé
31/10/18