mercredi 6 février 2019

L’Armée légaliste au service de la Constitution ou de Macron ?

Malgré la manipulation des chiffres du nombre de manifestants Gilets Jaunes, ceux-ci ne cessent de mettre le pouvoir en question. Le grand débat de Macron se perd dans une foule de questions d’importances diverses, si nombreuses qu’elles font perdre l’essentiel des revendications exprimées par ceux qui ont provoqué la réaction du pouvoir par ce Débat National qui tourne à la campagne électorale, sans encore entamer les heures allouées pour se faire par le CSA, et de plus aux frais du peuple. La CGT a déclenché une grève générale qui s’attaque aux ports et aux raffineries, poumons économiques du pays. Cette vraie collusion est un pas très important dans la lutte. Si cette journée marque une certaine réussite, le mouvement syndical dans son ensemble va se mettre en marche. Le climat insurrectionnel va s’amplifier et mettre le pouvoir devant l’épreuve de force. La loi anticasseurs, votée malgré l’abstention de 50 députés LREM, montre que l’opposition protège finalement le pouvoir et le Système. Elle refuse de comprendre et d’accompagner réellement ce mouvement de révolte qui stupéfie le monde entier et se contente de discours pour son électorat.

Un document circule sur internet listant les 13 puis 15 manquements au respect des articles de la Constitution par Emmanuel Macron. Il est consultable sur le site upr.fr. Ce document est très argumenté même si tous les arguments n’ont pas le même poids et si certains peuvent être contestés par des spécialistes de la Constitution. Mais ils ne peuvent pas être tous rejetés par les députés qui ont été contactés et qui ont reçu de nombreuses lettres de citoyens avec le dossier joint. Dans l’Etat actuel de l’Assemblée, on sait que la procédure qui peut être déclenchée par plus d’une soixante de parlementaires n’ira pas jusqu’au bout mais un tel évènement de simple lancement d’une procédure de destitution, obligeant le Président à venir s’expliquer devant une commission de parlementaires, aurait une répercussion internationale énorme. Apparemment un seul député LR a donné son accord. 

Ma députée m’a écrit pour, non pas contester les manquements de Macron aux articles d’une Constitution dont il est le garant et donc l’image physique, ce qui serait tout-à-fait recevable, mais pour me dire que cette action ne lui semblait pas adéquate ! Les bras vous en tombent. Elle reflète l’état lamentable dans lequel se trouve l’ensemble des partis de l’opposition qui ne souhaitent qu’une chose, se refaire une santé auprès des électeurs et conserver le Système en l’état. Ils ne demanderont pas la dissolution de l’Assemblée Nationale dans une union forte de protestation pensant y avoir peut-être plus à y perdre qu’à y gagner. D’ailleurs Macron ne s’y engagera pas non plus. Les partis d’opposition sont englués dans un statu quo et dans le confort du rêve européen qu’il s’agit seulement de remettre au goût du jour. Les piteux résultats économiques de Macron et la colère du peuple ne les fait toujours pas renverser la table dans une union protestataire faisant fi des anciens clivages. Pour eux l’UE est protectrice de l’ordre établi et leur souci se limite à avoir une tête de liste pour les Européennes. Leur programme se résume ainsi : « Pour une autre Europe ».


Peu importe qu’ils ne soient pas d’accord sur cette nouvelle Europe, il s’agit seulement de profiter du rêve européen martelé dans les têtes depuis plus de 30 ans et de l’attachement au sacrosaint euro dont la vertu d’achat et de vente facile à l’étranger ne concerne en gros que les départements frontaliers et les entreprises exportatrices. Alors peu importe que le peuple soit contraint à l’austérité par les directives économiques de l’UE, sur le recul sociétal de la loi travail, la suppression de l’ISF pour les spéculateurs, l’augmentation des taxes sur le carburant, le gaz, l’électricité en cours et à venir en août, le blocage et la ponction des retraites, etc., etc. Peu importe l’euro trop cher pour la compétitivité française, et l’essai avorté de redressement par des dizaines de milliards donnés aux entreprises, l’urgence des partis est leur survie. Macron méprise le peuple, les partis d’opposition l’ignorent dans leurs actes. La crise d’autoritarisme du Président qui pense à une presse entièrement dévouée à son action, et qui se demande s’il ne faut pas faire contrôler les réseaux sociaux par les grands opérateurs avec lesquels la levée du contentieux sur les impôts peut trouver une solution gagnant-gagnant.

Les sévices sur les manifestants se multiplient et la France, qui se gausse d’être le pays de la Liberté, affiche une répression dotée des armes les plus meurtrières des pays démocratiques. Alors une question de légitimité se pose désormais. J’ai noté avec le sourire la réponse du Président Maduro du Venezuela à l’ultimatum de Macron lancé contre lui pour l’organisation d’élections législatives avec une date limite avant-hier soir. La réponse de Maduro est cinglante et non dénuée d’humour : « Commencez à organiser des élections présidentielles en France, avant de vous occuper des affaires internes du Venezuela ». Les médias ne se sont pas faits l’écho de la réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU du 26 janvier dernier, réunion au cours de laquelle une intervention de l’ONU sur le Venezuela a été exclue par 19 voix sur 35 au profit d’une recommandation de règlement interne à l’amiable. Autrement dit la position de la France, une fois de plus après l’intervention illégale en Syrie, ne respecte pas le traité qui nous lie à l’ONU. Or le Président Macron est constitutionnellement celui qui a en charge le respect des traités.

Si le Président viole la Constitution sans en référer ni au peuple, ni à ses représentants, si le Président utilise une force policière pratiquant une répression plus meurtrière que nécessaire, qu’en pense notre Armée ? L’Armée est légaliste et l’ancien Chef d’Etat-Major Pierre De Villiers a accepté son renvoi sans « moufeter ». Mais des généraux à la retraite commencent à s’exprimer, et pas des moindres, sur la tournure des évènements. Il se dit dans le monde des journalistes que des généraux en activité regardent avec inquiétude l’installation d’un régime autoritaire. Je suis fondé de penser que la question de la soumission de l’Armée à la fonction Présidentielle finit par entrer en contradiction avec celle à la Constitution Française, véritable fondement de la République définissant les droits et les devoirs du Président. N’oubliez pas que le Général De Gaulle lui-même, devant la tournure insurrectionnelle de mai 68, est allé consulter le Général Massu, figure emblématique de la Guerre d’Algérie, pour savoir si l’Armée le confortait ou non dans son rôle de représentant de la Constitution Française, donc toujours de représentant du peuple.

N’oublions pas que dans un climat insurrectionnel l’Armée a un rôle à jouer dans la protection des lieux de pouvoir et de ses représentants, ainsi que des moyens de communication. Sans l’Armée le pouvoir n’est plus rien. Les chars bloquent l’accès aux médias, l’Elysée est encerclé, les avions militaires sont cloués au sol. Pour le Président c’est la démission ou la fuite à Varennes. De Gaulle l’a fait vivre à la France par un coup d’Etat armé et le CNR, pour la délivrer de l’emprise allemande puis américaine… Plus personne ne sait où va la France mais l’Armée est toujours un dernier recours quand l’existence même du pays est en danger. Pour l’instant les français, dans leur majorité, ne l’ont pas encore compris. Mais les signes avant-coureurs se multiplient et ceux qui ont de l’âge ont aussi des références historiques vécues pour sentir le basculement de ce pays dont le ressort révolutionnaire est sans égal dans le monde. La fracture entre les nantis et les autres est béante et le sang a commencé à couler. D’un côté il y a ceux qui vivent bien et pensent le devoir à l’UE, de l’autre il y a ceux dont la vie est précaire, voire insupportable, qui affichent leur haine d’un pouvoir méprisant et répressif et commencent à comprendre que ce n’est que le masque de l’UE aux mains de la Grande Finance et des multinationales.


L’heure des grands choix et de la légitimité du pouvoir 

Est arrivée avant un printemps de la révolution jaune.

La Constitution est encore le socle légal du peuple. 

Avant de la changer il faut la faire respecter.

L’Armée a désormais un rôle à jouer 

Par la persuasion ou les armes,

Si elle renie l’OTAN et l’UE.


Claude Trouvé

05/02/19