mercredi 13 février 2019

Croissance française en berne et manipulation des chiffres

Le gouvernement se livre à une manipulation des chiffres de la croissance qui jette un voile sur la croissance réelle française. Cela mérite d’être expliqué pour ne pas laisser l’impression que tout va bien. Le gouvernement a publié récemment une croissance de 1,5% pour 2018 alors que juste avant l’UE publiait par Eurostat une croissance de 1,2% pour la Zone euro. Au vu de ces chiffres on pourrait penser que la France fait mieux que la zone euro. J’ai pour ma part publié la croissance annuelle de quelques pays européens pour lesquels Eurostat avait publié les PIB trimestriels en volume (désaisonnalisés et corrigés des effets de calendrier) dont ceux de la France. Ce sont ces PIB qui servent aux publications des croissances des pays. Ils sont plus réalistes que les PIB en euros courants car ils tiennent compte de l’inflation.
 
La croissance annuelle 2018 de 1,2% publiée pour la zone euro par Eurostat est calculée à partir des croissances trimestrielles de 2018. Le même mode de calcul donne une croissance de 0,92% pour la France ! Alors pourquoi la France annonce-t-elle une croissance de 1,5% ?  C’est ce que je vais expliquer le plus simplement possible. En fait il y a deux façons de calculer la croissance mais elles ne sont pas équivalentes. La première consiste à calculer après chaque trimestre la croissance par rapport au trimestre précédent autrement dit le rapport du PIB d’un trimestre par rapport à celui du trimestre précédent. Chaque trimestre la France fait connaître ce chiffre aux français. Elle a officialisé par exemple une croissance de 0,2% pour le 1er trimestre 2018 ou 1,002 fois le PIB du trimestre précédent. La multiplication de ces chiffres de rapport sur les quatre trimestres donne la valeur de la croissance annuelle. Ce sont bien les 1,2% pour la zone euro et 0,92% pour la France. Ces deux valeurs sont cohérentes entre elles.


Il existe une autre façon de calculer la croissance annuelle, c’est tout simplement de calculer le rapport du PIB total 2018 et du PIB total 2017. Par ce calcul on obtient une croissance de 1,54% pour la France. Les deux chiffres sont valables mais alors pourquoi sont-ils différents ? Tout d’abord il faut s’entendre sur la méthode calcul. Or il semble que l’UE publie des chiffres avec la 1ère méthode et la France avec la seconde. C’est une anomalie grave qui jette la confusion dans les esprits. Si la France fait partie de l’UE, elle devrait publier avec la même méthode que l’UE. Par ailleurs ces chiffres sont différents parce qu’ils ne sont pas liés à la même période de temps. La première méthode donne la croissance réelle de 2018, la seconde la croissance entre la moyenne du PIB de 2018 et celle de 2017. C’est un peu comme si on regardait la croissance sur une année glissante entre juin-juillet 2017 et juin-juillet 2018. On a un décalage d’environ six mois. Quelles sont alors les conséquences sur l’interprétation des chiffres ? 

La première est que l’on ne peut pas comparer le 1,5% de croissance annoncé par la France et le 1,2% publié par Eurostat pour la zone euro. La France leurre ainsi les français en laissant à penser que la France fait mieux que la zone euro, ce qui n’est pas le cas. Si la croissance de la zone euro est calculée selon la seconde méthode, elle est alors de 1,84% donc supérieure à la croissance française. La publication d’Eurostat avec la première méthode est celle qui donne la croissance réelle sur l’année 2018. Alors le graphique ci-dessous donne les croissances calculées à partir des données publiées à ce jour sur Eurostat pour 7 pays plus l’UE et la Zone euro selon les deux méthodes. 


On voit que les chiffres sont très différents pour l’Italie, la France, la Zone euro, l’UE, et l’Autriche. Pour ces pays ou ensemble de pays la croissance réelle est inférieure à celle sur une année à cheval sur 2017 et 2018. Autrement dit ces pays sont en perte de croissance nette. L’Italie se dirige vers la récession et la perte de croissance sur la zone euro est spectaculaire. La France est en perte nette de croissance et cela est encore plus visible si on calcule l’année 2017 avec la première méthode qui donne une croissance 2017 de 2,82% à comparer au 0,92% de 2018. C’est une chute vertigineuse qui peut conduire à la récession en 2019 ! Si l’UE et la Zone euro sont en perte de croissance, ce n’est pas le cas pour la Lituanie et pratiquement pas le cas pour l’Espagne, le Royaume-Uni et la Norvège. Ceci montre, s’il fallait encore le démontrer, que l’euro ne nous protège pas plus que l’UE, puisque le Royaume-Uni a la Livre et que la Norvège n’est pas dans l’UE. 

La France veut pavoiser avec 1,5% de croissance et montrer qu’elle s’approche de sa dernière prévision de croissance à 1,6% mais la réalité est beaucoup plus dure si l’on s’intéresse à la croissance réelle des pays représentés ici. Le graphique ci-dessous donne les valeurs de croissance réelle du PIB en 2017 et 2018 (1ère méthode).

On constate la bonne performance relative de la France en 2017 par rapport à la zone euro et à l’UE et en même temps la chute la plus inquiétante en 2018 avec une perte de -1,90% ! Contrairement à ce que l’on pouvait conclure à partir du graphique précédent, l’Italie ne perd que 1,5% comme la Zone euro mais sa croissance la conduit bien à la récession. La perte importante de la Zone euro signifie très probablement une perte importante de l’Allemagne mais je ne dispose pas des chiffres du 4ème trimestre de ce pays. On peut en faire une évaluation prévisionnelle en prenant la croissance entre le 3ème trimestre 2017 et le même en 2018, on trouve une croissance de 1,16%, valeur probablement optimiste. Le couple franco-allemand est donc en perte de croissance. Ceci va jouer sur la politique économique de ces deux pays et sur leurs relations bilatérales, comme on vient de le voir avec le traité d’Aix-la-Chapelle. 

Alors que les discussions sur le Brexit sont encore en cours avec une sortie néanmoins actée dans les faits quelle que soit la date réelle ou l’accord conclu ou non, le Royaume-Uni montre qu’il a mieux résisté que la France à la baisse générale de croissance. La Livre n’a pas été un handicap et on peut faire la même réflexion pour la Norvège où être hors de l’UE est plutôt bénéfique dans la résistance à la décroissance européenne. Si l’Espagne s’en tire bien c’est sans doute à une politique mieux adaptée que la nôtre car elle montre en plus une baisse nette du chômage. En conclusion la France cache encore par une manipulation des chiffres sa perte de croissance économique mais le masque va tomber d’une façon terriblement cruelle en 2019 car on ne peut le cacher bien longtemps encore. Les promesses tout azimut de Macron sur des points de détail masque, d’une part la non-réponse à l’appel des gilets Jaunes pour une démocratie beaucoup plus participative et un rejet de l’UE donc de son représentant Macron, et d’autre part de l’impossibilité de répondre à toutes les aspirations corporatives issues du Grand Débat National. En effet la croissance en berne ne peut que conduire à une augmentation du déficit budgétaire, ou (et) à une politique d’austérité encore plus dure sur les citoyens à base de dégradation des prestations sociales et du service public, de vente de patrimoine, de dénationalisation, de transfert d’une poche dans une autre comme la CSG sur les retraités, d’augmentation de l’âge de départ à la retraite, de baisse des pensions et de creusement des inégalités dans une politique de l’offre mortelle en cas de faible croissance.
 
La récession ou presque pend au nez de la France dès 2019 

L’UE et la Zone euro non seulement ne nous protègent pas

Mais ils nous enfoncent dans une spirale mortelle 

Dans laquelle l’Allemagne tente de s’échapper

En élargissant sa puissance sur la France. 

Dans l’UE, le RIC est une chimère.

Sortons vite pour sauver 

La démocratie et

Notre pays !


Claude Trouvé 
13/02/19

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire