mardi 12 février 2013

Un pape broyé entre des mondes hostiles

Le retrait volontaire de sa charge de Benoit XVI est un évènement important pour le catholicisme mais aussi pour la géopolitique mondiale. La France est dite la fille aînée de l’Eglise même si cette appellation a de moins en moins de sens. En remontant jusqu’aux fondations de la France, il apparaît que celle-ci n’a pas été rendue possible sans Clovis. En ce sens, le catholicisme apparaît bien comme la religion nationale de la France, et la laïcité le résultat d’un processus d’émancipation. On peut défendre la laïcité et reconnaître dans le même temps que la religion catholique fait partie des fondements de la nation française. Inversement la laïcité fait partie de la construction identitaire française.
L’ambiguïté fondamentale du Vatican tient au fait qu’il est à la fois une autorité religieuse et un pouvoir souverain, c’est-à-dire un Etat qui n’est pas l’Eglise catholique romaine donc soumis à un double impératif. Il lui faut à la fois d’une part défendre les valeurs morales et spirituelles du catholicisme romain et d’autre part entretenir de bonnes relations diplomatiques avec tous les Etats, y compris avec ceux qui sont de religion et de système politique différent.
Comme toutes les politiques étrangères, celle du Vatican est en fait traversée par des courants divers. Vis-à-vis de l’Europe, sa politique peut apparaître fédéraliste pourtant Jean-Paul II, en particulier, a exprimé son attachement à la souveraineté des nations. L’évolution actuelle en Eurasie est à un recul de la chrétienté, de même en Afrique noire où l’Islam remplace l’influence occidentale. On le vérifie aujourd’hui au Mali. Mais Jean-Paul II savait que pour l’Eglise catholique, la transformation de l’identité américaine, avec la montée démographique des hispaniques catholiques, serait un enjeu dominant dans les décennies à venir.
Benoit XVI a donc dû faire face à de grands défis géopolitiques. En Eurasie le catholicisme reste fortement associé à l’impérialisme occidental dans de nombreux pays qui résistent comme le monde orthodoxe après le schisme historique. Ramener les Eglises orientales vers Rome est une stratégie d’unification lancée par Jean-Paul II. Le catholicisme ne progresse pas en Chine et en Inde et il est extérieur à la culture nationale dominante. L’Inde s’identifie au bouddhisme, à l’hindouisme et à l’islam. La Chine confucéenne et bouddhiste, pétrie de communisme, compte entre 10 et 20 millions de catholiques dont la moitié sont clandestins dans une Eglise du Silence.
Les Etats-Unis voient une compétition entre l’hispanisation favorable au catholicisme et la grande tradition historique protestante. L’Amérique latine, bastion traditionnel de la ferveur catholique, est aujourd’hui confrontée au défi des Eglises évangéliques venues des Etats-Unis. Ces dernières investissent aussi l’Afrique du Sud où 80% des chrétiens noirs appartiennent au pentecôtisme. Ce déferlement est la résultante de la mondialisation du libéralisme américain et son pendant religieux.
La vigueur de l’islam est le grand défi pour le catholicisme du XXIème siècle. Il faut d’ailleurs sauver les Jacobites, Coptes, Arméniens et maronites libanais. En Afrique sub-saharienne, les fractures ethniques qui rendent instables les Etats sont souvent aggravées par la fracture entre musulmans et chrétiens. Le Soudan en est un exemple récent où les chrétiens noirs du sud s’opposent aux musulmans arabes du nord. Le catholicisme, au contraire de l’islam (ancré sur l’Arabie Saoudite, l’Iran, la Turquie, le Maroc, etc.) ou du libéralisme américain, ne s’appuie pas sur une puissance temporelle.
L’Europe, bastion de la laïcité, du choix de valeurs matérialistes plus que spirituelles et en perte d’influence mondiale, n’offre plus l’ancrage nécessaire à l’expansion du catholicisme. La France, après d’autres pays européens, remet en cause la culture chrétienne dans ses rapports sur le respect de la vie, des institutions et dans les limites d’un comportement fortement individualiste.
Le défi du prochain pape est immense dans un monde où le matérialisme et l’individualisme repoussent toujours plus loin la spiritualité, les règles de comportement et les interdits.
Mondialisme, recul de la spiritualité en Europe, avancées d’autres religions,
Le monde se divise en pôles qui transgressent les découpages étatiques.
Il rend colossale la tâche papale et les guerres plus probables.
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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