samedi 28 avril 2012

Le "vrai travail" et une "vraie" polémique !

Le président-candidat a eu une phrase malheureuse car mal interprétable et évidemment mal interprétée dans une période où l'on cherche la polémique même si elle n'a pas lieu d'être. Elle avive un débat gauche-droite d'un autre âge, vu le contexte économique mondial dans lequel la France essaie de survivre. La plus belle façon d'illustrer les débats inutiles est d'en publier un extrait que la phrase de Sarkozy a suscité :

Le “vrai” travail ? Celui des 650 accidents mortels, des 4500 mutilés du travail ? Celui des droits violés et des heures supp' impayées ?
Oui sauf qu’il y a plus d’accidents et de mutilés du « loisir ». Quant aux patrons tricheurs il y en aura toujours comme des salariés voleurs. Ils doivent être dénoncés et punis comme le veut la loi.

Le « vrai travail » ? Celui des maladies professionnelles, amiante, TMS, surdité, cancers, qui augmentent, sont sous-déclarées, sous réparées.
Oui ce peut être le cas mais on ne peut en profiter pour généraliser. L’inspection du travail et les commissions d'hygiène et sécurité des entreprises existent pour cela et sont très vigilantes. La justice est souvent sollicitée.

Le “vrai” travail ? 150 000 accidents cardiaques et 100 000 accidents vasculaires par an dont entre 1/3 et 50 % liés au travail...
C’est une affirmation gratuite et invérifiable, la part des choses due à l'emploi étant ni certaine ni évaluable la plupart du temps.

Le “vrai” travail ? Celui des mini-jobs, des stages, des emplois saisonniers atypiques, des 3 X 8, des 4 X 8, des intérims et CDD répétés ?
Les travaux sous des horaires spéciaux sont beaucoup mieux rémunérés et souvent choisis par le salarié. Les stages de formation sont souvent bidons et servent à cacher un manque de travail réel.

Le "vrai" travail ? Celui des millions de travailleurs pauvres qui n'arrivent pas à vivre avec leurs salaires ?
L’augmentation des salaires ne dépend pas que de l’Etat et des entreprises, il est lié aussi à la croissance. Cela n’a aucun rapport avec la polémique sur le « vrai » travail.
 
Le "vrai" travail ? Celui du milliard d'heures supplémentaires non déclarées, non majorées, non payées attribuées à ceux qui ont un boulot au détriment de ceux qui n'en ont pas ?
Sur quelle statistique ou étude s’appuie le chiffre de 1 milliard ? Les syndicats sont là pour signaler les cas d’abus. Qui peut prouver que les heures supplémentaires enlèvent du travail à ceux qui n’en ont pas ? Qui peut prouver que les 35 heures ont redonné du travail à ceux qui n’en ont pas ?

Le « vrai » travail ? Celui des femmes qui gagnent 27 % de moins que les hommes ?
Oui mais ceci doit être corrigé du fait que les emplois dans lesquels travaillent les femmes sont en moyenne d’une qualification inférieure. L’évolution est en marche pour le « travail égal, salaire égal »

Le « vrai » travail ? Celui des jeunes à 25 % au chômage et à 80 % en CDD ?
La France n’a pas démérité pendant la crise, elle est dans la moyenne européenne. On attend de voir ce que fera le prochain gouvernement sur ce point. On peut parier que ce ne sera pas mieux.

Le « vrai » travail ? Celui des seniors licenciés, 2 sur 3 a partir de 55 ans et qui ne peuvent cotiser que 35 annuités alors que 42 sont exigés dorénavant pour une retraite décente ?
Beaucoup d’entre eux sont partis avec une indemnité de départ, comme moi.

Le "vrai travail" ? Celui des restaurateurs dont 1 sur 4 utilisent des clandestins, non déclarés dans le fond de leur cuisine ?
S’il y avait plus de clandestins renvoyés dans leur pays, il y aurait moins d’abus.

Le “vrai” travail ? Celui des exploitants agricoles qui tuent des inspecteurs du travail pour pouvoir abuser d'immigrés clandestins ?
Combien de cas en France ? Il y aura toujours des fous et la justice est là pour les punir. Le remède est aussi de débusquer les clandestins et de les renvoyer humainement chez eux s'ils sont là pour raison de survie économique.

Le “vrai” travail ? Celui des beaufs de la CG-PME, des cadres casques oranges de chez Bouygues, des marchands de manœuvre appelés « viande » ?
Heureusement qu’il y a des cadres et des PME sinon il n’y aurait pas de travail du tout sauf chez les fonctionnaires et encore.

Le “vrai” travail ? "La vie, la santé, l'amour sont précaires pourquoi le travail ne le serait-il pas ?" (Parisot)
C’est pourtant une vérité. Le travail assuré quoiqu’il arrive ne peut l’être que pour les fonctionnaires où la concurrence n’existe pas.

Le “vrai” travail contre le droit du travail ? Le pauvre exploité qui sue et se tait, la dinde qui vote pour Noël !
A Singapour, les jeunes remercient l’employeur de leur donner du travail (du vécu), c’est pourquoi le niveau de vie là-bas a dépassé le nôtre. Il n’y a pas « exploité et exploitant », il y a « donnant-donnant ».
Le “vrai” travail ? Celui qui ne fait jamais grève, qu'on ne voit jamais manifester, qui n'est pas syndiqué, qui piétine son collègue ?
L’état de syndiqué n’est nullement obligatoire et celui qui ne fait pas grève n’a pas à recevoir l’opprobre de ses collègues, pas plus que l’inverse. Le syndicalisme n’est pas blanc et des affaires récentes sont là pour le montrer (utilisation abusive de l’argent de l’employeur, détournements de fonds, etc.). Par ailleurs le représentant syndical travaille moins que les autres pour l’entreprise et bénéficie d’un statut particulier.

Le « vrai » travail ? Celui sans délégué du personnel, sans comité d’entreprise, sans CHSCT, sans institution représentative du personnel ?
Qui a émis l’idée de les supprimer ? Le Comité d’entreprise a un poids considérable dans le fonctionnement de l’entreprise. Son avis prime souvent sur celui des proches collaborateurs du patron. Ces institutions exercent un vrai travail de contrôle.

Le “vrai” travail ? A France Télécoms, des dizaines de suicides, faute inexcusable du patron de combat qui licencie, stresse, vole, tue
La course à la compétitivité, à la productivité en sont la cause certes. Toutefois le passage aux trente cinq heures, payées trente-neuf, a poussé les employeurs à demander le même travail dans un temps réduit. Cela n’a rien arrangé sur ce point. L’embauche est toujours un acte risqué pour lui car il s’engage durablement et ne peut pas facilement licencier.

Le “vrai” travail ? Les travaux les plus durs sont les plus mal payés, bâtiment, restauration, nettoyage, transports, entretien, industries
L’arrivée des immigrés sans qualification a poussé ceux-ci à prendre ces travaux pour des salaires faibles qui ont tiré ceux-ci vers le bas encore plus.

Le « vrai » travail ? Celui des 900 000 foutus dehors par « rupture conventionnelle » de gré à gré sans motif et sans mesure sociale ?
Gré à gré a un sens non ? Cela veut dire que cela valait sans doute mieux qu’un licenciement sec ou un licenciement économique.

Le « vrai » travail ? Celui des auto-entrepreneurs, un million en théorie, la moitié en réalité, qui se font exploiter comme faux salariés, à bas prix et sans protection sociale ?
Beaucoup d’entre eux trouvent là une possibilité de créer une entreprise qui leur permettra de vivre comme ils le souhaitent. Sans être une panacée, cette mesure a eu du succès et ce peut être de futurs employeurs.

Le “vrai” travail ? Celui qui bosse dur pour survivre misérablement ou celui qui exploite dur les autres pour vivre dans des palais dorés ?
Que certains gagnent trop par rapport au travail fourni est une question d’appréciation. On entend même cela chez les salariés de base entre eux. La tonte des riches n’a jamais fait le bonheur des pauvres. S’il n’y a plus de riches, il y aura beaucoup plus de pauvres. Le vrai problème est que les pauvres soient moins pauvres.

Le “vrai” travail ? Celui des actionnaires, des rentiers, des riches, des banksters du Fouquet's qui gagnent 600 SMIC par an en dormant ?
Il faut des actionnaires, le monde économique ne peut marcher sans eux.  Il faut surtout une économie en bonne santé. C’est ainsi que le salarié suisse est peu au chômage et gagne plus que le salarié français. Pourtant il y a chez eux des banquiers très riches.

Le « vrai » travail, celui de Maurice Levy patron qui se ramasse 16 millions d’euros d’argent de stocks option de poche pillés sur les richesses produites par les salariés.
Cela peut paraître indécent mais les patrons en Allemagne et aux États-Unis gagnent encore plus d’argent. Ces grands patrons sont demandés dans le monde entier pour leurs qualités et iront où ils gagneront le plus. Ce qu’on leur demande surtout c’est de faire croître leur entreprise. Le scandale c’est quand ils touchent beaucoup et que l'entreprise périclite parce qu’ils ont mal fait leur travail de manager.

Le « vrai » travail ? celui de Molex, de Sea France, de Gandrange et Florange, de Continental, de Lejaby, de Pétroplus, des Fonderies du Poitou, de toutes celles et ceux qui ont du se battre pour le garder ?
Malheureusement cela existe depuis les mineurs dans le charbon qui se sont retrouvés tous au chômage ou en retraite anticipée. La délocalisation de nos entreprises est due à la disparité des charges salariales et environnementales qui pèsent sur les entreprises dans un contexte de mondialisation sans contrainte voulu par l’UE. L’urgence est de recréer de l’emploi, pas forcément dans les entreprises en difficulté.

A quoi sert de s'entredéchirer dans un débat de syndicaliste contre le patron, à la mode française et non allemande ? Le véritable enjeu c'est bien un "vrai emploi" donc productif ou indispensable au bon fonctionnement des tâches de l’État. Il convient de vérifier que la croissance, génératrice de richesse, se traduise par une augmentation de la rémunération des travailleurs en rapport avec celle-ci, ni trop ni trop peu. 

Qu'est-ce que la justice sociale sinon un mot vide de sens ? Elle n'existera jamais. Peut-on prétendre qu'il n'y aura jamais de SDF ? Peut-on prétendre que tout le monde pourra se faire soigner par les plus éminents médecins ou chirurgiens du monde ? Évidemment non. Par contre c'est justice qu'un travail soit rémunéré à sa juste valeur par rapport à la croissance du pays et c'est justice que la solidarité nationale joue pour les plus pauvres de façon à leur permettre de se loger, de se chauffer, de se vêtir, de se nourrir et de se soigner.

Il aurait fallu, durant cette campagne sortir de ce dialogue inutile quand le monde économique attend la France au tournant, quand le peuple ne peut choisir son destin entre deux candidats qui ne lui demandent pas son avis sur l'Europe qu'il veut, ses frontières, son organisation fédérale ou confédérale, sur la mondialisation ou la démondialisation. Le peuple français est le prisonnier des énarques et des marchés à qui ceux-ci ont volontairement donné les rênes.

La France ne va pas vers le changement
Mais vers l'entêtement.

Les français sont encore des moutons que l'on tond
Et qui, comme ceux de Panurge, suivent vers le précipice...

Plus pour longtemps sinon gare à la chute !

Claude Trouvé