dimanche 23 décembre 2018

Que penser de notre pouvoir d’achat ? (Suite)

L’article précédent a présenté la comparaison du SMIC par rapport au PIB/habitant pour la plupart des pays de l’UE en 2015 suivant les dernières données fournies par Eurostat. Le graphique ci-contre présente l’évolution de ce rapport de 2006 à 2017. Le SMIC et le PIB/habitant étant pris en euros courants, le rapport est indépendant de l’inflation. Si la France apparaissait dans le groupe de tête des pays européens sur la valeur de ce rapport en 2015, il est clair qu’il s’est détérioré jusqu’à la crise de 2008 et qu’il diminue de nouveau depuis 2014. S’agit-il pour ce rapport d’une augmentation du PIB/habitant ou d’une diminution du SMIC ?
 
Le graphique ci-contre répond à cette question. Dans la période 2007-2017, l’augmentation du SMIC n’a été qu’une fois supérieure et de très peu à celle du PIB/habitant, en 2014. Le PIB/habitant n’a plus retrouvé une telle augmentation de 2007 les années suivantes. 2009 se caractérise comme la seule année de décroissance du PIB/habitant et de la plus forte hausse du SMIC. Cela s’est traduit par le plus grand écart en faveur du SMIC de la période. On notera qu’il s’en est suivi un retour important de la croissance du PIB/habitant en 2010 et 2011. Cela montre que la hausse du SMIC peut avoir des effets positifs sur la croissance. Mais c’est en 2017 que l’on retrouve le même niveau du PIB/habitant qu’en 2010 et 2011 après des années de faible croissance. 2017 est aussi l’année où le décalage entre la variation du SMIC et celle du PIB/habitant donne le plus écart défavorable au SMIC. Ceci n’est pas complètement étranger au mouvement actuel des gilets jaunes. On voit que depuis 2014 la part de la croissance du PIB/habitant se répercute de moins en moins sur celle du SMIC.

Mais la variation du SMIC représente-t-elle l’évolution de l’ensemble des salaires ? Ce n’est pas vraiment le cas sur ce graphique. Si l’année 2009 montre une dégradation assez similaire du PIB/habitant et de l’ensemble des salaires, et si les années 2007-2010-2011 montrent une augmentation comparable du SMIC et du PIB/habitant, ce n’est pas le cas pour les autres années… Pour celles-ci soit l’augmentation de l’écart SMIC-PIB/habitant est beaucoup plus importante, 2015 excepté, soit elles voient une diminution de la variation des salaires. Les années 2014 à 2017 sont particulièrement intéressantes à étudier au vu des mouvements sociaux de 2018. En 2015, les salaires ont augmenté exceptionnellement beaucoup plus que le PIB/habitant au contraire des trois autres années. L’augmentation des salaires en 2015 est un vrai coup de pouce à la consommation dont on voit les effets sur la croissance du PIB/habitant en 2016 et 2017.

On a vu que les évolutions annuelles du SMIC, des salaires et du PIB/habitant pouvaient évoluer très différemment les uns des autres selon les politiques socio-économiques pratiquées. On peut se focaliser sur les évolutions du SMIC et des salaires qui devraient suivre des évolutions assez semblables pour ne pas créer d’inégalités sociales. Le graphique ci-joint montre qu’en dehors des trois années 2009-2012-2013, l’évolution du SMIC est toujours inférieure à celle de l’ensemble des salaires. Mais à partir de 2014, l’évolution du SMIC est de plus devenue inférieure à celle du PIB/habitant. 

Dès lors on peut voir que la situation s’aggrave par rapport à la richesse produite par habitant de 2014 à 2017 pour le SMIC. Si l’on ajoute le fait que l’inflation est de 1,5% sur les 3 premiers trimestres de 2018 alors que l’augmentation du SMIC n’était que de 1,24% jusqu’en octobre, on a les ingrédients d’une révolte populaire sur air de creusement des inégalités et de baisse du pouvoir d’achat. Or l’année 2018 pose un problème de même nature qu’en 2009, la croissance sur les 3 premiers trimestres est de 0,76%, donc bien aussi en-dessous de la hausse du SMIC, celui-ci ayant d’ailleurs été rehaussé en octobre. Il en résulte que la croissance devient insuffisante pour donner le coup de pouce nécessaire au maintien du pouvoir d’achat constant hors inflation. La satisfaction de la révolte des gilets jaunes ne peut que se traduire par un endettement supplémentaire du pays et des hausses de taxes, car il est trop tard pour faire un nouveau bond dans l’austérité.

La dispendieuse politique de sauvetage de la planète est en train de prendre ce gouvernement à son propre piège car elle a inculqué aux citoyens un sentiment d’urgence qui ne veut pas être ni oubliée ni même retardée. Le déficit budgétaire 2018 sera déjà largement au-dessus des prévisions budgétaires basées sur une croissance de 1,7%. Les 0,76% atteints fin septembre ne laissent espérer qu’une croissance à 1% pour 2018 contrairement aux dernières prévisions à 1,5% de l’INSEE lors de la rentrée, soit un déficit supplémentaire de l’ordre de 9 milliards. Les prévisions de croissance pour 2019 ne cessent de baisser pour les Etats-Unis et l’Europe. Les promesses faites aux gilets jaunes, qui ne règlent que très partiellement le pouvoir d’achat mais creuse les inégalités, entraînent la France dans une démesure et une irresponsabilité qui va faire sombrer le pays. Le déficit de 2018 risque d’atteindre les 3% du PIB et celui de 2019 est en voie de les dépasser à 3,2% avec une dette qui va atteindre les 100% du PIB. Seul pays à dépasser les 3%, la France va devenir le pays malade de l’UE. Le Commissaire allemand au Budget européen demande déjà contre la France le lancement d’une procédure pour déficit excessif.

La notion de pouvoir d’achat vu par l’INSEE tient pour beaucoup à la mesure de l’inflation, elle-même liée aux produits pris en compte dans le calcul. On peut en avoir une autre approche par les dépenses de consommation. Le graphique ci-contre donne une vue de la variation de la consommation de 2007 à 2017. Comme les dépenses et le PIB/habitant sont pris chaque année en euros courants, l’inflation ne vient pas troubler notre appréciation. La comparaison avec les autres pays n’est pas très favorable à la France puisqu’elle affiche une légère baisse de ce pouvoir d’achat sur l’ensemble des consommateurs alors que le PIB/habitant a crû de plus de 1%. Elle est même en retard sur les ensembles de pays de la zone euro et de l’UE. L’Allemagne et l’Espagne sont les deux grands pays qui s’en tirent le mieux. Les pays se dispersent autour d’une redistribution moyenne donnant 0,5% de croissance des dépenses de consommation pour 1% de plus sur le PIB/habitant. Il est néanmoins clair que les consommateurs français profitent de moins en moins de la croissance. 

La conclusion est que le pouvoir d’achat des français diminue alors que la part de richesse qui revient vers eux diminue et que ceci impacte de plus en plus les bas salaires. L’Etat en 2018 se trouve dans l’incapacité d’y porter remède sans creuser le déficit et la dette avec les 9 milliards qui vont manquer. Non seulement en 2019, cette perte ne sera pas compensée mais c’est 10 milliards nouveaux qui vont grever le déficit, par suite des ajustements socioéconomiques pour apaiser les gilets jaunes. Le budget 2019 est non seulement à revoir pour ces cadeaux mais aussi par les nouvelles perspectives de croissance émises par le FMI et l’UE. Le mouvement des gilets jaunes s’étend dans l’UE, ce qui montre que la politique générale de l’UE conduit la plupart des peuples de l’Ouest et du Sud de l’UE à manifester en particulier dans les pays donateurs au budget de l’UE. C’est donc la politique ultralibérale et multiculturelle de l’UE qui est en cause. Elle se concentre sur le refus d’être, pour la plupart des classes populaires, non seulement le réceptacle d’un ruissellement infime de la richesse produite, mais de plus d’être les vaches à lait des plus riches.

En plus l’Etat accélère l’allure vers la faillite avec une balance commerciale de plus en plus déficitaire, un déficit public et une dette en constante augmentation, et en soutenant de plus des objectifs désormais contraires à sa prospérité comme la transition énergétique. Notre appartenance à une UE, qui dirige l’économie française et les dépenses publiques sous la férule allemande, et notre vassalité à l’OTAN, montrent que la France progresse rapidement vers une situation à la grecque. Sortons de l’UE et vite ou acceptons ses conséquences.

Le combat des gilets jaunes sert de révélateur aux élites

Sur une société sans boussole qui s’appauvrit.

La nullité des partis actuels ne résout rien

Les dogmes font la loi et nous aveuglent

Mariant le sauvetage de la planète

Et celui de notre porte-monnaie

En oubliant que rien ne sera

Si l’UE ne l’autorise pas !
Claude Trouvé
23/12/18