mardi 4 septembre 2018

Seule la croissance garantit notre modèle social


L’article précédent a mis le doigt sur un décalage entre les dépenses publiques en pourcentage par rapport au PIB et les dépenses publiques par habitant, et ceci par comparaison avec le Danemark, pays cité en exemple par Macron. Ce constat était apparu dans la comparaison avec des grands pays de l’UE et il convient d’étendre celle-ci sur les pays dont les données sont disponibles dans les bases de données de l’OCDE. Celles-ci sont presque complètement renseignées pour 2016. Le graphique ci-contre montre le pourcentage des dépenses publiques annuelles par rapport au PIB d’un grand nombre de pays, principalement européens. La France est en tête parmi 28 pays dont 4 en dehors de l’Espace Economique Européen, 3 en dehors de l’UE. On pourrait tirer gloire de ce classement sachant que les dépenses sociales en sont une grande partie. Il prouve que la France est attachée à un modèle social qui prône la solidarité des plus riches vers les plus pauvres. Notre pays partage cette orientation politique avec la Finlande, le Danemark et notre voisine, la Belgique. A l’autre extrémité des taux faibles, on trouve paradoxalement les pays européens riches, comme l’Irlande et la Suisse avec les Etats-Unis et le Japon. On voit bien qu’il s’agit d’une orientation politique quand on compare deux pays étant parmi les plus fortes valeurs du PIB/habitant au monde, à savoir la Suisse et la Norvège. Ces deux pays sont pourtant aux antipodes du modèle social.

Mais le but de la redistribution n’est pas la part du PIB qui est consacrée au modèle social mais l’argent consacré par habitant. Cet indicateur donne l’image de ce que nous pouvons espérer comme transfert vers le citoyen dans l’ordre inverse du niveau de richesse. C’est l’accès des plus démunis à l’éducation, à la santé, à la culture, à la prise en charge des handicaps, à la sécurité et la justice pour tous, à la protection de nos richesses nationales comme le patrimoine, etc. C’est aussi les moyens de défense, le maintien et l’évolution de infrastructures. C’est en résumé ce que l’on peut faire avec l’argent du PIB. Il ne suffit pas d’allouer un gros pourcentage du PIB pour cela si ce PIB est relativement maigre. Le graphique ci-contre abaisse nettement notre autosatisfecit de pays donnant les moyens de solidarité les plus importants. Nous ne sommes plus qu’à la 9ème place et plus à la première. Cette fois, ce sont les pays les plus riches, au meilleur PIB/habitant, qui sont en tête. La Suisse en queue de peloton pour le pourcentage de dépenses/PIB est cette fois à la 3ème place. Néanmoins l’orientation politique des pays du Nord, Norvège, Danemark, Islande, Suède, placent ces pays dans les premières places grâce à un PIB/habitant élevé. A contrario les dépenses/PIB montrent la volonté politique de la Hongrie et de la Grèce, mais faute d’un PIB suffisant le résultat est très faible rapporté au nombre d’habitants. Les inégalités ne seront pas corrigées car la solidarité reste un vœu pieux par manque de moyens financiers. 

Autrement dit, cette volonté politique de dépenses publiques existait toujours en 2016, mais le recul relatif de croissance de notre pays érode son résultat financier. Le graphique ci-contre croise les deux indicateurs dépenses/PIB et dépenses/habitant, après avoir retiré les pays extrêmes par leur PIB/habitant à savoir Norvège, Suisse, Islande, Etats-Unis d’une part, Hongrie et Grèce d’autre part. Un lien fort apparaît alors entre ces deux indicateurs, ce qui est assez normal, et on note que 1% de plus de dépenses/PIB entraîne une augmentation de 970 euros par habitant. On constate aussi que la politique de dépenses du Danemark donne sa pleine efficacité mais avec un PIB/habitant de 44% supérieur au nôtre ! Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Suède montrent un retour sur l’habitant très supérieur à l’ensemble des autres pays pour un même pourcentage de dépenses/PIB. Ces quatre pays ont un PIB/habitant très supérieur au nôtre. A contrario la Pologne, la Slovaquie, le Portugal, la Slovénie, l’Italie et surtout la France, font nettement moins bien que la moyenne des pays.

L’engagement solidaire consacrant une part importante du PIB ne suffit pas, encore faut-il que la richesse du pays soit au rendez-vous. Prenons le cas de la Grèce qui consacre près de 50% des son PIB aux dépenses publiques, soit un peu plus que la moyenne des pays européens. Elle ne dispose que de 8000 euros/habitant alors qu’elle devrait en disposer plus du double selon la moyenne des mêmes pays. La maîtrise des dépenses publiques est le nerf de la guerre de la gestion d’un pays. Mais si le pays est en décroissance relative et si les règles d’austérité sont appliquées sur celles-ci, la décroissance ne peut que s’accélérer. C’est ce qui s’est passé pour la Grèce. Les économies de gestion ont peu représenté par rapport aux économies sur la solidarité (retraites, salaires publics, allocations diverses, etc.), sur la qualité des services publics et des infrastructures comme on vient de le voir en Italie. La diminution générale du pouvoir d’achat avec une augmentation globale de la pression fiscale, alliée à celle des retraites, des allocations diverses, des prestations de santé, etc. se retrouve dans la diminution de la consommation et de la croissance.  Si une part importante de cette ponction part sur l’aide aux entreprises en croyant booster la croissance, on oublie seulement qu’une bonne part de celles-ci repart à l’étranger dans la fuite des capitaux, les délocalisations, les paradis fiscaux, les investissements sur du matériel étranger (cf. les éoliennes par exemple).
 
La France n’a pas bénéficié de son entrée dans la zone euro et sa compétitivité s’est détériorée au fil des ans alors qu’elle a maintenu une politique de solidarité. D’année en année elle a augmenté le pourcentage de dépenses publiques au-delà de ce que la croissance lui permettait. La croissance des dépenses de santé est visible sur le graphique ci-contre. Alors que la France, le Danemark et l’Allemagne consacraient des pourcentages du PIB pour la santé très proches en 2001, la situation s’est aggravée rapidement jusqu’en 2010. Sommes-nous mieux soignés pour cela ? Les français vantent partout leur système de santé, est-ce vrai ? Le prochain article essaiera d’y répondre.
 
« Rien de sert de courir il faut partir à point » La Fontaine 

Rien ne sert de partager grassement sa bourse

Si elle se vide, c’est là le problème français. 

L’austérité est mortifère sans croissance.

Elle ne cautérise pas, elle gangrène. 

Sortie de l’UE et dévaluation

Sinon point de salut !

Claude Trouvé 
04/09/18

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