Deux
pays viennent de choisir de balayer l’organisation garante de la légalité internationale
avec une soudaineté qui ne laisse aucun doute sur la culpabilité de Bachar el
Assad et la gravité de son acte. Tout au moins c’est ce que l’on attend d’un
pays responsable même si cela ne repose pas sur un consensus du Conseil de
Sécurité. Les « preuves » sont loin d’avoir convaincu les autres pays
et tous les représentants du Parlement de notre pays.
Le
premier doute a saisi la Chambre des Lords anglaise et Cameron a dû capituler.
Le second doute a touché Obama lui-même qui a sollicité l’avis du Congrès alors
qu’il n’y était pas obligé, retardant ainsi l’exécution de l’opération
militaire. On peut penser même qu’il n’y est pas personnellement favorable.
Mais il n’a pas, comme Hollande, les coudées franches. La conjonction du
pouvoir de certains représentants du peuple et du complexe militaro-industriel
et financier le pousse à la guerre pour des raisons que nous allons voir.
La
première partie de cet article donnent quelques avis d’experts sur la
non-culpabilité de Bachar el Assad mais il y en a d’autres comme ce témoignage
d’une religieuse chrétienne qui s’étonne qu’on ait pu monter tant de vidéos sur
des corps si bien alignés entre l’heure du massacre et la publication par l’Agence
Reuters, soit de l’ordre de 2 heures. Le milieu journalistique sait bien que c’est
impossible. Elle décrit aussi l’horreur du massacre sauvage avec décapitation
et même démembrements de centaine de villageois qui a eu lieu en mai, massacre perpétré
par les rebelles et qu’elle a constaté sur place. Elle s’indigne que ceci n’ait
pas ému les mêmes qui aujourd’hui s’insurgent sur l’utilisation présumée d’un
gaz de combat. Son témoignage part à l’ONU.
Dans
le JDD de dimanche 9 septembre on peut lire : « L'enseignant belge
Pierre Piccinin, enlevé en Syrie par des rebelles au mois d'avril et libéré
dimanche avec le journaliste italien Domenico Quirico, a affirmé lundi sur des
médias belges que le gaz sarin n'avait pas été utilisé par le régime de Bachar
El-Assad. » On peut s’étonner
du peu de crédit donné à cette information. Le doute existe mais cela n’effleure
pas les « va-t’en guerre », au premier rang desquels on trouve
François Hollande.
Alors
il nous faut essayer de nous faire notre propre opinion. Comme le veut le crédo
d’investigation de la police, il faut chercher à qui profite le crime. Sur le
sol syrien, l’armée régulière est en train d’engendrer des succès et reprend
petit-à-petit le contrôle des points stratégiques, même si une partie de Damas
vit encore la guerre. Alors quel intérêt pourrait avoir Damas à violer sa
signature du traité de non-emploi de gaz de combat et à se mettre à dos toute
la communauté internationale ? Pour les adversaires la situation n’évolue
pas en leur faveur malgré tous les soutiens du Moyen-Orient, des turcs, du
Qatar et des occidentaux. Jeter l’opprobre sur Bachar el Assad ne peut que leur
assurer une aide militaire nouvelle et un consensus international sur la légitimité
de leur combat devant un tyran sanguinaire.
Pourquoi,
plutôt qu’un rapport de cinq pages de synthèse, ne pas rendre publics des
éléments matériels de preuves : script des enregistrements de
communications de militaires syriens, analyses scientifiques des échantillons
collectés sur le terrain ; photos satellites ? Le doute ne peut être
levé sans que des preuves tangibles soient données et cette guerre civile
devient un champ de bataille où interviennent des puissances étrangères qui n’ont
que faire de l’établissement de la démocratie. Les Etats-Unis, Israël, les
turcs, les sunnites veulent simplement réduire ce pays à leur merci. Les Etats-Unis tentent de créer un « Greater
Middle East » dans lequel il n’y aurait plus que des Etats proaméricains
dans la ligne. Les USA considèrent toute la région comme leur chasse gardée.
Kissinger est l’auteur de la phrase : « Le pétrole est beaucoup
trop précieux pour être abandonné aux Arabes ».
En France
le Président est au plus bas dans les sondages, la croissance à venir ne peut
assurer une baisse du chômage. Elle ne peut venir que des emplois aidés. Le
chômage a encore augmenté de 0,1% au deuxième trimestre. Malgré les emplois
aidés le nombre d’emplois salariés a encore baissé au deuxième trimestre et de
0,9% en un an. Les vraies réformes structurelles sont en panne de peur de
soulever des mouvements d’opinion. La pause de la fiscalité en 2014 n’aura pas
lieu (augmentation de la TVA, quotient familial raboté, etc.) et malgré tout la
maîtrise du déficit ne sera pas au rendez-vous sur lequel la France s’était
engagé.
Le
Président est paralysé sur le plan intérieur et doit chercher ailleurs une
occasion de redorer son blason. Le costume de chef de guerre, de grand
défenseur de la démocratie, de pourfendeur en première ligne d’un tyran
employant soi-disant une arme interdite lui paraît une excellente opportunité.
Ce faisant il est prêt à s’assoir sur l’autorisation de l’ONU et s’évertue seul,
sans consensus européen, à lancer Obama dans la guerre.
Il a
perdu la plus belle occasion de mettre notre pays au centre du jeu. Les syriens
sont francophiles et le protectorat a laissé des traces. Nous étions les mieux
placés pour jouer un rôle de médiateur dans la recherche d’une solution
politique alors que Bachar el Assad promet de réviser démocratiquement sa
Constitution en mars. Hélas ce sont les russes qui empochent la mise et mettent
le couple Obama-Hollande en difficulté avec une initiative qui fait mouche avec
le contrôle international des arsenaux syriens contenant des gaz de combat.
Obama
recule, sans doute soulagé, car les américains ne veulent pas de cette guerre. Les
membres du Congrès ne sont pas majoritairement convaincus par les preuves
apportées et voteraient non à l’intervention militaire. Il saisit la
proposition russe pour donner une chance à la diplomatie et retarde la réunion
du Congrès. Hollande est lâché, heureusement. Il va devoir faire des explications
alambiquées pour justifier sa position jusqu’au-boutiste, en dépit de l’opposition
largement majoritaire de ses concitoyens, et accepter le jeu de la diplomatie. La
frégate dépêchée sur place, ridicule par rapport aux navires russes, va pouvoir
faire des ronds dans l’eau.
La guerre n’arrive jamais par hasard.
Celle-ci arrangerait beaucoup trop de
monde
Pour ne pas être suspecte !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon