Le dossier de l’agriculture
va-t-il être le révélateur de l’incompatibilité de la zone euro avec des
économies, des régimes fiscaux, des charges et lois sociales, des minima salariaux,
des normes, des pressions écologiques, trop différents pour permettre des
échanges équilibrés entre les différents pays ? Non seulement la zone euro
est incompatible intra-zone euro mais aussi extra-zone vers les autres pays de
l’UE. C’est le premier constat que font les agriculteurs. Cette profession a
pourtant salué la PAC, politique agricole commune mise en place à l'échelle de
l'Union européenne et crée en 1962 avec pour but le contrôle des prix et le subventionnement,
visant à moderniser et à développer l'agriculture. A ce premier pilier s’est
adjoint celui du développement rural en 1999 en baisse budgétaire. Les
objectifs de la PAC sont :
- d’accroître la productivité de l’agriculture ;
- d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ;
- de stabiliser les marchés ;
- de garantir la sécurité des approvisionnements ;
- d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs.
Par le Fonds européen
agricole de garantie (FEAGA), les agriculteurs bénéficient :
- d’aides indirectes, les « prix garantis », qui assurent aux agriculteurs un prix minimum pour leurs productions. Disposition actuellement en quasi désuétude
- des aides directes au revenu depuis la réforme de 1992 : en échange d’une baisse des prix garantis, l’UE verse des aides proportionnelles à la baisse des prix. Cette aide est depuis 2005-2006 « découplée », c'est-à-dire qu'il y a de moins en moins de liens (voire plus aucun lien) entre la production de l'exploitation et le montant des aides.
Désormais, les aides ne sont
plus liées à la production. Les agriculteurs touchent un paiement unique par
hectare, à la condition de respecter des normes européennes en matière
d’environnement et de sécurité alimentaire.
La PAC est une activité fondamentale de
l’UE et a même été l’une des raisons de sa création en particulier pour la France
qui bénéficie le plus des aides de l’UE. En 2004 pour 19 milliards versés au
fonctionnement de l’UE, la France a récupéré 9,5 milliards dans le cadre de la
PAC. Elle en est la plus grande bénéficiaire. La PAC est le plus important
budget de l’UE à hauteur de 45%. Depuis juin 2013 la nouvelle réforme va notamment
dans le sens d'une répartition plus équilibrée des aides entre États membres,
régions et agriculteurs. La PAC a une orientation résolument productiviste mais
aussi, et cela devient un paradoxe dans l’ouverture acceptée de la
mondialisation, protectionniste avec l’instauration d’une union douanière. C’est
la préférence communautaire.
On ne peut parler de
politique agricole sans en référer à la PAC dont l’évolution est de moins en
moins favorable à la France sous l’impulsion de l’Allemagne, la plus grande
contributrice au budget, entre autres pays. La PAC se résume à l'application du
principe de base : libre circulation et absence de distorsion de
concurrence. C’est bien ces points qui créent l’impasse de la crise agricole
actuelle. Globalement l‘agriculture française a bénéficié largement de la PAC
jusqu’en 2013 et ceci n’a pas généré le même niveau efforts de productivité
consentis par d’autres pays comme l’Allemagne et les Pays-Bas par exemple. Plus
attachée à la politique environnementale qu’à la productivité, par exemple par
des regroupements des terres et des moyens, plus soumise à des salaires élevés,
à des impôts et taxes plus importants qu’ailleurs dans l’UE, à des contraintes
administratives et normatives plus importantes, l’agriculture française se
trouve confrontée à une concurrence européenne qu’elle ne peut plus soutenir
hormis pour les gros céréaliers.
La libre circulation des produits
inonde nos lieux de vente de produits étrangers, espagnols, portugais,
allemands, hollandais, polonais, etc. Dans une période d’austérité douce mais
réelle, le consommateur français est encore plus sensible au prix, même à
qualité légèrement inférieure. Par ailleurs tout aide directe de l’Etat
contrevient au principe de non distorsion de concurrence, principe surveillé
par l’UE. L’agriculture française doit affronter aujourd’hui une concurrence à
laquelle elle ne s’était pas aussi bien préparée que les autres pays dans l’euphorie
de la PAC d’avant 2013. Celle-ci a d’ailleurs beaucoup plus profité aux grosses
exploitations qu’aux petites. C’est cela qui apparaît au grand jour et la
fixation du prix du porc à 1,40€/kg en Juin par le gouvernement montre son incompréhension
totale de l’économie mondialisée.
On tourne en rond entre
agriculteurs, industries de transformation, et distributeurs. Le jeu de
ping-pong entre les partenaires, imposé par le gouvernement, est ridicule et
stérile. Le Kg de viande, de lait, etc. est produit trop cher pour le marché
européen, un point c’est tout. N’ayant plus la disposition de la monnaie pour
réajuster nos prix, ce que vient de faire la Chine en dévaluant le yuan de 2%, il ne reste que deux solutions. La première est à Bruxelles mais la France étant
très jalousée, il y a peu d’espoirs de faire évoluer les choses vers une aide
plus importante en jouant par exemple sur la qualité environnementale et
sanitaire de nos produits. La seconde c’est la baisse des charges des
agriculteurs que l’État n’envisage pas, ou à la marge, dans le contexte d’un
budget soumis à Bruxelles qui peut y voir en plus une distorsion de
concurrence.
La solution de crédits, même
à taux zéro, ne résout rien dans une économie exsangue, pas plus que le report
du paiement des impôts. Des réformes structurelles plus profondes sont
possibles mais leur effet n’interviendra que beaucoup plus tard alors que les
agriculteurs auront quitté leurs terres. On touche, avec cette crise, à l’erreur
fondamentale de l’acceptation de l’euro qui enlève toute possibilité de
rééquilibrer les économies en général entre des pays très différents sur trop
de plans tout en imposant la libre circulation des produits et la non
distorsion de concurrence.
L’agriculture française est entrée dans la quadrature du cercle.
On peut s’attendre après la désertification industrielle
A voir notre pays mettre ses terres en jachère !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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