Et si l’on
essayait de comprendre l’Allemagne à défaut de comprendre la France ? Le
dernier plan d’aide à la Grèce a été désigné par Romano Prodi, ancien président
de la Commission Européenne et ancien président du Conseil italien, comme un « Blitz
allemand ». Il met l’Allemagne en accusation, car le Blitz c’est les bombardements
stratégiques durant la Seconde Guerre mondiale mené par la Luftwaffe,
l'aviation allemande, contre le Royaume-Uni en 1941. L’attaque est directe mais
cache deux motivations politiques. La première est de militer pour une Europe
fédérale faisant rentrer l’Allemagne dans le rang et la seconde est de couper l’herbe
sous le pied aux différents courants politiques italiens qui se mobilisent
contre l’euro. Cette prise de position n’est pourtant pas dénuée de réalisme et
le souhait de créer un axe Paris-Rome pour s’opposer aux diktats allemands est
sous-jacent.
La
position française est désormais celle du consensus avec notre voisine et il
est peu probable de voir une quelconque inflexion, avant les présidentielles de
2017. En particulier le sujet de sortie de la zone euro est un sujet suicidaire
autant pour le PS que pour les Républicains qui ont fait de la zone euro leur
emblème de « réussite », enfin qu’ils disent, en pointant le
catastrophisme d’une sortie. Par ailleurs la France a fini de lier les mains de
Tsipras en lui fermant la porte d’une sortie de l’euro et en le conduisant à la
capitulation. Elle a été le picador du matador allemand. L’accord final pour la
Grèce est un mauvais accord car l’austérité aggravée ne peut que conduire à un
appauvrissement du peuple et à une diminution de la consommation intérieure.
Les gagnants sont les banques qui vont se recapitaliser partiellement grâce à l’accord
et à l’apport direct du gouvernement grec par la vente du patrimoine, lequel va
s’avérer néanmoins insuffisant. La seule solution viable à long terme devrait
inclure un effacement de 50% à 80% de la dette grecque. Sur ce point l’Allemagne
s’est montrée inflexible malgré l’avis favorable du FMI.
En
France on voit se développer deux attitudes, l’une, issue d’un libéralisme peu
soucieux des dégâts de l’austérité, qui pointe le laxisme grec et sa mauvaise
gestion, et l’autre qui stigmatise la position de l’Allemagne, ce dont
jean-Luc Mélenchon s’est fait entre autres le porte-parole. Schäuble, le ministre des
Finances allemand, ne s’est pas caché de penser au Grexit et de juger le nouvel
accord insoutenable par la Grèce. Alors pourquoi l’avoir laissé se signer entre
les créanciers ? En réalité l’Allemagne n’a que deux choix devant elle. Le
premier est la mutualisation de la dette dans un fédéralisme renforcé. Le
second c’est l’imposition d’une politique d’austérité permettant de remettre à
flot les pays dont la croissance ne permet pas d’éponger les dépenses publiques
comme la France et l’Italie, les deux autres moteurs principaux de l’Eurozone.
L’Allemagne
ne peut accepter un fédéralisme mutualiste, juridiquement d’abord par sa
constitution et économiquement ensuite parce qu’elle contribuerait à hauteur de
80% dans le transfert à effectuer des pays du nord vers ceux du sud. Ceci
représenterait 8 à 10% de son PIB sur une dizaine d’années et c’est matériellement
impossible avec la meilleure volonté. L’Allemagne doit donc éviter cela à tout
prix et elle se réfugie dans la politique d’austérité qu’elle s’évertue à
imposer à tous les pays en difficulté, essentiellement au sud de la zone euro.
La Grèce est devenue l’instrument de vigilance de l’Allemagne vis-à-vis de la France
et de l’Italie, l’image de ce qui peut arriver à un pays qui refuse la
politique d’austérité à l’allemande. A bon entendeur salut ! Romano Prodi
et Yanis Varoufakis ont clairement indiqué que la France était visée.
L’éventualité
de la destruction de la zone euro est en toile de fond car l’Allemagne finit
par douter elle-même de la possibilité de réussite de la politique d’austérité
sur les pays du sud. La France lui apparaît de plus en plus comme irréformable,
c’est d’ailleurs en coulisses l’avis des représentants du gouvernement
français. Dans ce cas la sortie de la Grèce serait le signal de mise à mort de
la zone euro sans que l’Allemagne apparaisse comme le pays qui a détruit l’euro.
L’intérêt de la zone euro s’amenuise pour l’Allemagne au fur et à mesure que la
croissance des pays visés stagne ou régresse et que leur dette augmente car
elle lui fait courir le risque de devoir faire preuve de solidarité.
La France n’a plus le courage d’affronter l’Allemagne
pour reconstruire sa politique européenne sur un axe Paris-Berlin-Moscou alors
que les USA étendent leurs bras militaires et économiques de plus en plus sur
le continent européen. Ceux-ci reconstruisent un nouveau mur autour des
puissances Russie-Chine-Inde-Iran, les puissances dominantes de l’Asie et
veillent à séparer en deux le continent eurasiatique. Il serait finalement de l’intérêt
de la France de faire comprendre à l’Allemagne notre détermination à recréer un
axe européen avec un lien fort vers la Russie au lieu de se laisser phagocyter
par les USA dans les traités transatlantiques en cours plus ou moins
secrètement et par l’arrivée de plus en plus importante des troupes et des
armes américaines en Europe, et ceci même indépendamment de l’OTAN !
Nous
pouvons regretter la politique allemande
Mais
nous ne pouvons pas nier son réalisme !
Nous
devons déplorer celle de la France
Et
constater encore son suivisme
Aveugle
et couard !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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