Les marchés viennent de vivre et vivent
encore une période de turbulence qui a vu une sévère rectification des profits
sans que cela tourne pour l’instant à la catastrophe. Par ailleurs la zone
européenne enclenche un processus de déflation qui devrait amener une réaction
de la BCE dont c’est la mission. De plus l’ensemble des pays émergents entrent
en récession. Tout paraît venir de la Chine dont les USA ont fustigé la récente
dévaluation du renminbi (yuan) en prétextant une concurrence déloyale tout en se
réjouissant du ralentissement de l’économie chinoise annoncée à 7% mais dont on
peut prévoir qu’elle atteindra difficilement 4%. L’effondrement spectaculaire de la bourse de Shanghai a été présenté à
l’opinion publique comme le résultat d’un « mécanisme du marché »
spontané, déclenché par la faiblesse de l’économie de la Chine. Les évènements
sont plus complexes et les conséquences plus importantes pour l’économie
mondiale et la guerre des monnaies.
D’abord
il faut constater que la Banque de Chine a freiné les conséquences de la
première dévaluation, décidée par son gouvernement sans préavis, par une vente
d’une centaine de milliards d’obligations américaines. L’ajustement final se
situe autour d’une baisse de 5% par rapport au dollar. D’une façon générale
depuis la mi-2014 et jusqu’à cette dévaluation le yuan suivait les variations
du dollar. Alors que le dollar s’est envolé face à l’euro, le yuan et le dollar
avaient peu évolué entre eux. Le lynchage médiatique de la Chine ne s’explique
que par la guerre que se mène ces deux pays. Pendant des années, Washington a
accusé Pékin de manipuler le taux de change. Cependant, la vérité est que le
yuan ne s’est pas déprécié de façon artificielle, mais qu’il s’est plutôt
recalé par rapport à la devise états-unienne. Depuis 2005 la monnaie chinoise
s’est appréciée d’environ 30 % contre le dollar, alors que, de la mi-2004
au début 2015, celui-ci s’est apprécié de 15 % à 20 % contre les
monnaies du monde les plus échangées (euro, livre sterling, yen, etc.), et
seulement de 0,6 % contre le yuan. C’est dire la mauvaise foi des USA.
Par
ailleurs on peut désormais constater que les bourses ne suivent pas forcément
les fluctuations de l’économie mondiale. Des institutions financières très
puissantes dont la JP Morgan Chase, HSBC, Goldman Sachs et Citigroup, ainsi que
les fonds spéculatifs qui leur sont affiliés, ont la capacité de « pousser
à la hausse » le marché boursier, puis de le « tirer vers le
bas ». il réalisent ainsi d’énormes plus-values financières. Cela marche d’autant
mieux que des liquidités énormes ont été déversées par la Fed. Le but officiel
est le soutien de l’économie américaine, la réalité est surtout l’enflure de la
spéculation. Si Goldman Sachs a pour une fois été pris de court par la brutale dévaluation
chinoise, il a eu tôt fait de réagir.
Dire
que la baisse de croissance probable de la Chine, la dévaluation de 5% de sa
monnaie et la vente massive d’obligations américaines, sont sans impact sur les
marchés et l’économie mondiale est un langage de politiciens qui prônent le « circulez,
il n’y a rien à voir » pour rendre le peuple aveugle et sourd en lui
mettant la tête dans le sac. Quand la croissance chinoise représente 70% de la
croissance mondiale et que le poids économique de la Chine dépasse celui des États-Unis, cette prise de position n’a qu’un but politique mais est
complètement déconnectée de la réalité. Si le prix des matières premières s’écroule,
pétrole y compris, c’est que la demande mondiale est faible, donc que l’économie
mondiale est en phase de régression. La Chine en supporte les conséquences dans
ses exportations et la dévaluation du yuan vise à en limiter la décroissance.
Le
match USA-Chine bat son plein car la Chine est le véritable concurrent des USA.
Celle-ci cherche à introduire le renminbi dans le panier des monnaies auprès du
FMI afin d’ajouter son poids dans la compétition des monnaies. Elle a donc
procédé à une dévaluation raisonnable et réorienté sa politique économique sur
la consommation intérieure qui est poussée par une augmentation des salaires.
Les produits chinois s’en trouvent un peu plus cher mais la dévaluation va le
compenser. La Chine doit impérativement mais insensiblement se rapprocher du
fonctionnement des économies occidentales. Comme les pays du G-7 (Allemagne, Canada,
États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) restent embourbés dans une
stagnation très proche de la déflation (baisse des prix), la revitalisation de
l’économie chinoise via le commerce sera néanmoins très compliquée.
Le match USA contre Chine-Russie se joue aussi dans les traités poussés
par l’un ou l’autre, traités sur lesquels se joue l’équilibre géopolitique
Asie-Pacifique devenu le centre du monde. Face à une menace de dévaluation des
monnaies par les banques centrales d’Asie-Pacifique, la Chine défend la Banque
asiatique d’investissement pour les infrastructures (‘Asian Infrastructure
Investment Bank’), le Fonds de la Route de la Soie (‘Silk Road Fund’)
et la Zone de libre-échange du Pacifique (‘Free Trade Area of the
Asia-Pacific’). En face les Etats-Unis œuvrent fébrilement pour élargir le
champ d’application de l’accord de Partenariat Trans-Pacifique (‘Trans-Pacific
Partnership’) dans lequel le Japon, auquel l’impérialisme américain
maintient son soutien militaire, est inclus. Même si Washington pointe ses
fusées sur Pékin, c’est non pas à un repli de la Chine auquel nous allons
assister mais à une consolidation de la montée de la Chine comme puissance
mondiale. Notre avenir se joue là-bas et bien menteurs sont ceux qui affirment
que la récession de l’économie chinoise est sans impact sur la nôtre… mais on
est habitué.
Quand la déflation nous atteint et que la
récession menace la Chine,
On ne peut que serrer les fesses et courber l’échine
Et en cela la France a le pompon
Plouf et petit patapon !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire