jeudi 2 octobre 2014

Le tuer maintenant ou le laisser agoniser ?



De qui s’agit-il ? Du pays France ? Sans doute mais sa carie ne fait pas encore assez mal et le malade refuse le dentiste. Non il s’agit de l’euro qui indirectement tue la France. Michel Sapin rejette, sur le malaise de la zone euro, les difficultés françaises. Même s’il tente de se dédouaner de ses faiblesses, il n’a pas tout-à-fait tort mais il oublie de dire que si cette zone se nomme ainsi c’est pour son choix de la monnaie unique ! Le dogme de l’euro persiste dans la vision politique française mais elle s’effrite de plus en plus ailleurs. On entend même le gouvernement avouer que certaines mesures d’austérité ne doivent pas être prises car elles donneraient du grain à moudre aux anti-européistes… pour ne pas avouer la peur du FN, l’épouvantail agité en permanence. Cela prouve tout simplement que le danger sur l’euro se précise. 

La nouvelle Premier Ministre polonaise vient de retarder le passage du zloty à l’euro… en attendant que la zone euro se porte mieux ! C’est tout dire. Par ailleurs il devient de plus en plus évident que la croissance, la dette et le chômage sont globalement meilleurs dans les pays de l’UE hors euro que dans la zone euro, ce qu’on se garde bien de mettre en lumière en publiant les résultats de la zone euro et de l’UE mais pas de la zone hors euro seule. Il faut aller rechercher les résultats pays par pays sur Eurostat. Mais il y a beaucoup d’autres signes qui sont annonciateurs de catastrophe ou de changement profond. Ils ne viennent pas tous des pays en difficulté de la zone euro, c’est en Allemagne que la situation évolue. D’abord parce que la croissance allemande (sans doute moins que les prévisions à 1,8% en 2014) ralentit du fait des difficultés des pays du sud qui importent moins et de l’Ukraine. Elle doit compenser par une extension de ses exportations hors de la zone euro et même de l’UE, ce qui génère néanmoins un excédent budgétaire de 16,1Mds€ ! 

Ceci se traduit désormais dans les urnes. Aux dernières élections, le parti « Alternative fur  Deutschland  » ou AfD, qui existe depuis peu, a recueilli 12,6 % des voix en Brandebourg et un peu plus de 10 % en Thuringe. En quoi cette percée remarquable change-t-elle la donne en Allemagne ? C’est que ce parti a été créé par Bernd Lucke, professeur d’économie à l’Université de Hambourg et que le bras droit de ce professeur est Olaf Henkel, ancien patron de la confédération des industriels allemands. Ces deux personnages disent que l’Euro a échoué et qu’il faut entériner cet échec en retournant aux monnaies nationales, et donc au DM pour l’Allemagne. Pour l’AfD, l’euro ne gêne pas l’Allemagne mais empêche toute croissance en particulier dans les pays du Sud et donc pourrait nuire à l’économie  locale puisque ses principaux clients sont en récession /dépression, ce qui risque, à  terme, de plomber l’économie allemande. 

Bigre ! Voilà qui colle avec les propos de Michel Sapin à un détail près, l’euro ! Pour être plus clair l’AfD ajoute que l’Euro fonctionnerait à condition que nous ayons des transferts sociaux massifs de l’Allemagne vers les autres Etats Européens, ce qui est interdit par les traités et violemment refusé par la population  ou que nous ayons une « mutualisation » de la dette, autre façon d’arriver au même résultat, tout aussi interdit par les mêmes traités, mais que monsieur Draghi pratique avec beaucoup d’abandon en s’appuyant sur la majorité qu’il détient au conseil d’administration de la BCE. 

La propagande de l’AfD s’appuie sur le refus du contribuable allemand à payer pour des gens qui ne se réforment pas. A l’évidence ce parti est de plus en plus entendu. Devant le manque de courage des gouvernements des pays du sud de l’UE, j’avais évoqué le fait que ce serait sans doute les allemands qui sortiraient les premiers de l’euro… ce pourrait bien être le cas mais l’acharnement actuel, à colmater les brèches ouvertes sur le dogme, est encore trop fort pour ne pas traiter l’agonisant au lieu de le tuer. Pourtant la situation actuelle comporte d’autres raisons d’y penser. Le fringant Premier Ministre italien ne réussit pas à faire passer son programme de réforme et est sur le « reculoir » pendant que l’Italie s’enfonce. En Espagne, les tendances séparatistes, particulièrement en Catalogne, sont attisées par la crise économique créée de toutes pièces par l’euro. 

Par ailleurs les taux sur les obligations allemandes sont NEGATIFS jusqu’à quatre ans, ce qui prouve que certains semblent s’attendre à la réapparition du DM et à sa réévaluation. Les marchés financiers de la zone Euro sous-performent par rapport aux autres marchés mondiaux, ce qui n’est jamais un bon signe. L’Europe semble en fait devenir un endroit que les financiers vendent, plutôt qu’un endroit où ils achètent. Enfin si Michel Sapin se réjouit de la baisse de l’euro par rapport au dollar pour nos exportations, cela renchérit nos importations mais surtout cela dénote une faiblesse de la monnaie et n’arrange en rien nos échanges commerciaux avec les pays de la zone euro qui sont nos principaux débouchés. 

Il y a bien des signes précurseurs d’une évolution notable des réflexions des peuples, d’économistes et de responsables de l’industrie, particulièrement dans une Allemagne où le pragmatisme enterre vite les idéologies contrairement à la France. Quand Alain Jupé estime que la sortie de l’euro serait catastrophique sans argumenter au-delà, cela sonne comme le non-recevoir de toute discussion sur le sujet… C’est aussi de cela que la France se meurt. Pour ma part je pense comme les allemands que, prévenir c’est guérir, et que : 

Il vaut mieux la fin des horreurs 

Que l’horreur de la fin ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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