Il y a deux
façons de faire du théâtre. On peut classiquement choisir une bonne pièce et un
personnage taillé à sa mesure, puis apprendre laborieusement un texte et se
couler dans le personnage, pour enfin le présenter à un public avec quelques
chances de succès. Il y a une autre façon rapide, adaptée à l’instant mais
fugace et à haut risque devant le public, c’est l’improvisation. Visiblement
notre paire gouvernementale a choisi de pratiquer la seconde. Le rideau une
fois baissé après une prestation sans éclat devant une salle assoupie, le
metteur en scène se ravise. Il lance un challenge sur un thème dont il pense
qu’il va toucher le spectateur, un de ces sujets vieux comme le monde et qui
fait recette. Il y lance son meilleur acteur qui reprend la possession de la
scène et fait rasseoir les spectateurs.
Ce scénario
est celui que nous a joué Manuel Valls avec l’annonce à retardement de la
suppression de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu, celle à 5,5% pour
les revenus compris entre 6.000 et 11.991€. Ce scénario est joué sur le thème
de la justice sociale et de la solidarité pour une France croulant sous la
fiscalité. C’est la main tendue vers les déshérités… et les bulletins de vote.
C’est de bonne guerre me direz-vous. Certes mais le rappel de l’acteur est du
plus mauvais effet, l’improvisation ne sied visiblement pas à ce type de sujet.
D’ailleurs la suite en apporte rapidement la preuve.
Reprenons
les éléments de la pièce précédente dite du vote de confiance. Le texte récité nous
a appris (enfin non les spectateurs connaissaient déjà le texte, ils attendaient la
performance de l’acteur), nous a appris, dis-je, que la France est au bord
de la déflation dans une croissance molle qui ne permet pas de réaliser les
objectifs de 2014 et oblige à en rabattre sur ceux de 2015, budget pour lequel
il manque toujours deux milliards. Ces derniers seront trouvés sans
augmentation d’impôts, l’austérité étant rejetée aux calendes grecques, la
dette allait filer comme d’habitude. Les spectateurs savent bien qu’il s’agit
d’une pièce et que l’on n’est pas dans la réalité mais le fait que nos
prestidigitateurs ne touchent plus à rien avait un côté rassurant, tant de
tours avaient ratés jusque-là. Le Pacte de Stabilité comportait ce mot
rassurant de « stabilité » et celui nouveau de « responsabilité »
avait aiguisé l’appétit de sœur Anne qui ne voyait toujours rien venir.
Se ravisant
que la salle n’avait pas eu son comptant d’effets de manche pour calmer
quelques impatients, l’acteur Valls est renvoyé sur scène dès le baissé de
rideau avec une « impro » qui se veut du meilleur effet : « les
impôts vont baisser… pour certains ». La dernière tranche est supprimée, le
producteur de la « pièce » va rembourser les spectateurs aux places
les moins chères du fond de la salle. Certains vont regretter de n’avoir pas
pris ces places-là et regrettent de ne pas l’avoir su avant. On s’étonne mais
on pardonne pour ceux qui ont le sourire.
Revenus
chez eux certains s’étonnent que cette largesse puisse encore être faite dans
un contexte aussi catastrophique où toute dépense supplémentaire se fait à
crédit à taux d’intérêt variable donc risqué. On se réjouit pour les petits
revenus et on plaint même ceux qui pour 1 euro supplémentaire vont basculer
dans la tranche à 14%. Certains réalisent même que ce n’est plus à 11.961 euros
que l’on bascule mais à 9.600. Autrement
dit ce sont les spectateurs juste assis devant les places les moins chères qui
vont devoir passer à la caisse pour payer à la place des autres avant de
sortir. Le tour de passe-passe est découvert, c’est ainsi que l’on récupère des voix dans la tranche la plus nombreuse
pour en perdre dans une moins nombreuse à laquelle on avait promis de ne plus
augmenter les impôts parce que la plus touchée, la classe moyenne.
Mais ce n’est
pas tout. Pour embrouiller tout le monde, il fallait que le metteur en scène,
Christian Eckert, vienne préciser les choses dans un langage simple et compréhensible…
pour lui soit : cette mesure devrait être complétée par des corrections
apportées au barème et aux calculs associés. Ainsi, « le seuil d’entrée
dans l’ex-deuxième tranche sera simplement avancé », indique-t-il,
celui-ci passerait de 11 991 € à 9 690 €. L’abaissement de
la tranche taxée à 14% serait compensé par un aménagement du mécanisme de la
décote. Contrairement à aujourd’hui, celui-ci devrait prendre en compte la
situation familiale et le montant de la ristourne devrait être sensiblement relevé
(1 135 € pour une personne seule et 1 870 € pour un couple).
Après ça
allez savoir ce que nous paierez d’impôt avec un revenu de 10.000 € qui tiendra
compte d’une sorte de quotient familial que l’on venait de supprimer. Une
nouvelle usine à gaz est lancée dans le choc de simplification promis. Je me
demande si nos énarques ont oublié leurs cours de mathématiques du collège ou
ne les ont pas revus en suivant les études de leurs enfants. Une imposition
avec un effet linéaire où l’on paye d’autant plus que l’on gagne, avec un
coefficient multiplicateur à définir, éviterait les effets de seuil des
tranches et les bricolages incessants. C’est dans les cours de maths de
quatrième (y=ax+b, ça ne leur rappelle rien ?).
Enfin sur
la mesure d’exclusion de l’impôt d’une partie des contribuables, cela va à
contrario du sens civique de l’impôt pour tous, même modeste. Il y a la
propagation de ce mythe qu’il existe quelque part une fabrique à allocations ou
une manne divine qui ne coûte rien à personne. Ex nihilo nihil, rien ne
vient du néant. L’argent qui vous est redistribué vient des impôts, en payer,
c’est en prendre pleinement conscience.
L’improvisation, les tours de
passe-passe, et l’enfumage
Sont les caractéristiques d’un
pouvoir aux abois
Qui, comme notre marine à Toulon en
1942,
Fait tout pour se saborder !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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