Le Delaware, vous ne connaissez pas ? Alors c’est que vous ne
faites pas partie des gens fortunés ou des dirigeants et des grands
actionnaires des multinationales. C’est un État de la côte Est des États-Unis,
bordé au sud et à l’est par le Maryland, au nord par la Pennsylvanie, à l’est
par le New Jersey et l’océan atlantique. Avec la carte je vois à peu près mais
ce n’est après tout qu’un état comme un autre dans un pays qui ne m’attire pas
spécialement même s’il domine encore le monde, me direz-vous.
Cette petite plaine côtière de 159km de long sur 14km de
large a pourtant un attrait particulier, c’est le paradis… fiscal, le premier
paradis fiscal au monde. Pourtant en 2009, il n’apparaît pas sur la liste noire
des paradis fiscaux… pourquoi ? Parce que c’est un Etat américain, donc un
poumon pour la plus grande économie mondiale.
Revenons à l’actualité avec le G8, sommet pour la paix le
18 juin en Irlande du Nord, pour la croissance et contre l’évasion fiscale.
Une réunion aux allures informelles,
"des décideurs affables, le col de chemise ouvert, qui s'appellent par
leurs prénoms" dont il ne sort
souvent que peu de décisions concrètes mais beaucoup d’intentions. Il se
décompose en sept pays (Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni,
Etats-Unis) plus la Russie, car les sept premiers sont plus ou moins sous
influence américaine. C’est ainsi que Vladimir Poutine s’est opposé avec succès
aux sept autres au sujet de la Syrie et surtout au Royaume-Uni et à la France
tenants de l’idée d’armer les rebelles syriens.
Lorsque l’on aborde le sujet de l’évasion fiscale le G8 se décompose en six pays plus deux pays (Etats-Unis, Royaume-Uni) qui dans le communiqué d’accord unanime jouent au poker menteur. Ce club des grandes puissances appelle les pays du monde entier à "échanger automatiquement les informations" pour combattre ce "fléau". Il s'engage également à faire de cet "échange automatique", considéré comme l'arme fatale contre les paradis fiscaux, le "nouveau standard mondial". Ce qui permet de rentrer chez soi en disant qu’un grand pas a été franchi dans la lutte contre l’évasion fiscale, comme n’a pas manqué de le faire notre Président.
Chacun sait que l’on juge non pas sur les paroles mais sur les actes, or la réalité est toute autre depuis longtemps. L’évasion fiscale n’aura réellement disparu que lorsque le Delaware sera sur la liste noire et que les Etats-Unis appliqueront chez eux les décisions qu’ils demandent d’appliquer aux autres ! Les paradis fiscaux ne sont pas à la périphérie de l’économie mondiale, ils en sont le centre de gravité. C’est une économie parallèle qui frustre les Etats de l’impôt mais participe à la bonne marche de leur économie. Les principaux paradis fiscaux ne sont pas des îles exotiques des Caraïbes, mais la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
Parmi les principaux bénéficiaires de l’évasion fiscale, on trouve non pas des trafiquants de drogue, des terroristes, des célébrités ou la mafia, mais les multinationales et les banques. L’endettement des pays pauvres, la liquidation de l’Etat-providence dans les pays riches et la crise financière mondiale sont intimement liés au système « off-shore ». On peut donc approuver que l’on mette fin à l’utilisation des paradis fiscaux.
Mais le secret bancaire, les allègements fiscaux et tous les services que proposent le Luxembourg et les iles Vierges britanniques ne sont pas destinées à satisfaire leur population mais à attirer des capitaux étrangers, d’où qu’ils viennent. Il n’y a jamais de consultation démocratique quand ces lois sont adoptées, ce sont des lois conçues par des initiés, pour des initiés. Par définition les paradis fiscaux sont des cabinets secrets.
Deux grands pays sont les principaux bénéficiaires de cet état de fait, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis mais on peut y ajouter le Luxembourg et la Suisse. Le Luxembourg freine des quatre fers pour échapper aux règlementations et le gouvernement suisse vient de s’opposer aux demandes de transferts de renseignements bancaires émises par les Etats-Unis. Les paradis fiscaux sont un facteur déterminant de la façon dont se comporte le monde économique et politique d’aujourd’hui. Le poids des banques et des multinationales sur la politique et l’économie des pays est tel que l’on ne peut donner crédit aux belles paroles d’un G8 tant que les Etats-Unis ne se contenteront que de vouloir faire le ménage chez les autres.
Pour conclure je citerai les écrits de Nicholas Shaxon dans son livre « Les paradis fiscaux » : « Les paradis fiscaux sont le théâtre où les millionnaires affrontent les pauvres, les multinationales les citoyens, les oligarchies les démocraties : à chaque fois le riche l’emporte ».
Les paroles d'or sont souvent suivies d'actes de plomb.
« Le bonheur
c’est lorsque vos actes sont en accord avec vos paroles. »
A dit Gandhi… souhaitons d’avoir des dirigeants heureux
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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