Monsieur Jean-Pierre
Chevènement est encore un de ses politiques dont la carrure est celle d’un
homme d’Etat. La contemplation de l’amateurisme, dont font état la plupart des
membres de ce gouvernement, succédant à une promotion gouvernementale guère
plus brillante, nous incite à écouter la voix des vieux sages. Plus admiratif
de De Gaulle que de François Mitterrand, n’hésitant pas à quitter un
gouvernement quand ses convictions intimes sur la bonne voie pour la France ne
sont pas entendues, il reste pourtant fidèlement attaché au socialisme dans ce
qu’il a de pur et d’idéaliste.
Il a décidé de montrer cet
attachement, sans doute pour faire taire les critiques de son parti sur sa
candidature aux présidentielles qui auraient enterré Lionel Jospin. De ce fait
il accepte d’être l’ambassadeur économique auprès du gouvernement russe mais
publie des écrits où il ne renie pas ses idées sur l’Europe. De la parole aux
actes, il y a un fossé qu’il ne franchit pas et tous les politiques de droite
qui épousent la plupart de ses idées européennes se leurrent en pensant le
ramener dans leur ligne politique.
Voilà ce qu’il écrit au
gouvernement :
« Il y a, vous le savez bien, un
problème de compétitivité de l’économie française, ce que le Président de la
République confirme en évoquant un « pacte de compétitivité ». A défaut d’une
dévaluation qui aurait eu ma préférence, mais que le choix de la monnaie unique
interdit à défaut d’une augmentation de la durée du travail telle que M. Fillon
la propose, bien qu’il ne l’ait pas réalisée quand il était en situation de le
faire, reste l’idée défendue par un économiste, M. Aghion, celle d’une «
dévaluation fiscale ». Etes-vous sûr que les effets de celle-ci sur la demande
ne pourraient pas être limités et compensés par l’exportation ? C’est une
question essentielle à laquelle il faut pouvoir répondre avant de se prononcer
sur le rapport Gallois. […] Le TSCG et la loi organique ne nous engagent
pas dans la bonne direction. C’est pourquoi je ne pourrai, à regret, que
confirmer, pour la loi organique, le vote négatif que j’ai émis sur le
TSCG. »
Cela
n’a pas empêché Jean-Pierre Chevènement de voter la loi de finances 2013. Le
décalage profond de ses vues avec l’orientation du gouvernement est évident et
m’a poussé à lui adresser ce commentaire :
« Monsieur
le Ministre,
Votre intervention est évidemment remplie de bon sens et j’y souscris
sans hésiter. Vous parlez d'une Europe "postdémocratique", mais elle
a été fondée sur une idéologie non pas fédéraliste mais unitaire,
centralisatrice et technocratique. Elle a été
explicitement exprimée par Jean Monnet et continuée par Jacques Delors. Toute son évolution est
marquée par le déni de la démocratie dont les deux points culminants ont été
Maastricht, où nous avons assisté à un bourrage de crâne que vous avez dénoncé,
et le référendum sur la Constitution européenne. Le gouvernement Sarkozy est
passé outre le vote des français avec les encouragements de Bruxelles.
Au delà du TSCG que Hollande a fait ratifier avec l'idée que la règle
d'or ne sera pas respectée par la France, ni par l'Espagne, ni par l'Italie
entre autres, on perçoit déjà que la sémantique du déficit structurel et les
circonstances exceptionnelles auront bon dos. Ce qui est en cause c'est la
construction de l'Europe et de la zone euro…
L'équation économico-sociale posée à la France n'a pas de solution dans
le contexte actuel de l'euro. Comme disent les mathématiciens, il y a trop de
contraintes et pas assez de variables. Dans le domaine de l'austérité,
l'alternative se résume à couper d'un seul coup la queue du chien ou par petits
morceaux. Dans le premier cas c'est un traumatisme social qui peut faire
capoter l'initiative, dans l'autre c'est être rattrapé par la rapidité de la
régression économique qui annihile les efforts avant même leur mise en œuvre.
L'austérité ne se conçoit que dans des réductions structurelles des
dépenses publiques. Elles demandent des années de mise en œuvre et le temps
nous est compté. L'augmentation de la pression fiscale ne peut être productive
qu'en la consacrant exclusivement à l'aide aux entreprises mais son impact
n'est pas certain si la consommation intérieure est trop atteinte.
La seule porte de sortie est la dévaluation pour le court terme et la
réduction des dépenses publiques pour le moyen terme. Quand aura-t-on un
référendum sur le maintien ou non dans la zone euro ? Quand aura-t-on un
référendum pour décider de quelle Europe nous voulons ? Quelles en sont ses
frontières ? Europe confédérale, fédérale ou unitaire comme on nous y emmène
doucement ? »
La petite allusion de François Fillon à une zone euro rétrécie, l’aveu de JP Chevènement d’une
nécessaire dévaluation comme meilleur coup de pouce à la compétitivité
montrent, si cela était encore nécessaire, que la zone euro est malade de sa
monnaie unique. Elle n’est qu’un alignement sur un mark devenu trop fort pour
nombre de pays dont la France. Personne ne veut aller au-delà des mots et
reposer la question des fondements de l’Europe… On nage dans un déni de
démocratie, dans la peur du peuple et dans un manque de courage affligeant.
La zone euro actuelle va mourir.
L’heure et la forme de son décès sont les seules inconnues
Mais le plus tôt sera le mieux !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du
Languedoc-Roussillon
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