La construction européenne part d’une idée sublime qui est
d’effacer les tensions entre les peuples et de construire une zone de paix
d’ailleurs extensible puisque les frontières de l’Europe n’ont jamais été
définies. Le but ultime en était une union politique garantissant une paix
durable qui valait bien le sacrifice d’une perte de souveraineté. Ceci
implique, dans ce monde nouveau que l’on nous prépare, l’abandon de quelques
symboles comme la monnaie, les frontières et ses drapeaux, le clivage
gauche-droite et même de croyances religieuses dépassées.
Pourtant les chemins étaient au moins au nombre de
quatre selon Roland Hureaux dans son livre "Les hauteurs béantes de l'Europe" :
- « Des Etats juxtaposés, vivant en paix mais séparés, tels qu’ils étaient au sortir de la guerre ;
- Des Etats souverains mais coopérants étroitement : l’Europe que le Général De Gaulle imposa dans les années soixante et qui était celle aussi de Mendès-France ;
- L’Europe fédérale et « chrétienne », circonscrite géographiquement, celle des pères fondateurs ;
- L’Europe unitaire, laïque et universelle, celle de Javier Solana et de
Jacques Chirac dernière manière, dont le projet constitutionnel était
l’expression Après les déceptions des idéologies nazies et communistes, le peuple avait besoin d’espérance et l’idée européenne lui a été ainsi vendue avant de devenir une véritable idéologie. Elle a cumulé l’idée grandiose de l’universalisme avec la promotion de principes universels selon Jean Monnet « la Communauté elle-même n’est qu’une étape vers les formes d’organisation du monde de demain ». Ceci tranche avec le pragmatisme de Robert Schumann, père de la Communauté Européenne Charbon-Acier.
On a vendu des idées simples du style « l’union fait la
force », « Les nations sont dépassées », « il faut aller de
l’avant ». On croirait entendre Lénine qui savait qu’il ne fallait pas
demander l’avis du peuple qui serait réticent. C’est cette idée qui est le
fondement d’une idéologie où une élite avancée peut imposer son projet au
peuple sans son assentiment. C’est ce qui s’est produit lors du vote sur la
Constitution Européenne que le peuple français a très clairement refusée. Le
Président Sarkozy, mobilisant toutes les forces politiques et les médias, a
tenté de persuadé le peuple de son erreur et demandé à ses représentants élus
de voter le traité de Lisbonne.
Chacun sait que ce traité était une copie fidèle de la
Constitution dans une présentation différente. Il s’est agi d’un déni
caractérisé de démocratie voire d’une forfaiture en contradiction avec
l’article de la Constitution. La coalition gauche-droite a coupé la parole à
son peuple, ce qui est un comble de la part d’élus qui sont sensés défendre les
positions de leurs électeurs !
Mais le déni de démocratie ne s’arrête pas là. La Commission
de Bruxelles opère un centralisme rigoureux et se voit attribuer de plus en
plus de pouvoirs au détriment des parlements européens qui se dirigent vers de
simples chambres d’enregistrement. Les adhésions de pays nouveaux se font sans
concertation du peuple, supposé être forcément d’accord comme pour la Turquie
qui reste en pourparlers et dont on subventionne les efforts.
De la même façon le Mécanisme Européen de Stabilité, qui de
toute évidence entraîne une perte de souveraineté, se voit refuser l’occasion
d’un référendum. Qui peut nier que lorsqu’un pays ne peut plus disposer de son
argent à son gré il a perdu l’un des deux moteurs principaux, avec l’armée, de
sa souveraineté ? Le centralisme bureaucratique européen éloigne le peuple
de toute légitimité des décisions de Bruxelles. Un tel décalage ne peut durer
longtemps. Même les monarchies se sont préoccupées d’avoir l’assentiment du
peuple et quand elles l’on perdu, elles sont tombées.
Le Parlement est dépouillé par le haut vers Bruxelles et par
le bas dans la décentralisation vers les régions dont l’autonomie est souhaitée
par l’Europe à l’image allemande. L’Europe est un mécanisme de destruction de
la Nation et de la démocratie. Elle est aux mains d’une élite éclairée, une
nouvelle nomenklatura, elle-même le jouet de pouvoirs financiers qui œuvrent
pour une gouvernance mondiale.
Le malheur c’est que l’Europe heureuse reste dans nos rêves
candides. Les conflits sociaux dans les pays du sud grandissent de mois en mois
et bientôt de semaine en semaine. On a déjà réussi le pire avec la Grèce et on
se prépare à le faire pour l’Espagne, le Portugal et l’Irlande. Une Europe
globalement en panne de croissance ne peut espérer réduire ses déficits.
L’austérité est en train de condamner les moteurs économiques dans tous les
pays du Sud. Les peuples au bord de la misère sont ponctionnés jusqu’au sang,
espérons que ceci ne reste qu’une image et que celui-ci ne coule pas bientôt
dans les rues.
On ne peut bâtir une
Europe viable sur une idéologie élitiste,
On ne peut bâtir une
monnaie unique sur de telles disparités entre les nations,
Le pragmatisme des
peuples finira toujours par avoir raison des idéologies,
Bafouer la démocratie
c’est ouvrir la voie à la lutte des classes et des cultes.
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF Languedoc-Roussillon