Joseph Stiglitz, prix
Nobel en sciences économiques en 2001, disait déjà en septembre 2015 que « l’Union Européenne est en train de détruire
son avenir » et que « les
premiers qui quitteront l’euro s’en tireront le mieux ». Il rappelait
que la dette n’est porteuse d’avenir que si elle sert aux investissements
productifs, ce que l’UE a oublié. Dans le budget français c’est en rognant sur
les investissements que l’on préfère agir d’abord. La BCE ne cesse de produire
de la monnaie de singe qui va directement dans la spéculation et les
investisseurs se dirigent désormais principalement vers l’Allemagne qui
apparaît plus sûre. Ceci renforce le déséquilibre croissant entre ce pays et
les pays du sud en difficulté. C’est pourquoi la France est dans l’œil du
cyclone et l’objet de toute l’attention du monde économique et politique.
D’abord
elle devient faible économiquement. Elle se trouve désormais en queue de peloton
de la zone euro. Son 1,2% de croissance en 2015 est devenu 1% en 2016, pour
1,5% prévue et réajustée à 1,2% dans le budget prévisionnel, mais dans le même
temps la croissance de la zone euro a été de 1,7%. Le chômage stagne à 10% en France,
alors qu’il est passé en deux ans de 10,2% à 9,6% dans la zone euro. Notre
déficit commercial a été de 48 Mds€ l’an passé et monte à 8 Mds€ en
janvier, ce qui est de mauvaise augure pour l’année 2017. Pourtant la zone euro
dégage un excédent de 250 Mds€, avec l’Allemagne qui en fait la plus grande
part. De plus nous ne sommes toujours pas rentrés dans les critères de
Maastricht. Le déficit budgétaire a été de 3,4%/PIB l’an dernier alors que la
zone euro est à 1,7%. Le déficit prévu pour cette année est de 2,7%, ce qui
nous ferait rentrer dans le critère fixé en dessous de 3%, mais la Cour des
Comptes et la Commission des Finances de l’Assemblée jugent cet objectif peu
probable compte-tenu des hypothèses de taux d’emprunt et de croissance jugées
trop optimistes. Cela ne va pas mieux du côté de la dette qui atteint 96% alors
que la zone euro est à 90%, toujours très loin des 60% exigés par le traité de Maastricht.
Par
contre l’Allemagne va encore très bien mais elle n’est pas la seule. On peut
citer les Pays-Bas qui ont 2,1% de croissance et un chômage de 5%. Ceci fait
dire aux européistes que l’on peut être en bonne situation économique en étant
dans la zone euro, laissant supposer que notre mauvaise réussite est totalement
due à notre faute et que nous n’avons pas bien appliqué l’austérité à l’allemande
exigée. Seulement la Norvège, la Suisse, la Suède, le Danemark vont aussi bien
hors de l’euro et même pour deux d’entre eux en dehors de l’UE. Par contre l’ensemble
des pays du sud ne vont pas bien… Est-ce à cause du soleil qui diminue l’ardeur
au travail ? Ce n’est pas une plaisanterie malheureusement car c’est ce
que l’Allemagne pense de la Grèce et même de nous. Oui c’est vrai, nous n’allons
pas bien. Notre PIB/habitant stagne depuis 10 ans, alors qu’il augmente dans la
zone euro et nous tombons à la 28ème place mondiale. Notre dette
publique a atteint 2147 Mds€, et la dette grecque est de 320 Mds€. A titre de
comparaison la faillite de Lehman Brothers le 28/09/08 se montait à 600 Mds€. La
Grèce est sous tutelle et ne survit que des prêts accordés par la BCE et le
FMI, mais l’Allemagne ne veut pas de neutralisation d’une partie de la dette
grecque. L’argent provient en fait du Mécanisme européen de stabilité, le MES,
doté de 900 Mds€ garantis par les Etats. Le problème est que 450 Mds€ ont déjà
été utilisés dans les pays périphériques. Un défaut de la France ne pourrait
pas être pris en charge par le MES et l’Allemagne ne pourrait pas non plus nous
venir en aide, car l’addition serait trop lourde.
Les chantres
du « Plus d’Europe » ne
peuvent empêcher le pays le plus bénéficiaire de l’UE, l’ Allemagne, de refuser
d’envisager de permettre instantanément la prise en compte d’un effacement des
dettes et de mise à leur niveau des économies des autres pays. C’est 8 à 10% de
leur PIB qu’ils devraient engager. Plus ils tarderont plus la note sera lourde
car les inégalités ne cessent de s’aggraver. L’application des directives
communes ne peut qu’accroître celles-ci. Mais la France avait réussi jusqu’à
présent à se tenir au-dessus de la moyenne de la zone euro. Son poids
intrinsèque était donc favorable ou neutre dans le déséquilibre entre pays du
nord et du sud. Ce qui est nouveau, c’est qu’elle commence à basculer du côté
des pays du sud en passant au-dessous de cette moyenne. Or dès que le mouvement
s’amorce, il a tendance à s’accélérer.
La France est
un poids lourd dans la zone euro en y étant la deuxième économie et reste la 6ème
économie mondiale. Il y a au moins trois raisons qui en font un pays systémique
qui peut avoir des conséquences sur l’économie et la finance européennes et
mondiales. En plus de la dégradation relative de son économie, elle inquiète le
monde par la montée de la violence, le terrorisme qui en fait le 3ème
pays le plus touché dans le monde hors zones de guerre, et la segmentation de
la population. La troisième raison est la montée en France d’un refus de l’UE
et de son corolaire l’OTAN que les Italiens regardent avec intérêt et bien d’autres
peuples comme les Néerlandais. Le monde de l’économie mondialisée y voit des
signes inquiétants pour tout l’échafaudage bâti sur la fin de la conversion du
dollar en or et la mise en place d’un pétrodollar qui amenait la prééminence du
dollar comme monnaie principale d’échanges et de réserve et la mondialisation.
La peur
étreint ce monde artificiel mais lucratif des grands banquiers et lobbies, qui
pratiquent l’optimisation fiscale, la spéculation et le transfert de capitaux
dans les paradis fiscaux. La peur est que ce prédisait Maurice Allais, le seul
économiste français ayant reçu le prix Nobel en 1988, entraîne un virage
économique qui freine le pompage de l’argent du travail du bas vers le haut et
redistribue les profits sur les classes moyennes et paupérisées. Selon Maurice
Allais : « La libération des
échanges n'est possible, n'est avantageuse, n'est souhaitable que dans le cadre
d'ensembles régionaux économiquement et politiquement associés, groupant des
pays de développement économique comparable, chaque association régionale se
protégeant raisonnablement vis-à-vis des autres. » De toute évidence
le montage de l’UE n’a pas répondu à cette condition nécessaire et les
résultats se font sentir une dizaine d’années après pour nous mais bien avant
pour la Grèce et Chypre, et même l’Espagne et l’Italie.
L’UE vacille et l’élection française est
suivie de près mondialement. L’électeur français n’en est sans doute pas
conscient et se lamente surtout des affaires qui entachent un peu plus la
crédibilité des politiques, affaires auxquelles les médias et la justice ont
donné une importance hors de proportion, laissant une impression de malaise
entre le complot et la culpabilité réelle. La vraie bataille entre les
européistes et les indépendantistes n’a donné lieu qu’à quelques escarmouches et
se dissimule encore derrière la diabolisation du FN sous prétexte de racisme,
prétexte commode pour occulter la vraie bataille que regarde le monde
économique et financier. L’accusation d’un programme économique dément ou
irréalisable vaut pour la plupart des candidats jusqu’à Fillon qui ne cesse de
faire des concessions catégorielles et déséquilibre donc son projet initial. Là
encore on occulte le débat de fond sur lequel les européistes verraient se
lever la contradiction de Marine Le Pen, de Dupont-Aignan, dans une moindre
mesure de Mélenchon et d’un Asselineau, qui bien que classé dans les « petits »,
ne cesse de progresser sur les réseaux sociaux et met les pieds dans le plat
avec le Frexit immédiat. On attend toujours l’affrontement avec les européistes,
comptables d’un bilan désastreux mais toujours lanceurs d’illusions, Macron en
tête.
La France est dans l’œil du cyclone.
On le cache au citoyen français,
Le monde ne s’y trompe pas.
Aspiration vers le fond
Ou remise en orbite ?
Claude Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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