Les
écologistes qui affichent sur leur véhicule « Sortir du nucléaire »,
car je ne mets pas tous les écologistes dans le même sac, masquent beaucoup des
conséquences d’une telle décision et en particulier le lien entre le nucléaire
civil et le nucléaire militaire. L’écologie n’appartient pas aux écologistes,
elle est une attitude de protection non de la nature, agressive par essence,
mais de l’homme qui, de ce fait, ne peut qu’appartenir à toutes les
sensibilités politiques. Laisser l’écologie à des partis écologiques ne peut
que la conduire à l’écologisme, forme dogmatique de l’écologie. Qui peut
souhaiter que nos plages soient souillées de détritus divers ? Qui peut
souhaiter qu’elles soient remplies d’algues vertes nourries par le déversement
de produits chimiques divers utilisés par l’agriculture ? Qui peut
souhaiter que nos rivières soient polluées ? Qui peut souhaiter que l’air
soit irrespirable ? Etc. Mais quand l’écologisme prend le pas sur la
science et agite la peur au lieu d’une analyse contradictoire où le bon sens ne
cède pas devant le dogmatisme, il y a danger d’orienter la politique dans un
sens nuisible à la nation.
On
peut considérer que le risque nucléaire, si minime soit-il, est insupportable.
Il faut alors considérer tous les autres risques, en particulier chimiques et
de transport, qui conduisent à un nombre de morts immédiates sans comparaison
avec les morts par la radioactivité. Je me permets de souligner que la
catastrophe de Fukushima mise en avant comme argument fait fi des 20.000 morts
dus au tsunami sur la côte japonaise, tsunami qui a aussi submergé les digues de
protection des réacteurs nucléaires. On ne peut donc pas décemment dire que la
catastrophe nucléaire a tué le même nombre de morts. L’évaluation de la
nocivité de la radioactivité sur les populations proches sera très difficile,
quasi nulle pour l’instant, ne peut se faire que sur une période longue où les
causes seront toujours difficiles à séparer. En Ukraine des populations vivent
toujours dans des zones interdites après Tchernobyl sans que l’on puisse
affirmer qu’elles ont une durée de vie raccourcie.
Mais,
ceci étant dit, prenons le parti du « Sortir du nucléaire » pour en
analyser les conséquences sur la politique globale de notre pays. J’ai dans de
nombreux articles montré que le choix des énergies renouvelables (EnRi) conduisait
inexorablement à consommer plus d’électricité d’origine thermique donc
polluante. Ce constat réduit donc ce choix à : « Mieux vaut polluer plus que risquer une catastrophe nucléaire. »
Ce point de vue est néanmoins respectable sauf que la pollution en question
inclut aussi l’émission de CO2. Donc, si je crois la doxa actuelle,
le choix du « Sortir du nucléaire » s’exprime par : « Mieux vaut polluer et augmenter le
réchauffement climatique, que risquer une catastrophe nucléaire ». Ce
point de vue est respectable sauf qu’il tranche un débat cornélien entre
réchauffement, qui nous promet les pires catastrophes et celle du nucléaire.
Mais l’électricité des EnRi est toujours plus chère que l’électricité nucléaire
selon les chiffres publiés par RTE. Le choix du « Sortir du nucléaire »
s’exprime donc ainsi : « Mieux vaut polluer, augmenter le réchauffement
climatique et payer l’électricité deux fois plus chère, que risquer une
catastrophe nucléaire. »
La France
est non seulement le pays du monde produisant le plus d’électricité nucléaire
par habitant, ce qui en fait d’ailleurs une référence
dans le rapport danger/production nucléaire, rapport pour l’instant très proche
de zéro depuis un demi-siècle, mais c’est un pays qui s’est doté d’industries
lui donnant la maîtrise de tout le cycle nucléaire civil, c’est-à-dire à toutes
les étapes entre le "minerai uranium",
son utilisation dans les réacteurs et son recyclage. Nous avons des
participations très importantes dans des mines d’uranium en Afrique, Asie,
Australie et Amérique du Nord, assurant une sécurité d’approvisionnement. Des
usines de traitement du minerai existent en France et l’enrichissement de l’uranium
pour le porter à une teneur de 4% en uranium fissile se fait à Eurodif près de
la centrale du Tricastin. Celle-ci produit aussi pour plusieurs pays étrangers.
Enfin l’usine de retraitement de la Hague dans le Cotentin sépare l’uranium et
le plutonium, à recycler, des déchets nucléaires pour en diminuer
considérablement le volume. Elle a aussi une vocation internationale.
« Sortir
du nucléaire » c’est donc condamner ces usines à terme ou les réduire à
leur seule vocation internationale avec une compétitivité très affaiblie par la
diminution de taille. Mais il y a un autre problème, c’est le lien avec le
nucléaire militaire. J’ai professionnellement participé à la fermeture de l’usine
militaire d’enrichissement, ordonnée par Chirac, usine dont le but était de
porter le pourcentage d’uranium fissile au-dessus de 90% pour la fabrication
des armes. Depuis nous vivons sur le stock créé, et les armes vieillissent au
sens de la diminution de leur efficacité. Mais il y a un autre point capital, c’est
la propulsion marine et en particulier de nos sous-marins nucléaires qui
demande un enrichissement autour de 20% que nous ne pouvons plus réaliser sinon
par mélange de l’U militaire à l’U naturel ou à la teneur civile de 4%. Cette
opération est d’ailleurs du gâchis car elle jette par la fenêtre tout le
travail d’enrichissement nécessaire pour atteindre la teneur nécessaire aux
armes.
Il
est évident que la demande d’U235pour nos armes nous en rendrait
particulièrement dépendant d’un pays étranger. Il reste l’option de recréer une
usine militaire à base de centrifugation. L’usine civile de centrifugeuses
existe à Eurodif près du Tricastin. Il faut alors lui adjoindre une usine supplémentaire
dédiée. Si l’usine civile EURODIF devient non rentable, nous ne pourrons pas
nous servir à l’étranger pour pousser son enrichissement à la teneur militaire.
Ceci est interdit par les conventions internationales que surveille l’AIEA. C’est
pourquoi l’Iran a grand besoin de se servir du prétexte de l’utilisation civile
pour disposer de l’utilisation militaire. On voit que ce lien civil-militaire
demande de bien réfléchir avant de sortir du nucléaire.
Il
se profile une autre interrogation sur le nucléaire militaire. L’Allemagne pousse
à la création d’une défense européenne où elle compte bien jouer un rôle
central, une fois le Royaume-Uni parti, sauf que la France sera alors le seul pays
européen doté de l’arme nucléaire. L’Allemagne a donc tout intérêt à inclure la
France dans une défense commune car elle récupère ainsi la capacité de dissuasion
nucléaire française. L’occasion peut se présenter pour argumenter dans ce sens
quand Donald Trump fait savoir que sa participation financière à l’OTAN doit
diminuer significativement. La France, diminuée dans ses capacités pour l’uranium
civil, et perdant la maîtrise du nucléaire militaire, perd l’un des atouts-maîtres
par rapport à l’Allemagne, et risque même de voir son siège au Comité de
Sécurité de l’ONU remis en cause pour le refiler à l’UE. On voit donc que l’option
nucléaire est un tout, voulu d’ailleurs par De Gaulle et Pompidou. C‘est donc
une option fondamentale de la politique de défense et étrangère de la France.
Le
silence de certains candidats sur ce point, ou leur position non encore
affirmée, est un manque grave de cette campagne. Car évidemment, comme
toujours, des évolutions se trament dans notre dos et nous risquons fort d’être
une fois de plus mis devant le fait accompli.
La France, le pays le plus nucléarisé du
monde, vire à 180°.
Le Japon, le plus touché par le
nucléaire militaire et civil,
Relance son option nucléaire pour l’électricité.
Veut-on soumettre le premier à la peur,
El le second n’est-il qu’un kamikaze ?
C’est à nous d’en juger sereinement
Ce qui n’est toujours pas le cas !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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