jeudi 23 mars 2017

Défense nationale et sortie du nucléaire

Les écologistes qui affichent sur leur véhicule « Sortir du nucléaire », car je ne mets pas tous les écologistes dans le même sac, masquent beaucoup des conséquences d’une telle décision et en particulier le lien entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire. L’écologie n’appartient pas aux écologistes, elle est une attitude de protection non de la nature, agressive par essence, mais de l’homme qui, de ce fait, ne peut qu’appartenir à toutes les sensibilités politiques. Laisser l’écologie à des partis écologiques ne peut que la conduire à l’écologisme, forme dogmatique de l’écologie. Qui peut souhaiter que nos plages soient souillées de détritus divers ? Qui peut souhaiter qu’elles soient remplies d’algues vertes nourries par le déversement de produits chimiques divers utilisés par l’agriculture ? Qui peut souhaiter que nos rivières soient polluées ? Qui peut souhaiter que l’air soit irrespirable ? Etc. Mais quand l’écologisme prend le pas sur la science et agite la peur au lieu d’une analyse contradictoire où le bon sens ne cède pas devant le dogmatisme, il y a danger d’orienter la politique dans un sens nuisible à la nation.

On peut considérer que le risque nucléaire, si minime soit-il, est insupportable. Il faut alors considérer tous les autres risques, en particulier chimiques et de transport, qui conduisent à un nombre de morts immédiates sans comparaison avec les morts par la radioactivité. Je me permets de souligner que la catastrophe de Fukushima mise en avant comme argument fait fi des 20.000 morts dus au tsunami sur la côte japonaise, tsunami qui a aussi submergé les digues de protection des réacteurs nucléaires. On ne peut donc pas décemment dire que la catastrophe nucléaire a tué le même nombre de morts. L’évaluation de la nocivité de la radioactivité sur les populations proches sera très difficile, quasi nulle pour l’instant, ne peut se faire que sur une période longue où les causes seront toujours difficiles à séparer. En Ukraine des populations vivent toujours dans des zones interdites après Tchernobyl sans que l’on puisse affirmer qu’elles ont une durée de vie raccourcie. 

Mais, ceci étant dit, prenons le parti du « Sortir du nucléaire » pour en analyser les conséquences sur la politique globale de notre pays. J’ai dans de nombreux articles montré que le choix des énergies renouvelables (EnRi) conduisait inexorablement à consommer plus d’électricité d’origine thermique donc polluante. Ce constat réduit donc ce choix à : « Mieux vaut polluer plus que risquer une catastrophe nucléaire. » Ce point de vue est néanmoins respectable sauf que la pollution en question inclut aussi l’émission de CO2. Donc, si je crois la doxa actuelle, le choix du « Sortir du nucléaire » s’exprime par : « Mieux vaut polluer et augmenter le réchauffement climatique, que risquer une catastrophe nucléaire ». Ce point de vue est respectable sauf qu’il tranche un débat cornélien entre réchauffement, qui nous promet les pires catastrophes et celle du nucléaire. Mais l’électricité des EnRi est toujours plus chère que l’électricité nucléaire selon les chiffres publiés par RTE. Le choix du « Sortir du nucléaire » s’exprime donc ainsi : « Mieux vaut polluer, augmenter le réchauffement climatique et payer l’électricité deux fois plus chère, que risquer une catastrophe nucléaire. » 

La France est non seulement le pays du monde produisant le plus d’électricité nucléaire par habitant, ce qui en fait d’ailleurs une référence dans le rapport danger/production nucléaire, rapport pour l’instant très proche de zéro depuis un demi-siècle, mais c’est un pays qui s’est doté d’industries lui donnant la maîtrise de tout le cycle nucléaire civil, c’est-à-dire à toutes les étapes entre le "minerai uranium", son utilisation dans les réacteurs et son recyclage. Nous avons des participations très importantes dans des mines d’uranium en Afrique, Asie, Australie et Amérique du Nord, assurant une sécurité d’approvisionnement. Des usines de traitement du minerai existent en France et l’enrichissement de l’uranium pour le porter à une teneur de 4% en uranium fissile se fait à Eurodif près de la centrale du Tricastin. Celle-ci produit aussi pour plusieurs pays étrangers. Enfin l’usine de retraitement de la Hague dans le Cotentin sépare l’uranium et le plutonium, à recycler, des déchets nucléaires pour en diminuer considérablement le volume. Elle a aussi une vocation internationale.

« Sortir du nucléaire » c’est donc condamner ces usines à terme ou les réduire à leur seule vocation internationale avec une compétitivité très affaiblie par la diminution de taille. Mais il y a un autre problème, c’est le lien avec le nucléaire militaire. J’ai professionnellement participé à la fermeture de l’usine militaire d’enrichissement, ordonnée par Chirac, usine dont le but était de porter le pourcentage d’uranium fissile au-dessus de 90% pour la fabrication des armes. Depuis nous vivons sur le stock créé, et les armes vieillissent au sens de la diminution de leur efficacité. Mais il y a un autre point capital, c’est la propulsion marine et en particulier de nos sous-marins nucléaires qui demande un enrichissement autour de 20% que nous ne pouvons plus réaliser sinon par mélange de l’U militaire à l’U naturel ou à la teneur civile de 4%. Cette opération est d’ailleurs du gâchis car elle jette par la fenêtre tout le travail d’enrichissement nécessaire pour atteindre la teneur nécessaire aux armes.

Il est évident que la demande d’U235pour nos armes nous en rendrait particulièrement dépendant d’un pays étranger. Il reste l’option de recréer une usine militaire à base de centrifugation. L’usine civile de centrifugeuses existe à Eurodif près du Tricastin. Il faut alors lui adjoindre une usine supplémentaire dédiée. Si l’usine civile EURODIF devient non rentable, nous ne pourrons pas nous servir à l’étranger pour pousser son enrichissement à la teneur militaire. Ceci est interdit par les conventions internationales que surveille l’AIEA. C’est pourquoi l’Iran a grand besoin de se servir du prétexte de l’utilisation civile pour disposer de l’utilisation militaire. On voit que ce lien civil-militaire demande de bien réfléchir avant de sortir du nucléaire.



Il se profile une autre interrogation sur le nucléaire militaire. L’Allemagne pousse à la création d’une défense européenne où elle compte bien jouer un rôle central, une fois le Royaume-Uni parti, sauf que la France sera alors le seul pays européen doté de l’arme nucléaire. L’Allemagne a donc tout intérêt à inclure la France dans une défense commune car elle récupère ainsi la capacité de dissuasion nucléaire française. L’occasion peut se présenter pour argumenter dans ce sens quand Donald Trump fait savoir que sa participation financière à l’OTAN doit diminuer significativement. La France, diminuée dans ses capacités pour l’uranium civil, et perdant la maîtrise du nucléaire militaire, perd l’un des atouts-maîtres par rapport à l’Allemagne, et risque même de voir son siège au Comité de Sécurité de l’ONU remis en cause pour le refiler à l’UE. On voit donc que l’option nucléaire est un tout, voulu d’ailleurs par De Gaulle et Pompidou. C‘est donc une option fondamentale de la politique de défense et étrangère de la France.

Le silence de certains candidats sur ce point, ou leur position non encore affirmée, est un manque grave de cette campagne. Car évidemment, comme toujours, des évolutions se trament dans notre dos et nous risquons fort d’être une fois de plus mis devant le fait accompli.


La France, le pays le plus nucléarisé du monde, vire à 180°. 

Le Japon, le plus touché par le nucléaire militaire et civil,

Relance son option nucléaire pour l’électricité. 

Veut-on soumettre le premier à la peur,

El le second n’est-il qu’un kamikaze ? 

C’est à nous d’en juger sereinement

Ce qui n’est toujours pas le cas !


Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon


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