Fillon
est au bord du gouffre, débordé par les médias qui attisent le feu, et par les
siens qui en appellent au salut du parti face au danger de Marine Le Pen. Ces
derniers nous jouent la comédie car le vrai danger pour eux est pour l’instant
Macron. On note d’ailleurs qu’ils ont tout fait pour ne pas attendre le
résultat de la manifestation populaire pour soutenir la légitimité de sa
candidature à l’issue de la primaire de la droite. Il s’agit en fait pour eux
de se trouver dans le bon camp au bon moment. L’exemple typique est celui de Bruno
Lemaire qui affichait ses préférences pour Juppé pendant la primaire de droite,
se ralliait aussitôt à Fillon dès sa victoire et s’éloigne de lui parmi les
premiers dès que cela sent le roussi. C’est un bel exemple de courage politique.
Le représentant officiel du changement de camp se nomme François Bayrou qui
déclarait en octobre 2014 : « Si
la droite choisit Alain Juppé ou François Fillon, je suis prêt à faire un
accord avec eux, sinon on verra… ». On a vu en effet, le voilà chez
Macron. Daniel Cohn-Bendit a sans doute vu juste : « Mon pote, je te dis, jamais tu seras président de la République,
parce que t’es trop minable. »
Les
jours ou au plus les deux semaines qui viennent trancheront sur le cas Fillon
qui nous a donné l’image du népotisme qui corrompt la classe politique
française. Le népotisme désigne en effet une pratique qui, pour un responsable
(élu, haut fonctionnaire, notable, dirigeant d'entreprise...), consiste à
distribuer des honneurs, des avantages ou des emplois à des membres de sa famille,
à des amis ou à des proches, plutôt qu'aux personnes qui y ont droit. Alors que
François Fillon se pare d’un catholicisme avoué, il est cocasse de noter qu’historiquement
et étymologiquement, le népotisme est une forme de favoritisme qui régnait au
Vatican, en particulier au XVIe siècle, consistant pour un pape à attribuer des
titres, des donations ou des faveurs à ses parents, notamment à ses neveux,
d'où l'origine du mot.
Mais
le recours au soutien direct de l’opinion publique en dehors des procédures de
déroulement normal, pratiqué par Fillon, pose un problème de démocratie. La
démocratie est le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou
contrôlé par le peuple (principe de souveraineté), sans qu'il y ait de
distinctions dues à la naissance, la richesse, la compétence... (principe
d'égalité). Nous sommes dans une démocratie
parlementaire ou représentative duale où le Gouvernement qui incarne le
pouvoir exécutif, peut être renversé par le Parlement devant lequel il est
politiquement responsable. Les membres du Gouvernement ne sont pas élus, mais
sont issus de la majorité parlementaire à laquelle ils doivent leur pouvoir. Le
pouvoir de renversement du Gouvernement est réciproque lorsque l'exécutif (le
chef de l'Etat) dispose de la faculté de révoquer le Parlement (pouvoir de
dissolution), ce qui incite les deux pouvoirs à collaborer. Cette dualité n’existe
pas au Royaume-Uni. Chez nous le pouvoir du peuple s'exerce par l'intermédiaire
de représentants désignés lors d'élections au suffrage universel, directement
pour les députés et le Président de la République et indirectement pour les
sénateurs, les conseillers régionaux et les représentants dans les Communautés
de communes.
Lorsque
que l’on passe à un mode de fonctionnement du pouvoir politique dans lequel les
décisions sont prises pour répondre aux désirs de l'opinion publique, censée
correspondre à celle de la majorité des citoyens, on passe dans une démocratie d’opinion. C’est ce que
réclame au peuple François Fillon en lui demandant de se rassembler dimanche
pour le soutenir. C'est aussi la tendance à recourir aux enquêtes et aux
sondages pour orienter les choix politiques avec une plus grande réactivité. La
démocratie d'opinion traduit souvent une dérive vers le populisme et la
démagogie. Elle considère l'opinion publique comme l'acteur politique
prépondérant. Elle a pour conséquence de minimiser le rôle des partis
politiques et de favoriser le carriérisme politique. L'émergence de la notion
d'opinion publique est liée à l'apparition des sondages. Leurs résultats sont
analysés et disséqués. Les moindres variations constatées sur un sujet donné
entraînent des réactions quasi immédiates de la part des acteurs concernés,
notamment de certains hommes politiques. L'opinion publique devient alors un
déclencheur de l'action politique.
Ce
mode de fonctionnement est loin de ne présenter que des avantages car il peut
être facilement dévoyé. Les sondages ne donnent qu'une somme des opinions
privées instantanées sur des questions suscitées par le sondage lui-même. Ils
sont une représentation faussée de l'opinion publique sans parler de la
manipulation des résultats des sondages qui ont toujours un payeur
commanditaire. Elle polarise l’opinion sur les sujets choisis par les sondeurs
et faussent un débat de fond plus large. Il n'est pas souhaitable que l'action
politique soit guidée de manière immédiate par l'opinion publique qui n'est qu'une
photographie à un moment donné. Il est important que le débat politique soit à
même de faire évoluer les consciences des citoyens. Elle privilégie les
sentiments, les passions, les frustrations, les peurs et les rancœurs au
détriment de la rationalité, de la connaissance, de la cohérence, de
l'expérience, etc.
La démocratie
d'opinion constitue une dérive de la démocratie représentative qui s'est
accentuée, en France, depuis les dernières élections présidentielles. Le
développement des relations publiques, du marketing et de la communication dans
le domaine de la politique constituent des moyens de séduction, d'influence,
voire de manipulation pour orienter le vote des citoyens de la même manière que
la publicité cherche à orienter le choix des consommateurs. Cette rapide
évolution tourne à la « doxocratie » (du grec doxa, opinion, et du grec
"kratos", pouvoir, autorité) . Le terme doxocratie a été forgé, avec
le sens de démocratie d'opinion, par Jacques Julliard, journaliste directeur
délégué de la rédaction du Nouvel Observateur, dans une chronique publiée dans
cet hebdomadaire le 23/10/2007 et intitulée "De la doxocratie : L’histoire dans la rue". La transformation
que décrit le terme doxocratie est le passage d'un régime parlementaire dans
lequel l'électeur délègue sa souveraineté à celui qu'il élit, à un système où
les citoyens entendent participer au gouvernement de la nation grâce aux
sondages, à la télévision et à Internet. Ces derniers sont justement les
manettes dont dispose l’oligarchie financière qui ne représente nullement les
aspirations du peuple. L’archétype de cette manipulation est le produit
marketing Macron et le déclenchement de l’affaire Fillon par l’organisation de
fuites opportunes largement relayées par les médias qui poussent à l’hystérie
collective.
Avec
un sens plus proche de l'étymologie, la doxocratie est un système politique
régi par l'opinion, où règnent les sondages, les modes médiatiques, les pensées
dominantes, et se traduit par une forme de populisme. Se pose alors la question
de l'indépendance et de la représentativité des grands médias qui se font
l'écho des "pensées dominantes". Ne sommes-nous pas en train de
passer de la démocratie parlementaire à la démocratie d’opinion ?
Diminuer le pouvoir d’élus discrédités qui
nous représentent
Pour passer à une démocratie d’opinion
où on se livre
A des manipulations permanentes des
électeurs
N’a de sens que si les manipulateurs
N’œuvrent pas pour eux
Et ce n’est pas le cas !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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