mardi 25 novembre 2014

L’Iran revient sur le tapis ? Il ne l’a jamais quitté ! (2ème partie : le vrai conflit)

Les six pays réunis à Vienne pour trouver une solution à la question du nucléaire iranien se sont séparés sur un constat d’échec mais se donnent un nouveau délai jusqu’en juin 2015 pour trouver un compromis acceptable. Les pourparlers devraient recommencer en décembre. Il ne fallait pas attendre grand-chose de cette réunion tant la question nucléaire n’est que le prétexte cachant la question de la survie de l’Iran en dehors de la mainmise de l’hégémonie américaine. L’Iran a le défaut d’être une grande puissance pétrolière et un pays doté d’un gouvernement fort, capable de mobiliser pour se défendre contre des agressions intérieures et extérieures. Il s’agit d’une grande civilisation qui a forgé son unité dans toute l’histoire du monde et dans lequel la puissance de la religion ne permet que difficilement la manipulation étrangère comme en Égypte, en Tunisie, en Syrie et en Ukraine.

Pour se rendre maître de l’Irak, il a fallu abattre Sadam Hussein. On ne se rendra pas maître de l’Iran par la méthode du chaos, il faudra en arriver à un conflit armé si les États-Unis veulent mettre à genoux ce pays. Le changement à la tête du pays n’a en rien atténué le sentiment national persan et non arabe, celui d’être une grande nation du monde à la culture flamboyante dans l’histoire et ayant guerroyé pendant des millénaires. L’Iran n’a aucune attirance pour la civilisation occidentale et se sent partie intégrante de l’Asie. Elle porte donc de plus en plus ses regards vers la Russie et la Chine. Les sanctions dont elle est l’objet ne sont qu’une nouvelle incitation à se tourner vers l’est.

La Russie vient de signer avec l’Iran un contrat pour la construction de deux réacteurs nucléaires et une quinzaine d’autres est en perspective. On constate que même une nation pétrolière, ayant une indépendance énergétique, se lance dans la production d’électricité nucléaire, ce qui affaiblit d’autant l’argumentation de nos écologistes sur l’indépendance et la nécessité d’une politique du vent aléatoire. On constate aussi que c’est l’industrie nucléaire russe qui est en train de nous damer le pion dans un secteur où nous étions l’une des deux grandes nations exportatrices. La non-fiabilité de notre signature, de plus en plus avérée, et notre discréditation du nucléaire ne vont pas arranger les choses.

Par ailleurs les liens avec les BRICS, où le couple russo-chinois lance une association qui va bien au-delà d’un simple libre-échange, progressent. Un bloc de pays émergents se constitue, met en commun ses ressources, coordonne les échanges, privilégie le commerce entre soi, développe un secteur bancaire spécifique, et parle d’une monnaie commune où le yuan se taille la part du lion. Mais au-delà une stratégie de développement de l’Asie commence à passer dans les actes avec une multiplication des réseaux routiers, maritimes, gaziers, pétroliers et de télécommunication informatique. Plus loin encore, des accords militaires à base de réciprocité sont en cours.

Ce bloc s’oppose à la tenaille des États-Unis à l’ouest avec l’UE, la Turquie, Israël, les États du golfe, la présence en Irak et au Pakistan, ainsi qu’à l’Est de l’Asie par les Philippines, la Corée du Sud, le Japon, Taiwan. Cependant la situation évolue, la Turquie commence à jouer le double jeu, États-Unis et Asie ; les États du golfe deviennent moins malléables et le Pakistan est de plus en plus traversé par des courants anti-américains. De l’autre côté le Japon et la Corée du sud jouent aussi un double jeu en ne voulant pas renoncer à leur intégration dans une Asie qui devient le centre du monde. L’Iran ne peut rester insensible à cette évolution du monde avec la carte pétrolière dont elle dispose, pas plus que ne le peuvent l’Inde et le Pakistan qui doivent encore faire l’effort de régler leurs conflits de frontière pour intégrer pleinement ce nouveau bloc.

C’est là le vrai sujet géostratégique qui est derrière le conflit du nucléaire iranien. Il cache la guerre encore tiède sur la maîtrise du monde par la plus grande puissance militaire, fébrile parce qu’elle voit arriver son déclin économique et l’effritement de la puissance du dollar. Mais plus l’Iran se tournera vers l’est, moins le danger d’une attaque nucléaire à base religieuse sera dans sa stratégie. L’Iran n’est pas une république bananière. Rien ne peut justifier de stigmatiser ce pays alors que les agresseurs patentés sur l’Asie sont les occidentaux. Les Etats-Unis avec un pied en Afghanistan et un autre en Irak balancent leurs militaires d’un pays à l’autre dans une politique agressive à relents de pétrole et de destruction de tous les pouvoirs pouvant s’opposer à leurs vues.

Pour opacifier un peu plus le conflit qui se joue avec l’Iran, il faut ajouter la guerre interne au monde musulman, entre chiites et sunnites, qui entraîne l’Iran dans une alliance de circonstance avec le gouvernement irakien contre l’EIIL, mais aussi de fait avec l’alliance occidentale, donc les USA. Dans ce contexte la France aurait un rôle de médiateur à jouer car ses bonnes relations avec le Shah et Khomeiny par la suite ne lui ont pas valu la vague d’anti-américanisme qui a déferlé sur l’Iran. Mais aujourd’hui il est inutile de parler d’une politique étrangère française cadrée sur des vues géostratégiques à long terme… elle n’existe plus puisqu’il lui suffit de répéter comme un perroquet les décisions américaines. 

La présence militaire de l’alliance transatlantique en Irak,

L’intensification des vues hégémoniques américaines,

La constitution d’une alliance Russie-Chine-Iran,

La montée en puissance militaire du Hamas,

Celle du sentiment d’insécurité d’Israël,

Sont autant de raisons  pour que…

Le conflit dégénère ! 

Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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