samedi 29 novembre 2014

Le plan de la dernière chance pour l’Europe ?



Le président Juncker de la Commission européenne a présenté le 26 novembre un plan d'investissements de 315 milliards d'euros afin de relancer l'économie européenne. Le budget de l'UE fournira 16 milliards d'euros et cinq de plus viendront de la Banque européenne d'investissement. Le reste sera financé par des investisseurs privés. Tous les États membres sont d’accord sur la nécessité de rattraper un retard d’investissements qui s’est accumulé depuis la crise financière de 2008, afin d’éviter une longue période de stagnation, voire de déflation. Malheureusement, les caisses des États sont vides. C’est pourquoi Jean-Claude Juncker va jouer les magiciens pour sa relance, équivalente à 2 % du PIB de l’Union et dont il espère in fine la création de plus de 1 million d’emplois. Pour y parvenir, il compte utiliser plus intelligemment le budget de l’Union, avec une grosse dose d’ingénierie financière avec un appel à l’investissement privé. 

Les experts et les hommes politiques européens s’interrogent particulièrement sur “le dosage entre financement public et privé, les conséquences sur les finances des États, l’attractivité du dispositif et donc ses chances de réussite”. Les investissements privés seront “actionnés par des garanties ou des mises de départ publiques”. Il n’y aura “pas de quota par État” et ce sont des experts indépendants et non des fonctionnaires qui choisiront les projets subventionnés. 

Rien ne prouve que ce plan dans lequel on jette un hameçon européen de 21 milliards pour attraper un plus gros poisson privé de 294 milliards sur 5 ans aura l’effet escompté car les investisseurs ne mettront leur argent que sur des projets qu’ils estiment rentables ou offrant un minimum de risques. Par ailleurs ce plan reste faible en pourcentage du PIB européen qui atteindra les 15.000 Mds€. La France a été l’un des pays les plus attachés à ce plan de relance freiné par l’Allemagne. Elle poursuit dans la voie du relais de l’Europe pour retrouver une croissance qu’elle ne sait plus relancer elle-même. Mais si l’élite intellectuelle et politique reste sur une Europe relais de puissance, les résultats ne sont pas au rendez-vous et le peuple français se lasse. 

Depuis l’affaiblissement de son emprise coloniale, mis en lumière à Dien Bien Phu en mai 1954, l’envie de puissance de notre pays s’est reportée sur un projet d’union européenne. De Gaulle y voyait une Europe servant la France où celle-ci jouerait un rôle majeur devant une Allemagne scindée et affaiblie, et un Royaume-Uni tenu à distance. La chute du mur de Berlin, l’entrée du Royaume-Uni dans les traités européens a changé la donne. L’Allemagne a retrouvé sa puissance et la conscience de son rôle central en Europe où Aix-la-Chapelle s’est transféré à Francfort et à Berlin. Le Royaume-Uni joue son propre jeu atlantiste et indépendant. Les États-Unis ont pris le contrôle militaire d’une Europe sans politique extérieure cohérente et sans puissance militaire coordonnée. 

L’Union Européenne ne survit que dans l’emprise états-unienne et le traité transatlantique de libre-échange doit sceller ce phagocytage avec celui de l’OTAN. Mais désormais des failles profondes apparaissent. Les intérêts des pays du nord divergent de plus en plus de ceux du sud. Les premiers rechignent à aider les seconds. La mise à l’index par Bruxelles de la France, de la Belgique et de l’Italie est révélatrice des pressions que les pays du nord, Allemagne comprise, exercent sur les décisions de Bruxelles. Par ailleurs les pays de l’Europe centrale, ex-satellites de l’URSS, tendent une oreille beaucoup plus attentive à la Russie. Leur souvenir de l’emprise communiste leur fait craindre l’emprise américaine de plus en plus grande. L’alimentation en gaz de l’Europe par la Russie, la perspective de l’installation en Hongrie de la sortie du gazoduc passant par la mer Noire, entraînent des réflexions d’intérêt économique. 

Au-delà de tout cela c’est la montée d’un sentiment de défiance de nombreux peuples du sud sur le fonctionnement actuel de l’Europe où la démocratie est de plus en plus captée par les lobbies, les financiers et les technocrates puissants mais non élus avec des politiques prisonniers, voire soudoyés. La croissance est en berne, le chômage en hausse, les retraites et les salaires bloqués ou en baisse dans les pays du sud. Le rêve de l’Europe sociale s’est évanoui. Même l’Europe de la paix a failli au Kosovo, problème traité par les USA, et en ce moment l’Ukraine, traité par les mêmes. Les partisans de la sortie de l’euro, voire de l’UE, sont de plus en plus nombreux dans des mouvements nationaux. Pendant ce temps l’Allemagne a rétabli sa puissance à un point tel que son lien étroit avec les USA lui suffit. Pour elle l’UE ne l’intéresse que si elle permet de continuer sur la même voie, sinon elle peut s’en passer. C’est pourquoi : 

Le plan Juncker de relance est celui de la dernière chance 

Avant un éclatement de l’UE pour une autre Europe ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon